vendredi 2 décembre 2016

Le mode électoral canadien est-il vraiment malade ?

L'avenir démocratique du Canada n'est ni aussi simple, ni aussi complexe, que Justin Trudeau voulait nous le faire croire, durant la course électorale 2015. 

(dernière révision: 2017-02-05)

Très Hon. Justin Trudeau, élu Premier Ministre du Canada en novembre 2015. Crédits photo: Parti Libéral du Canada, course électorale de 2015


De plus en plus en Amérique du Nord, quand une élection démocratique ne donne pas le résultat attendu par un groupe, le groupe concerné tend à critiquer le mode électoral. Durant la période électorale de 2015, l'actuel Premier Ministre, Justin Trudeau, avait promis de réformer le mode électoral Canadien. C'est la position du PLC, un grand parti confiné au rôle de l'opposition durant plusieurs années, vaincu par les Conservateurs de Stephen Harper. Mais ce mode les a finalement ramenés au pouvoir. Maintenant, le comité chargé de recommander un nouveau mode de scrutin est divisé et cela n'est pas surprenant, car il n'y a pas de système électoral idéal. Un modèle qui a bien fonctionné dans une autre culture pourrait ne pas s'appliquer aussi bien ici et maintenant. Et Il n'y a pas de consensus dans la population, sur la nécessité de changer le système. 

L'avenir démocratique du Canada n'est ni aussi simple, parce que, 

1)  par exemple, en France, un système à plusieurs tours a quand-même donné un des présidents les plus impopulaires dès le milieu de son premier mandat et à la fin de celui-ci. Et cela n'est pas surprenant puisqu'un deuxième ou troisième choix de candidat n'est pas nécessairement représentatif pour l'électeur. D'autant plus quand on a déjà de la difficulté à se décider pour un premier choix.

2)  Au Parti Libéral du Canada (PLC), les deux derniers chefs précédant Justin Trudeau, choisis démocratiquement dans le système à plusieurs tours appliqué au parti, sont Ignatieff et Dion. Ce choix de parti a donné deux chefs peu populaires auprès du peuple, pour la fonction la plus élevé en politique fédérale.

3)  Une proportionnelle dans le système canadien? Un système à la proportionnelle indépendant de devoir remporter une circonscription dans un multiculturalisme tendu (beaucoup plus tendu qu'il y a dix ou vingt ans), donnerait à mon sens, inévitablement un nombre croissant, mais indéterminé de députés élus radicaux (extrême droite, extrême gauche, élus pro-charia, anti-fédéraux - anti-Canada -, candidats d'une seule cause ou une seule idéologie, etc.). Au lieu de consolider une élection avec un gouvernement majoritaire, un tel morcellement (multiplication des options) dans le contexte actuel, pourrait vite conduire à une assemblée (chambre) d'élus encore plus divisée avec des gouvernements encore plus instables. 

Les opposants au mode électoral canadien actuel à un tour, avec un député élu par circonscription, trouvent déjà qu'un système multipartite, faisant élire des candidats issus de 4 partis et portant par exemple au pouvoir un parti avec 40% des voies est «illégitime». Imaginez, si dans le contexte canadien plus éclaté actuel, on se retrouvait à 7 partis portant des députés au pouvoir, avec un probable nombre plus élevé d'indépendants. On pourrait se retrouver éventuellement avec un résultat à la proportionnelle, dont le parti le plus fort serait à 25% des voies... Un parti, pour diriger, devrait négocier et faire des alliances, même avec des radicaux pour passer des lois. Je ne pense pas que c'est dans l'intérêt des Canadiens. 

Le présent et l'avenir démocratiques du Canada ne sont pas non plus aussi complexes, ni négatifs dans la formule actuelle, parce que

le système actuel par circonscription (un territoire géographique) oblige à tenir compte des besoins des régions aux pourtours ou plus éloignées des capitales et métropoles (souvent régions de ressources naturelles, d'agriculture, etc.) dont dépendent celles-là, malgré leur plus grande concentration de population. 

La formule en vigueur au Canada en 2016 favorise donc, au moins en partie, 

  • une certaine décentralisation du pouvoir (un peu plus proche du principe de subsidiarité).
  • Elle favorise aussi la validation du candidat par sa circonscription. Un candidat dans une proportionnelle absolue qui irait chercher 20,000 votes dans tout le Canada parce qu'il rejoint un groupe particulier et mise sur une idéologie (ex. le racisme), vaut-il le même poids qu'un candidat qui va chercher 20,000 votes dans sa circonscription et que les gens voient vivre dans leur communauté régionale?
  • la circonscription favorise aussi la représentation avec un profil géographique et socioculturel différent.

On me répondra qu'on peut aussi appliquer plus d'un tour pour faire ressortir les candidats recevant le plus grand nombre d'appuis, mais ce point a été exposé en 1) et 2). Seriez-vous heureux d'un chef élu par 70% des voies après trois tours, mais qui représente votre deuxième ou troisième choix sur quatre? La notion de «majorité forte» ou «significative» devient toute relative si le deuxième ou troisième choix ne nous convient pas. On est loin d'être sûr que ce type de majorité provoquée par la contrainte soit réellement signifiante, comme nous le montre l'impopularité du président de la France, François Hollande, après sa majorité dans un système à plusieurs tours. On a vu que des choix de chefs de partis (ex. au PLC avec Ignatieff et Dion) selon ce modèle n'ont pas reçu l'aval des électeurs. Il m'a semblé que c'était non en raison de leurs qualités personnelles, mais en raison de la perception du jour, de ce que doit être un chef d'État et d'une certaine compétence essentielle: un leadership particulier à la fonction de chef d'une nation, que n'ont pas tous les députés et ministres.

Le meilleur mode électoral pour le Canada?  


Le meilleur mode électoral pour le Canada, est-il devant nous ou encore, est-il le système actuel? Et si la qualité des candidats et la représentation des diverses zones géographiques (par circonscription) était ce qui importe le plus, et non un mode électoral sans défaut? Et si les contestataires commençaient par voter?