samedi 28 juillet 2012

Pacte de "non-agression" électorale entre partis, est-ce éthique?

Élections, Québec 2012. LA COLLUSION DES POLITICIENS
Nous apprenions récemment qu'il existe une entente d'exclusivité territoriale entre les partis Québec solidaire et Option nationale (1). De tels pactes de "non-agression" électorale entre partis politiques relèvent de cette pratique qui consiste en des ententes entre les adversaires habituels, afin de ne pas présenter de candidats dans un comté pour l'un des partis. En échange, le parti favorisé dans un territoire ne présente pas de candidats dans un autre comté (ou profite d'un autre avantage, comme renforcer un autre comté). L'idée consiste à ne pas nuire à un concurrent d'idéologie proche afin de ne pas diviser le vote et de ne pas favoriser l'élection d'un adversaire commun (2). Tous les partis y ont recouru à un moment ou l'autre. Mais cette pratique pourrait soulever quelques questionnements. Peut-elle, par exemple, consister en une sorte de détournement de l'intention initiale de la démocratie québécoise?

Jean-Martin AUSSANT de
l'Option nationale, nouveau
parti reconnu par le DGEQ, le
31 octobre 2011.
J'ai beaucoup de difficultés avec cette pratique. Pourquoi? Parce que ces pactes me rappellent ce qui se passe dans d'autres activités et qui est spécifiquement interdit par la loi. Au niveau des activités économiques, ces ententes de collusion qui visent à conserver des prix plus élevés et protéger des territoires sont sous surveillance et même interdites. Par exemple, au Québec, une compagnie d'asphaltage ou de bétonnage ne peut conclure d'entente avec un compétiteur pour dire plus ou moins: «Reste dans ton territoire et je ferai de même. Comme cela, on ne se nuira pas mutuellement». Cela est clairement interdit pour toutes sortes d'activités commerciales (ex. déneigement)  et services (ex. génie-conseil). D'où en partie, la naissance de "pseudo-consortiums", par exemple au niveau des firmes de consultants (il y a de vrais consortiums pour compléter les expertises et des faux pour s'entendre "légalement" sur les prix).

Appliquée à l'exercice des élections d'un État, est-ce que les pactes excluant la compétition seraient soudainement blanchis? À mon sens, cela ressemble à un contournement douteux, une forme de "bypass", profitant d'un vide juridique pour changer le résultat démocratique final. Cela me semble du tripotage politique qui profite de ne jamais avoir été remis en question. Pour prendre une autre image, c'est comme installer une déviation entre le système électrique et le compteur du fournisseur du service, pour changer le résultat. À mon sens, appliquée au politique, cette pratique relève d'une tradition qui gagnerait à être changée... Mais probablement que ces pactes, au lieu d'être publics, seraient simplement conclus en secret.  Mais il faut au moins en souligner l'aspect manipulateur qu'ils représentent en constituant un détournement; genre de "bypass" électoral.

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1.  Émilie BILODEAU. Québec solidaire et Option nationale signent un pacte de non-agression. La Presse, 25 juillet 2012.

2. QS. Entente entre Québec Solidaire et Option nationale. Point de presse du 25 juillet 2012