samedi 18 février 2012

Éthique et culture religieuse : la philosophie devant la Cour suprême

18 février 2012 Les causes concernant les philosophies, les idéologies sociales et les croyances ou convictions religieuses et spiritualités ne sont pas bien jugées par les tribunaux. Pourquoi? Parce que ce sont des concepts complexes et fluides. Voici pourquoi des parents catholiques du Québec ont perdu leur poursuite, dans la cause du cours Éthique et culture religieuse - ECR, dans un jugement dévoilé vendredi le 17 février 2012 en matinée, par la Cour Suprême du Canada. Ceci dit, l'ECR n'est pas un concept du multiculturalisme, même si le programme peut le servir temporairement.

(Dernières modifications : Samedi 25 février 2012, 3 octobre 2012, 9 avril 2013, 20 juillet 2013).

RÉSUMÉ

Rompant avec une tradition législative et éducative selon laquelle les parents déléguaient une partie de l'enseignement de leurs croyances et valeurs à l'école, l'État a suivi les recommandations de ses consultants et modifié les chartes et les lois. Mais étonnement, il l'a fait non en retirant les cours touchant la religion et la morale, mais en s'auto-proclamant du même coup, Maître d'oeuvre et décideur des valeurs "communes" (incluant les croyances) des futures générations. Il a choisi de ne pas se retirer de la sphère des religions et croyances (séparation religion et spiritualité versus État), mais plutôt de la contrôler, à  partir de l'entrée des enfants à l'école et tout au long de leur cheminement scolaire. Cela a les caractéristiques d'une approche de programmation psychologique de longue haleine (1ere année du primaire à 5e secondaire). Et le concept n'est pas un véhicule du multiculturalisme, puisque faut-il le rappeler, l'ECR est une création du Parti Québécois, dont l'implantation a été différée à quelques reprises sous le PQ et imposé par les Libéraux du PLQ qui ont suivi. Mais il s'agit par contre, d'une ingérence de l'État dans la gestion des pensées : la foi, les spiritualités et croyances et les valeurs non seulement morales mais aussi politiques et idéologiques, chez les enfants. Si le programme d'ECR était multiculturel, le christianisme aurait encore des entrées dans les écoles, au même titre que les spiritualités et philosophies spirituelles orientales et New Age ou ésotériques. Or, ce n'est pas le cas. Il en est banni. C'est ce qui  a cours présentement. L'approche de la gestion des spiritualités et croyances explique pourquoi les parents ont perdu contre l'État québécois, devant les tribunaux, suite aux changements des  chartes du Québec, du Canada et des lois du Québec touchant à l'éducation. Pour le volet religieux et spirituel (phénoménologie de la religion) dans la documentation (livres et cahiers d'exercices), l'approche aux deux premiers cycles du primaire est soft, puis la méthode phénoménologique se fait un peu plus concentrée et progressivement contre les monothéismes chrétien et judaïque jusqu'à la fin du secondaire (conclusion agnostique).

L'État québécois a bien pris soin de mettre la table pour éviter de perdre les éventuelles poursuites; ceci en suivant les recommandations de ses consultants en idéologies, qui avaient aussi étudié l'aspect légal et les poursuites dans les causes semblables dans le monde, le droit international, etc. Ce n'est que plus inquiétant, d'avoir pensé ainsi. Si le gouvernement du Parti Québécois, l'initiateur de cette politique mise en pleine application par le Parti Libéral du Québec (PLQ), avait voulu préparer les bases d'un gouvernement autoritaire antichrétien (c'est l'étape 1 de plusieurs totalitarismes ou "démocraties" de régimes autoritaires), il n'aurait pas agi autrement.

  
Édifice de la Cour Suprême du Canada

Voyage dans le temps

La liberté de religion, de pensée et d'expression a pris du recul au Canada avec ce jugement de la Cour Suprême. La cause opposait des parents catholiques à la Commission scolaire Des Chênes (1). J'étais impliqué déjà à la fin de la décennie 1990 (alors en région), dans le contexte des débats sur la place de la religion à l'école. Dans ce contexte, le rapport Proulx, pour appuyer l'imposition d'un cours comme l'actuel ECR au primaire et secondaire, affirmait que les religions sont «des manifestations de l’esprit créateur humain» (2); théorie à la base de l'étude des religions sous l'angle de la phénoménologie.

Extrait du rapport Proulx, 1999, p. 90, Les religions, donc le christianisme inclus et Dieu, toutes sorties de l'esprit créateur humain (et de la culture), ce qui est la position de la phénoménologie.

Cela soulevait l'ire ou l'inquiétude de plusieurs chrétiens informés. C'était pour eux une profonde insulte; comme affirmer: Raël = Jésus-Christ. C'est pourtant une prise de position idéologique bien implantée et basée sur ces prémisses ou idées reçues et acceptées comme valables (qu'elles soient vraies ou fausses):
  • Il n'y aurait ni Vérité, ni Absolu.
  • Les religions reconnues comme cultes se vaudraient plus ou moins, non au sens que toutes bonnes, mais plutôt que toutes les religions déistes sont des constructions humaines.
  • Les spiritualités qui n'ont pas de culte direct envers une divinité spécifique passent entre les failles ou vides du système, parce qu'elles sont à tort classées avec les systèmes non religieux. Faut-il rappeler que même les philosophes grecs comme Platon, Porphyre, Plotin, Pythagore et autres ont transmis des positions religieuses, avec interprétations sur l'âme humaine, son origine, sa délivrance éventuelle, son statut temporel et éternel, etc. C'est pourquoi classer les philosophies orientales très semblables dans la catégorie des non-religions relève d'une grande stupidité. Le bouddhisme, par exemple, aborde la question de la délivrance de l'âme du cycle qui l'enferme dans un corps et dans les sens, à travers une philosophie spirituelle et des rites initiatiques libérateurs impliquant le yoga, la privation, l'ascétisme, voire le végétarisme; bref un bouddhisme avec son propre système de maîtres dans lequel les nouvelles spiritualités de l'occident puisent abondamment. Et cela, quand la voie bouddhique suivie n'est pas carrément un culte à la divinité, dépendant de la tradition suivie (prières, culte à Bouddha, etc.). Les animistes contemporains, un peu comme nos anciens amérindiens animistes, voient la Terre comme une déesse qui punit de façon consciente, les humains par des tsunami, tremblements de terre et autres phénomènes.
Et puisque les religions non déistes sont privilégiées dans ce système, il n'y a qu'un pas à franchir pour conclure «il faut censurer toutes les solutions déistes». 

TEST PROPOSÉ : Appliquez ces fondements «il n'y a pas d'idée qui soit meilleure ou supérieure, car elles sont toutes humaines» dans une interview destinée aux chefs de partis politiques, juste pour voir si cela passe rait le test du contenu d'un programme scolaire dans une démocratie. 

Les chrétiens croient inversement que les religions et croyances démontrent une source innée chez l'homme, qui lui vient de sa nature même. Il y a un Dieu, et ce Dieu a placé en l'homme, une aspiration à s'élever et à le chercher; il a mis en l'homme la pensée de l'éternité et de la survie de l'homme dans une autre "dimension".

Mais voilà, avec les deux affirmations pas d'Absolu et les religions se valent au sens qu'aucune n'est vérité, la base de la première version d'un cours d'ECR, laquelle existaient déjà en tant qu' Enseignement culturel des religions, le modèle retenu pour la conception du nouvel ECR serait élargi à tout le cheminement scolaire du primaire et secondaire au QuébecL'approche avait en effet déjà été testée au secondaire et devait, selon la recommandation du rapport Proulx, être élargie et ajustée aux deux prémisses (pas d'Absolu, les religions se valent, au sens d'une aliénation) à tout le cursus primaire et secondaire. Lors des consultations sur invitation et des débats, autour de 1997-2000, les spécialistes du gouvernement l'ont présenté comme le modèle à suivre dans la rédaction des cours futurs élargis au plus grand nombre, de 6 à 17 ans.
OUELLET, Fernand et autres, Étude 1,1999

«Le programme d’enseignement religieux de type culturel [...] était construit autour de thèmes tels le sacré, les tabous, les mythes, les rites, etc. Il abordait également l’étude des grandes religions dans le monde. Son approche s’inspirait surtout de la phénoménologie». (3).


Et par la suite OUELLET (2002) a renforcé en prétextant qu'il ne fallait pas laisser un vide en la matière à l'école, soit (comprendre); ne pas laisser aux parents les sphères des croyances religieuses et de la morale (valeurs, éthique). L'État devait s'en mêler (s'insérer entre les parents et les enfants).
«Par ailleurs, l’approche républicaine française, qui a conduit à exclure de l’école publique non seulement l’enseignement de la religion mais également l’enseignement sur le fait religieux, risque de conduire à des dérives inquiétantes:» (4)
Même théorie sociale lorsque ces mêmes spécialistes, comme Fernand OUELLET, réfèrent à l'extérieur du Québec:
« La relégation du fait religieux hors des enceintes de la transmission rationnelle et publiquement contrôlée des connaissances favorise la pathologie du terrain au lieu de l’assainir» (DEBRAY, R. (2002). L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque. Paris : Odile Jacob/Sceren-CNDP.  p.26 cité par Ouellet, 2002, p. 54).
Ce même Fernand Ouellet et le comité de l'Étude no 1 qu'il dirigeait, estimaient en 1999 que l'exercice consistant à couper subtilement le lien de référentiel moral avec les parents pouvait prendre place au 3e cycle du primaire (âge 10 à 11 ans env.):


          «Troisième cycle du primaire [...] Cette même autonomie rend l'enfant en mesure d'assumer discrètement certains choix entre des valeurs, tout en demeurant conforme aux perceptions qu'il a des conduites attendues de sa part par les adultes et les autres enfants de son entourage»

SourceL’enseignement culturel des religionsPrincipes directeurs et conditions d’implantation, Étude no 1. Groupe de travail sur la place de la religion à l'école. [Par le] Comité sur l'éducation au phénomène religieux, Gouvernement du Québec - Ministère de l'Éducation, 1999. p. 21


Ce n'est pas le fait que l'enfant ait ladite capacité d'opérer des choix qui inquiète ici. Cela fait partie de son développement. Ce qui ne veut pas dire que le parent ne doit plus avoir d'autorité sur son enfant, par exemple si ce dernier décidait de prendre de la drogue ou de risquer sa santé et sécurité. Ce qui inquiète plutôt, c'est qu'une entité gouvernementale démontre un intérêt de se servir de cette particularité du développement, pour programmer en quelque sorte la pensée de l'enfant en fonction des choix de l'État. L'école ne serait donc plus distincte de la couleur politique! 

L'annonce d'une grande noirceur...

Ceci implique par exemple, au niveau moral, que l'État pourrait inculquer aux enfants que la relation sexuelle à 10 ans est normale et saine, ou le joint de cannabis à 13 ans, etc. Ou que le marxisme et le communisme sont des options très valables. L'approche peut suggérer l'intention de l'État d'opérer une programmation psychologique ou morale, idéologique ou spirituelle, chez l'enfant, à l'encontre de la responsabilité des parents ou tuteurs, lesquels demeurent pourtant responsables devant la loi pour leurs enfants devant ce même État. Autrement dit: payez, et nous, l'élite élue ou non, les «spécialistes», on s'occupe de leur cerveau, de leur conscience morale et de ce qu'ils voteront en tant que jeunes adultes à la fin de la cohorte.


Loi sur l'Instruction publique et cheminement spirituel de l'élève

On peut dès lors se questionner sérieusement sur le sens que donnera l'État au mandat qu'il s'est donné en plus, par l'article 36 de la Loi sur l'Instruction publique, concernant le fait de faciliter le cheminement spirituel de l'élève:
«Elle [l'école] doit, notamment, faciliter le cheminement spirituel de l'élève afin de favoriser son épanouissement». (Extrait de l'article 36 de la Loi sur l'Instruction publique).

Mais comment interpréter ce «cheminement spirituel de l'élève» prévu par la loi, maintenant que le christianisme est banni des écoles non confessionnelles au Québec?

Réponse: Tout serait tolérable sauf le christianisme. Imaginez un instant le sens à donner au "cheminement spirituel de l'élève" en fonction d'un programme qui a banni le christianisme. Ceci peut aisément s'opérer dans le contexte d'un jugement de valeur subtile (non déclaré) sur les religions et spiritualités (une sorte de liste non écrite). Cela signifie qu'une commission scolaire puisse éventuellement décider (selon la pensée répandue depuis la Révolution tranquille, une prémisse récente) que si le christianisme n'est pas bon (leur point de vue), l'hindouisme et le bouddhisme peuvent l'être. On pourrait par exemple se doter de pratiques ou techniques hindoues dans certaines plages de l'horaire, y inclus en dehors du "cours" d'ECR; exemple, les techniques du yoga (=initiation aux enseignements hindous et bouddhiques, au début d'un cours). Mais coudonc! Ça se fait déjà, ma foi!

Il faut savoir que l'ECR n'est pas un cours, mais un programme (une approche, une philosophie) qui a des connexions (ramifications) avec les autres cours.

Interrelation de l'ECR avec le contenu des trois cycles du Primaire au Québec (1ère à 6e année du Primaire)
 
Intégration du programme d'ECR (Éthique et culture religieuse), au Québec, avec les divers domaines d'apprentissage, 3 cycles du Primaire. Il est important de noter que l'ECR est plus qu'un cours, c'est un programme intégré avec des liens dans diverses matières; une philosophie de l'ingénierie des sociétés et des valeurs incluant la gestion de la pensée dans toutes les disciplines. Source de l'image: Éthique et culture religieuse, version approuvée, Primaire. MELS (2007).
Interrelation de l'ECR avec le contenu des deux cycles du Secondaire au Québec (1ère à 5e année du Secondaire)
Intégration du programme d'ECR (Éthique et culture religieuse), au Québec, avec les divers domaines d'apprentissage, niveau du Secondaire. Il est important de noter que l'ECR est au Secondaire aussi, plus qu'un cours. Il s'agit d'un véritable programme de gestion des croyances avec des liens dans diverses matières; une philosophie de l'ingénierie des sociétés et des valeurs incluant la gestion de la pensée dans diverses disciplines. Source de l'image: Éthique et culture religieuse, version approuvée, Secondaire. MELS (2007).


Donc, dans un premier temps, dans les faits, rompant avec une tradition législative et éducative selon laquelle les parents déléguaient une partie de l'enseignement de leurs croyances et valeurs à l'école avec la provision financière correspondantel'État allait bientôt suivre les recommandations de ses consultants et modifier les chartes et les lois. Mais étonnement, il l'a fait en s'auto-proclamant du même coup, Maître d'oeuvre et décideur des valeurs "communes" des futures générations. Il a choisi de ne pas se retirer de la sphère des religions et croyances (séparation religion et spiritualité versus État), mais plutôt de la contrôler, à  partir de l'entrée des enfants à l'école et tout au long de leur cheminement scolaire. C'est ce qui se fait présentement. C'est aussi pour cela que les parents perdent devant les tribunaux.

Les parents demandaient que l'école continue de transmettre des valeurs et connaissances spirituelles. Ils  parlaient de leur tradition, ayant des droits constitutionnels garantis par les chartes (avant leur modification).  C'était en ce sens qu'était prévu initialement, le cheminement spirituel de l'élève. Mais, l'État a feint d'entendre qu'on voulait qu'il devienne Maître des valeurs et spiritualités; qu'il continue de percevoir l'argent des parents à cette fin... Ou plutôt à ses fins.

Et l'on a bien pris soin de mettre la table pour éviter de perdre les éventuelles poursuites devant les tribunaux; ceci en suivant les recommandations de ces consultants en idéologies, qui avaient aussi étudié les causes semblables dans le monde, le droit international, etc. Ce n'est que plus inquiétant, d'avoir pensé ainsi. Si le gouvernement du Parti Québécois, l'initiateur de cette politique mise en pleine application par le Parti Libéral du Québec (PLQ), avait voulu préparer les bases d'un gouvernement autoritaire anti-chrétien (étape priorisée par beaucoup de totalitarismes dans l'histoire), il n'aurait pas agi autrement.

Une question s'impose : Qui conseillait et conseille nos gouvernements? La question devient cruciale.

Deuxièmement, avec le même machiavélisme de la pensée imposée d'en haut sur la démocratie, l'état québécois a pris la précaution d'exclure les parents du processus de contestation.

Aller à l'encontre d'une croyance dans une discussion ou un dialogue en classe, sans l'interdire, ne constitue plus un motif suffisant pour déclarer la non-constitutionnalité de l'exercice en classe sur la base de la discrimination. Il faut, depuis les changements des chartes et des lois touchant l'instruction (éducation) prouver que l'enfant subit un préjudice grave. Le droit de retrait théorique de la loi est en effet conditionnel à un "préjudice grave" envers l'enfant,  et non pas envers la famille ou les parents. Il n'y a pas non plus de préjudice reconnu envers le lien d'autorité / responsabilité parentale. Ce sont pourtant les parents ou tuteurs qui paient les factures et conséquences et sont redevables si quelque chose arrive à, ou par, leur enfant.

Sauf que, c'est là la subtilité, l'enfant ne sait pas reconnaître un préjudice à son égard; pas plus que ne le pouvaient les Jeunesses hitlériennes. Passer par la «rééducation de la nouvelle génération» caractérise la prise de contrôle idéologique d'un État sur la pensée en vue de l'avenir; un peu comme on le fait avec un jeune de 10 ans qui a un potentiel athlétique pour éventuellement aller aux jeux olympiques, mais du point de vue ici des idées politiques, éthiques, sociales... La cause devient donc d'autant plus difficile à prouver, du fait qu'en vertu de la loi et des tribunaux le parent est exclu du processus d'évaluation, parce qu'il n'est pas un spécialiste.

Question: depuis quand faut-il être un «spécialiste» pour avoir droit de regard sur ce qui est bon pour ses enfants?