dimanche 25 juillet 2010

Tempête autour du Recensement de Statistique Canada

25 JUILLLET 2010.  OU recensement, mais recense m'en pas trop!

Je ne comprends pas l'hyper-réaction actuelle, en réponse à l'interrogation du Parti Conservateur du Canada (PCC) sur l'imposition du formulaire de recensement détaillé. Si vous présumez que les informations du recensement général et des autres cueillettes de données et enquêtes de Statistique Canada servent uniquement à vous procurer les meilleurs conditions de vie possibles, sachez que les données récoltées en mode continue avec une apogée tous les cinq ans au recensement général (population et agriculture), ne servent pas uniquement à l'État et aux services sociaux, municipaux et autres. 
Une tempête statistique...

Les précieuses informations servent aussi à l'Industrie, aux études de marché et aux grands financiers mondiaux. Avec le niveau d'informations collectées dans les divers exercices de l'agence Statistique Canada, il devient même facile pour les banques, les quasi monopoles (ex. pétrole, énergie), et les divers paliers de gouvernements de calculer la capacité limite de la population de payer. Derrière la contestation émotive actuelle s'opposant à la réflexion du PCC, n'oubliez jamais que peut aussi se cacher une certaine résistance de gens qui travaillent avec les chiffres au sein de la fonction publique et en milieu universitaire (formation des statisticiens, des économistes, etc.).


Personne n'est contre la vertu

Dans l'exercice de promotion et de justification des recensements, on fera évidemment toujours ressortir l'avantage que vous pourrez en tirer collectivement, par exemple en retour de vos taxes et impôts sous forme de services selon les besoins réels (santé, services sociaux, transports, énergie, habitation, éducation, politiques économiques nationales, etc.). Nul n'est donc contre cette vertu; à savoir le bon usage des recensements, visant à fournir des données essentielles comme la population, sa répartition selon l'âge, la migration positive (+) et négative (-) par territoire (par provinces ou territoires et régions), le nombre de personnes par foyer, la répartition de la population par arrondissement municipal ou par quartier, la santé, le revenu familial, etc. Tout ceci peut contribuer à diriger les ressources de nos divers paliers de gouvernements, là où elles sont ou seront vraiment requises et à orienter les politiques diverses de l'État. Et toute "entreprise" justifie évidemment ses bons services. 

Sur l'actuelle panique médiatique

Premièrement, il est possible qu'une part de l'actuelle panique médiatique, en certains milieux du moins, vise à discréditer le parti au pouvoir davantage qu'à protéger l'intérêt des citoyens.
Vous pouvez être certains que si tous les foyers canadiens recevaient le formulaire détaillé en 2011, avec obligation de réponse, plusieurs changeraient d'avis et se rangeraient du côté de la position du PCC. Consultez le formulaire complet de 40 pages de 2006 (2B) en version PDF : Recensement 2006 - 2B (Formulaire long) (Version PDF, 5 ko)http://www.statcan.gc.ca/imdb-bmdi/instrument/3901_Q2_V3-fra.pdf
Un politicien a utilisé une mauvaise illustration (l'entité "salle de bain") pour expliquer l'intention du gouvernement au pouvoir sur la base de scénarios émis. Puis un chef statisticien démissionne et il n'en faut pas plus pour que surgisse la théorie du complot Conservateur. Les conservateurs ne voudraient plus savoir combien il y a de pauvres au Canada, s'empressent d'écrire et diffuser les professionnels (?) du journalisme. Faut le faire! Lors de réorganisations et de changements importants dans une organisation, il n'est pas exceptionnel  que certains "chefs" (adjoints, cadres) se retirent, car ils considèrent que leurs valeurs, leurs compétences ou leur leadership sont remis en question ou bafoués.

Décompressons SVP !

Par exemple, repensons à l'argument d'un ministre Conservateur, utilisant le nombre de salles de bain pour illustrer l'intrusion de l'État dans la vie des gens. Il ignorait que celles-ci n'étaient pas compilées, alors que les autres pièces le sont effectivement, dans certaines années du formulaire détaillé. Les médias n'ont pas retenu le but de l'exemple, mais ont ressorti cette erreur insignifiante. Les salles de bain ne sont pas comptabilisées, non pas parce que l'agence Statistique Canada ne voudrait pas le faire (elle répertorie les autres pièces!), mais vraisemblablement pour une question d'uniformité nationale ou internationale, ou pour une autre raison.  

Le formulaire détaillé n'étant pas fixe et pouvant varier dans sa partie à valeur ajoutée,  l'important pour un journaliste professionnel, n'est donc pas de savoir si l'attribut "nombre de salles de bain" invoqué par un ministre, apparaît effectivement au formulaire détaillé de 2011, mais serait de déterminer si les données recueillies sont toujours dans le plus grand intérêt des citoyens et de la liberté de choix

Car sachez que l'usage qui sera fait des statistiques que vous fournissez allègrement, peut avoir un impact restrictif direct sur votre liberté future de choisir. Particulièrement dans le contexte de la mondialisation des marchés et de la perte d'autonomie des pays, à l'égard des grands financiers et de leurs politiques économiques et sociales, dictées aux États de moins en moins souverains.

Vous présumez par exemple, que votre province se soucie du nombre de malades non autonomes pour offrir des services de soutien aux aidants naturels (conjoint, famille, proches). Mais peut-être que le gouvernement provincial qui attend les données sur la santé, pense à d'autres solutions, telles que l'ouverture au suicide assisté pour les cancéreux, l'euthanasie et autres solutions du moindre effort. Les frais de santé seront réduits et les membres de famille ainsi libérés pourront retourner au travail et payer des impôts et taxes. De quoi réjouir les "Lucides".
Quand les médias ont mis une énorme emphase sur l'exemple un peu malhabile du nombre de salles de bain utilisé pour défendre la position envisagée par le gouvernement Conservateur (attribut  avéré inexistant au formulaire détaillé), ces médias ont détourné l'attention des vrais enjeux. Un enjeu majeur et incontournable concerne l'accès de l'État dans votre vie privée, au delà de ce qui est vraiment essentiel. Jusqu'où un gouvernement peut-il aller dans votre vie privée (ex. le profil de vos dépenses, de l'utilisation de votre temps à la maison, votre équipement électronique, etc.)? Voilà l'enjeu véritable que tout citoyen doit saisir. Voilà ce que certains médias qui se disent défenseurs des droits et libertés devraient approfondir. 

Deuxièmement, moins de statistiques recueillies, compilées et gérées par la fonction publique, cela impliquerait aussi moins de statistiques gérées par la fonction publique; donc éventuellement, moins de statisticiens, économistes et autres spécialistes syndiqués, embauchés par l'État, et plus de sondages et enquêtes au privé. Cet impact explique certainement en partie la réaction médiatique surexposée.

Troisièmement, il y a le contexte d'une partie d'une déclaration qui est souvent occulté par les médias. Le PCC prétend évaluer des scénarios soumis par des employés de l'agence à sa demande. Un tel exercice peut effectivement parfois se faire par les employés à la base et non pas uniquement avec les "chefs". Parlant de contexte, je me souviens qu'en 1996, c'était 1 formulaire sur 5 qui était détaillé avec réponse obligatoire. Pour 2011, le PCC proposait 1 sur 3, mais avec réponse facultative. À 1 foyer sur 3  recevant un formulaire long en 2011 (soit 33 1/3 pourcent des recensés) avec possibilité de refuser de répondre à la partie longue,  contre 1 sur 5 (soit 20 pourcent des rencensés) avec obligation de répondre auparavant, le résultat aurait peut-être été satisfaisant. Cela peut se débattre, certainement, sans constituer pour autant un "complot" de la droite économique.

Quatrièmement, ayant été recenseur en 1996, j'ai noté un effet pervers du niveau de détail des questionnaires longs: soit la sensibilité du citoyen qui se sent un peu trop enquêté. Dans bien des cas, un formulaire long, non retourné constitue une forme de contestation. La personne trouve que les questions du formulaire détaillé (version longue) vont trop loin, que le questionnaire est trop complexe ou trop long, etc. Plusieurs m'en ont fait part expressément lors du recensement de 1996. Ces personnes recensées tardent davantage à retourner les formulaires détaillés complétés, faute de temps ou pour voir si elles pourront échapper au processus. D'autres se méfient de ces recenseurs occasionnels, relativement en lien avec le respect de la confidentialité.

Mais dès que les médias faisaient circuler le communiqué avec les pénalités possibles associées au refus de répondre (jusqu'à la prison), il devenait plus facile d'obtenir les formulaires. Mais cela ne garantissait pas pour autant la véracité des déclarations.

Encore une fois, la lecture que font les journalistes en se basant uniquement sur les plaintes ou encore les cas qui résistent jusqu'aux poursuites légales est un indice de manque possible de bonne foi de leur part (partisannerie politique) ou de profondeur et d'instinct journalistique. La plupart des  gens ne savent pas à qui adresser ce genre de plainte, d'une part, et d'autre part, avez-vous déjà essayé de vous plaindre contre une loi? Les gens savent que ce serait un combat perdu à l'avance.


CinquièmementÀ ces journalistes de l'État qui se croient de gauche alors qu'ils ont des revenus  et des fonds de retraite au-dessus de la moyenne, je dirais ceci. Vous admirez les nouveaux (néo-) Marx, Lenine, Castro et Tché ? C'est bien. Mais ce serait moins le cas dans un véritable système semblable à ce qui a résulté du militantisme des grandes figures; quand on viendrait prélever, par décret, 30 ou 40 % de votre revenu de retraite pour en donner une bonne partie à la classe riche et un petit reste à une famille pauvre. Dans les faits, ces idéologies, pourtant en plein modernisme du 20e siècle, ont produit non pas des systèmes avec une large classe moyenne, mais des sociétés avec une très petite classe aisée, une classe moyenne de taille réduite, et une base pauvre très importante, en nombre. Il y a souvent une grande différence entre les idéaux des drapeaux rouges et noirs, et la réalité qui en résulte. Donc, avant de rejeter un système qui a encore une large classe moyenne et de donner votre allégeance à tous ces néo-, pensez-y à deux fois.

Commercialisation des données recensées sur vous et vos pratiques

En marge de ces grands recensements qui font beaucoup de bruit, il y a plusieurs autres cueillettes de données et enquêtes menées par Statistique Canada. Et beaucoup de temps est investi pour recueillir toutes les données par un recenseur lors d'un recensement général. La plus grande part d'énergie investie  par le recenseur n'est pas dans la formation reçue, ni dans la distribution des formulaires, mais dans le suivi en vue du plus haut taux de réponses possible.