samedi 2 novembre 2013

Politique Municipale - L'Affaire David LEMELIN, Québec 2013

Élections 2013, Mairie de la Ville de Québec.

Un homme peut-il refaire sa vie 20 ans après une offense et un pardon judiciaire accordé? La semaine qui se termine, les animateurs des radios privées de Québec disaient que non. Voilà un test intéressant pour nos valeurs dites «communes». Nous assistons en réalité, de plus en plus aux contradictions de celles-ci. Le candidat LEMELIN a demandé et obtenu un pardon dans le cadre du système judiciaire canadien, ce qui implique ou suppose un amendement et une bonne conduite par la suite. Il a cependant omis d'en informer ses collègues du parti Démocratie Québec, ceux-ci candidats pour les districts électoraux du parti dont il a obtenu la chefferie.

David LEMELIN. Candidat à la mairie
de la ville de Québec, 2013.
Crédits photo: Démocratie Québec
page consultée: sam. 2 novembre 2013
Au Québec, un homme peut commettre un meurtre et être en semi-liberté quelques années plus tard (1).  Un médecin chirurgien dépressif peut tuer ses deux bambins à l'arme blanche, les éviscérer et être en libération progressive en 4 ans. Mais un candidat à la mairie de la Ville de Québec (Capitale du Québec), dans la course en vue de l'élection du 1er novembre 2013, a commis des voies de fait sur une conjointe 20 ans auparavant. Depuis, ils ont fait la paix, il a fondé une famille stable, et a obtenu son pardon judiciaire officiel des représentants de la justice et de l'État. Si tout ce qu'il dit à sa défense est vrai, il n'aurait failli que sur ce point: omettre d'informer ses collègues avant d'être choisi pour représenter Démocratie Québec. Sauf que légalement, il n'était pas contraint de le faire, sur le principe du pardon officiel obtenu. Un manque de jugement, probablement (ou peut-être), mais cette semaine, tous les candidats du parti, aux postes de conseillers de districts après avoir entendu ses motifs et raisons, ont décidé de l'appuyer. C'est probablement à leur honneur; si le pardon signifie encore quelque chose... 

Peut-on douter de l'exactitude des faits du point de vue autocritique du candidat LEMELIN? Oui. Mais d'un autre côté, après 20 ans, il faudrait peut-être passer à autre chose. Sinon, qu'on détruise tous les films et séries sur Jean Valjean, le héros du célèbre Roman Les Misérables de Victor Hugo.

La crise médiatique

Comme par hasard, le Journal de Québec a sorti la nouvelle de cet écart de conduite pour lequel le candidat au poste de maire pour 2013, avait plaidé coupable et subi les conséquences pénales, mais ceci à quelques jours du scrutin pour les municipalités et villes du Québec. Peut-être que le journal l'a appris à la limite de la course, oui. En ce cas, le ou la journaliste devrait prendre un billet de la Lotto, car la chance est avec ces jours-ci. Mais d'un point de vue éthique journalistique, cette prise à la pêche, faute d'informations complètes, et sa diffusion soulève des interrogations. D'ailleurs, le Journal de Québec et la machine sont vite passés en mode «damage control», contrairement à ce qu'ils se seraient attendus. On semble plutôt avoir voulu planter le candidat, quitte à aller à la pêche avec une information d'une source non contre-vérifiée ou en l'absence d'engagement officiel d'une source.

Le rédacteur en chef  du journal a dû intervenir en personne pour défendre sa journaliste, mais ce faisant, il a confirmé qu'ils ont confronté LEMELIN, sans avoir préalablement eu le temps de valider leurs sources:

«Cela faisait quelques jours que des sources nous chuchotaient des informations au sujet du dossier criminel qu’a autrefois traîné le chef de Démocratie Québec. On nous racontait qu’il avait obtenu son pardon peu avant la fondation de son parti. Après avoir effectué les vérifications d’usage, après avoir retourné sans succès toutes les pierres, nous avons décidé hier de questionner M. Lemelin» (2).

Nous pouvons aussi (autre option) nous réserver, un petit droit de douter que le journal n'avait pas l'information quelques temps plus tôt. Ce temps «plus tôt» que LEMELIN fait remonter au 26 mars 2013, quelques mois avant la course.

La journaliste Karine GAGNON dans l'édition du journal de samedi le 2 novembre, ne le nie pas, pour qui sait bien lire les virgules, mais se défend plutôt en disant que ce n'étaient alors que des rumeurs. Pourtant, lors de la sortie en catastrophe avant le scrutin, aucun témoin n'acceptait de signer une déclaration écrite. La thèse d'une source en mars 2013, impliquerait alors une rétention de l'information à des fins opportunistes. Il subsistera toujours un doute pour plusieurs électeurs de la ville de Québec. La journaliste par qui le scandale arrive, Karine GAGNON, connue dans cette course pour ses fortes réticences envers LEMELIN, contredit cette théorie du complot. Ce faisant, elle confirme du coup, que le journal a décidé de confronter le candidat sans aucun témoin acceptant de signer une déclaration écrite:
«David Lemelin dit n’importe quoi lorsqu’il affirme que le Journal détenait cette information depuis au moins le 26 mars. On avait entendu des rumeurs, mais rien qui puisse être validé [...] En dernier recours, après avoir accumulé plusieurs informations, mais toujours sans preuve écrite que nous puissions publier, nous avons confronté M. Lemelin» (3).
Cela fait très mal paraître le journal en donnant parfois l'allure d'un règlement de compte, si on met le tout dans la perspective des chroniques précédentes de Madame GAGNON. Pour prendre position, elle le faisait.

LA QUESTION

Mais la question principale demeure la suivante. À QUOI PEUT BIEN SERVIR UN PARDON JUDICIAIRE, si une personne peut, sans impunité, nuire à un individu qui veut refaire sa vie? Loin de moi l'idée que le candidat serait plus blanc que neige ou que la violence conjugale (violence domestique) serait une chose banale. Et pour l'attitude? Nous voyons la même chose, le même genre d'arrogance, chez le maire sortant... Mais au-delà du candidat LEMELIN, dans le sens plus large du principe du pardon judiciaire, que faisons-nous, si le pardon judiciaire de l'État et de la justice ne valent pas le papier sur lequel ils sont écrits?

Aspect social

Ce qui m'a surpris, c'est la réaction médiatique, dans les radios privées à contenu parlé, par exemple. Contrairement aux citoyens plus partagés sur le sujet, les animateurs des tribunes étaient tranchants. Ce qu'il a fait était selon eux disqualifiant pour la fonction, et ce pour le reste de sa vie. Là, je ne suis pas sûr que j'embarque. Il y a des irrécupérables, mais aussi entre les deux. Selon eux et elles, on ne pourrait jamais lui faire confiance pour un poste de maire d'une ville. Pourtant, si le pardon judiciaire (et judéo-chrétien) signifie quelque chose, et si l'on croit qu'une personne puisse changer de conduite... 

Maire sortant

Le maire sortant, Régis LABEAUME, s'est montré plus mordant que les citoyens de Québec. À la question, à savoir s'il apprenait chez l'un des candidats de son parti, que ce dernier ait déjà frappé sa conjointe et été condamné pour cela, s'il l'accepterait comme candidat, il a répondu que non «tu ne touches pas à ça», question posée dans le contexte d'une offense criminelle d'il y a 20 ans. Pour le maire LABEAUME, il faut donc avec ce qui n'est pas une personne, mais un «ça», les condamner à vie comme non réformables. Il faudrait donc, socialement, jeter les fautifs dans un puits sparte, comme dans le film 300, il est fait avec les messagers des Perses. Ici au sens figuré évidemment, la mort politique pour toujours, toujours, toujours...

Citoyens électeurs de la ville de Québec