samedi 10 avril 2010

Cours d'Éthique et culture religieuse (ECR) : une vision du monde imposée par l'État

Que vient faire la légende du roi Arthur dans un manuel scolaire du programme d'Éthique et culture religieuse? Que font de tels récits héroïques fictifs dans le cours d'ECR étalé sur plusieurs années du curriculum scolaire, qui prétend favoriser le «vivre-ensemble» dans la société d'aujourd'hui et de demain?

Le samedi 19 décembre 2009, j'ai abordé la question de l'étrange phénomène des super-héros dans le programme d'ECR et d'autres curiosités. Aujourd'hui, je propose de regarder le rôle que peut jouer un récit fictif du 5e siècle ap. J.-C., la légende du roi Arthur, dans le contexte du rôle de la principale approche philosophique à la base du programme d'Éthique et culture religieuse (ECR).

La légende du roi Arthur mis en équivalence
(même autorité) que les récits chrétiens.
Réponse : La déduction de l'élève espérée par le pédagogue dans ce genre d'approche éducative appliquée à la religion (dite culture religieuse) et aux valeurs (éthique), découle de ces préalables :

1. Premièrement
Le pédagogue, ici le Gouvernement du Québec via le Ministère de l'Éducation du loisir et du sport (MELS) et les commissions scolaires ne veulent pas de problèmes avec les chartes des droits, ni de poursuites judiciaires associées à une apparence ou à un réel non-respect de la liberté d'opinion et de religion. Donc, l'élève doit parvenir à déduire par lui-même, ce que le pédagogue peut difficilement exprimer ouvertement sans risque de poursuites. C'est l'une des raisons pour lesquelles le programme est si étalé en nombre d'années. Cela explique la raison aussi,  pour laquelle on parle beaucoup dans l'ECR, de l'approche par le dialogue, la discussion, le débat, etc. Ainsi, les professionnels et le Gouvernement se placent à l'abri des tribunaux, puisque ce sont l'élève ou la classe qui expriment ce que l'on attend d'eux.

2. Deuxièmement
Quand à la méthode, le pédagogue applique les grandes recommandations de 1999-2000 (de l'Étude 1 et du rapport Proulx) ayant mené à l'actuelle version de l'ECR, soit un programme au contenu sous-tendu principalement, quoique non exclusivement, par l'approche de la phénoménologie (une philosophie). La manière politiquement correcte et codifiée d'exprimer cette approche est «l'étude du phénomène religieux».

Sur la véritable identité de la phénoménologie

La phénoménologie appliquée à l'étude comparée de phénomènes religieux (l'approche privilégiée pour le contenu d'information religieuse du programme), étale côte à côte des phénomènes de diverses religions et traditions spirituelles pour en tirer ses conclusions, directement ou subtilement, selon ce que permettent le contexte politique et les chartes des droits.

Par exemple, en phénoménologie de la religion, on comparera une thematique entre divers courants religieux et spirituels :
- phénomène de la conversion et ses effets ressentis (témoignés) et extériorisés (observateur extérieur) en comparaison avec d'autres religions et croyances
et ainsi de suite avec la thématique de la lumière et des saisons,

  • les "miracles"
  • la guérison
  • les vêtements de culte / vêtements et ornements dits "sacrés"
  • le rôle de l'eau dans les cérémonies et pratiques religieuses
  • les lieux, édifices ou salles où se réunissent les adhérents
  • etc.

Évidemment, une telle approche a l'avantage de ressembler au multiculturalisme. Par contre, on y isole l'expérience d'un contexte beaucoup plus complexe et chargé, car une religion est avant tout un système. Par analogie, vous pourriez posséder toutes les pièces d'un moteur d'automobile, mais rien ne se tient, ni ne se prouve ou s'expérimente vraiment, tant que le moteur n'est pas assemblé et mis en marche (démonstration) dans une automobile.

Une faiblesse de la principale approche philosophique des croyances "en pièces détachées" qui sous-tend le cours d'ECR, sera de ne pas différencier le sens profond de pratiques en apparence comparables et surtout, de ne pas les relier à l'ensemble.

On peut penser par exemple au  Repas du Seigneur (Cène ou Sainte-Cène) chez les protestants, étalé à côté du sacrement de la Communion chez les catholiques. Chez, le catholique, la Communion est l'occasion de la transsubstantiation; c'est-à-dire, de la transformation du pain en la chair (corps) de Jésus et du vin en son sang. Pour le prêtre, il ne s'agit pas simplement d'un acte commémoratif du sacrifice de Christ contenant un enseignement et une exhortation à vivre dignement, mais davantage du renouvellement du sacrifice à chaque messe, avec toute son efficacité expiatrice. Le prêtre catholique officiant qui consacre les espèces (pain et vin), communique la personne de Christ. C'est l'interprétation de l'approche sacramentelle, selon laquelle le symbole devient la réalité représentée. Le prêtre catholique sacrifie la substance de Jésus contenue dans le pain et l'offre aux fidèles catholiques qui le reçoivent. Chez le protestant, la Cène (Communion) se veut surtout un mémorial (commémoration) de l'oeuvre de Christ, favorisant un autoexamen personnel  de conscience et éventuellement le réengagement ou la réconciliation avec Christ. C'est un acte reconduisant la foi avec son focus dans l'oeuvre de Christ, pour celui qui y prend part.

Mais la phénoménologie ne fait généralement pas dans les nuances. Il faudrait plusieurs vies pour comparer plusieurs religions complexes. Et si elle le fait (comparaison de phénomènes), c'est afin de  démontrer que l'expérience religieuse est avant tout culturelle, fonction de celui qui vit l'expérience (ex. interprétation personnelle, environnement socio-culturel, psychologie). C'est ce que signifie étude du "phénomène religieux" de l'aliment sacré ou magique.

Dans le même genre, on pourrait aussi parler du phénomène religieux du rôle de l'eau dans les pratiques religieuses (purifications, baptêmes, etc.).

La conclusion attendue de ce programme : NE PAS REJETER, NE PAS S'ENGAGER

En fait, ce n'est qu'à l'étudier plus attentivement, que la phénoménologie finit par dévoiler sa véritable nature. Il s'agit en fait d'un relativisme de tendance agnostique, dont les prémices sont : NE PAS REJETER, NE PAS S'ENGAGER en matière de religion. C'est le NE PAS S'ENGAGER qui va à l'encontre du principe de neutralité de l'État, lequel n'a pas l'autorité, mais se l'approprie, de décréter quoi croire ou ne pas croire; chose pourtant la plus reprochée aux religions.

C'est pourtant la conclusion par excellence de la phénoménologie de la religion. Évidemment, ceci n'est ni une position neutre en faveur de la liberté religieuse, ni l'ouverture à l'expérience de l'autre pour «vivre ensemble». Selon la phénoménologie, la personne engagée activement dans sa religion est considérée en position de déséquilibre; déclaration qui constitue un jugement et une forme de stigmatisation dans l'opinion de ceux qui reçoivent directement ou par allusion à mots couverts. C'est cette pensée qui sous-tend le cours et le matériel (livres, cahiers d'exercices) si on les suit à la lettre.


En effet, voici une de ses prémices fondamentales selon un des principaux promoteurs de l'approche phénoménologique pour l'étude des religions au 20e siècle. Gerardus Van der Leeuw écrira, dans un ouvrage-référence volumineux, recensant et comparant les expériences ou phénomènes religieux :

«Dans les religions de l'équilibre maintenu, on ne peut donc parler ni d'une foi personnelle ni d'incrédulité ...» (1).

C'est on ne peut plus clair: une approche agnostique ou relativiste. Et encore :

«La vie religieuse intérieure prend seulement naissance lorsque l'équilibre est rompu» (2).
Il n'est même plus question ici du respect de la liberté de religion, même à la maison et jusque dans la chambre de prière. On veut en fait décourager jusqu'à la vie religieuse intérieure, ce qu'il y de plus privé et intime; votre intellect et votre conscience !

Cependant, l'ECR fondé principalement sur la phénoménologie qui en est la principale base pédagogique, passe dans les médias et même dans les milieux enseignants, pour être un cours d'ouverture à l'autre, favorisant le «vivre-ensemble» dans une société multiculturelle, "pluraliste". Plusieurs enseignants s'y laissent prendre. Nous verrons que ceci n'est que du mimétisme (ressembler à autre chose), dont la plupart des enseignants ne sont pas conscients, mais profitant d'un contexte social qui sert bien le cours d'ECR.