samedi 18 février 2012

Éthique et culture religieuse : la philosophie devant la Cour suprême

18 février 2012 Les causes concernant les philosophies, les idéologies sociales et les croyances ou convictions religieuses et spiritualités ne sont pas bien jugées par les tribunaux. Pourquoi? Parce que ce sont des concepts complexes et fluides. Voici pourquoi des parents catholiques du Québec ont perdu leur poursuite, dans la cause du cours Éthique et culture religieuse - ECR, dans un jugement dévoilé vendredi le 17 février 2012 en matinée, par la Cour Suprême du Canada. Ceci dit, l'ECR n'est pas un concept du multiculturalisme, même si le programme peut le servir temporairement.

(Dernières modifications : Samedi 25 février 2012, 3 octobre 2012, 9 avril 2013, 20 juillet 2013).

RÉSUMÉ

Rompant avec une tradition législative et éducative selon laquelle les parents déléguaient une partie de l'enseignement de leurs croyances et valeurs à l'école, l'État a suivi les recommandations de ses consultants et modifié les chartes et les lois. Mais étonnement, il l'a fait non en retirant les cours touchant la religion et la morale, mais en s'auto-proclamant du même coup, Maître d'oeuvre et décideur des valeurs "communes" (incluant les croyances) des futures générations. Il a choisi de ne pas se retirer de la sphère des religions et croyances (séparation religion et spiritualité versus État), mais plutôt de la contrôler, à  partir de l'entrée des enfants à l'école et tout au long de leur cheminement scolaire. Cela a les caractéristiques d'une approche de programmation psychologique de longue haleine (1ere année du primaire à 5e secondaire). Et le concept n'est pas un véhicule du multiculturalisme, puisque faut-il le rappeler, l'ECR est une création du Parti Québécois, dont l'implantation a été différée à quelques reprises sous le PQ et imposé par les Libéraux du PLQ qui ont suivi. Mais il s'agit par contre, d'une ingérence de l'État dans la gestion des pensées : la foi, les spiritualités et croyances et les valeurs non seulement morales mais aussi politiques et idéologiques, chez les enfants. Si le programme d'ECR était multiculturel, le christianisme aurait encore des entrées dans les écoles, au même titre que les spiritualités et philosophies spirituelles orientales et New Age ou ésotériques. Or, ce n'est pas le cas. Il en est banni. C'est ce qui  a cours présentement. L'approche de la gestion des spiritualités et croyances explique pourquoi les parents ont perdu contre l'État québécois, devant les tribunaux, suite aux changements des  chartes du Québec, du Canada et des lois du Québec touchant à l'éducation. Pour le volet religieux et spirituel (phénoménologie de la religion) dans la documentation (livres et cahiers d'exercices), l'approche aux deux premiers cycles du primaire est soft, puis la méthode phénoménologique se fait un peu plus concentrée et progressivement contre les monothéismes chrétien et judaïque jusqu'à la fin du secondaire (conclusion agnostique).

L'État québécois a bien pris soin de mettre la table pour éviter de perdre les éventuelles poursuites; ceci en suivant les recommandations de ses consultants en idéologies, qui avaient aussi étudié l'aspect légal et les poursuites dans les causes semblables dans le monde, le droit international, etc. Ce n'est que plus inquiétant, d'avoir pensé ainsi. Si le gouvernement du Parti Québécois, l'initiateur de cette politique mise en pleine application par le Parti Libéral du Québec (PLQ), avait voulu préparer les bases d'un gouvernement autoritaire antichrétien (c'est l'étape 1 de plusieurs totalitarismes ou "démocraties" de régimes autoritaires), il n'aurait pas agi autrement.

  
Édifice de la Cour Suprême du Canada

Voyage dans le temps

La liberté de religion, de pensée et d'expression a pris du recul au Canada avec ce jugement de la Cour Suprême. La cause opposait des parents catholiques à la Commission scolaire Des Chênes (1). J'étais impliqué déjà à la fin de la décennie 1990 (alors en région), dans le contexte des débats sur la place de la religion à l'école. Dans ce contexte, le rapport Proulx, pour appuyer l'imposition d'un cours comme l'actuel ECR au primaire et secondaire, affirmait que les religions sont «des manifestations de l’esprit créateur humain» (2); théorie à la base de l'étude des religions sous l'angle de la phénoménologie.

Extrait du rapport Proulx, 1999, p. 90, Les religions, donc le christianisme inclus et Dieu, toutes sorties de l'esprit créateur humain (et de la culture), ce qui est la position de la phénoménologie.

Cela soulevait l'ire ou l'inquiétude de plusieurs chrétiens informés. C'était pour eux une profonde insulte; comme affirmer: Raël = Jésus-Christ. C'est pourtant une prise de position idéologique bien implantée et basée sur ces prémisses ou idées reçues et acceptées comme valables (qu'elles soient vraies ou fausses):
  • Il n'y aurait ni Vérité, ni Absolu.
  • Les religions reconnues comme cultes se vaudraient plus ou moins, non au sens que toutes bonnes, mais plutôt que toutes les religions déistes sont des constructions humaines.
  • Les spiritualités qui n'ont pas de culte direct envers une divinité spécifique passent entre les failles ou vides du système, parce qu'elles sont à tort classées avec les systèmes non religieux. Faut-il rappeler que même les philosophes grecs comme Platon, Porphyre, Plotin, Pythagore et autres ont transmis des positions religieuses, avec interprétations sur l'âme humaine, son origine, sa délivrance éventuelle, son statut temporel et éternel, etc. C'est pourquoi classer les philosophies orientales très semblables dans la catégorie des non-religions relève d'une grande stupidité. Le bouddhisme, par exemple, aborde la question de la délivrance de l'âme du cycle qui l'enferme dans un corps et dans les sens, à travers une philosophie spirituelle et des rites initiatiques libérateurs impliquant le yoga, la privation, l'ascétisme, voire le végétarisme; bref un bouddhisme avec son propre système de maîtres dans lequel les nouvelles spiritualités de l'occident puisent abondamment. Et cela, quand la voie bouddhique suivie n'est pas carrément un culte à la divinité, dépendant de la tradition suivie (prières, culte à Bouddha, etc.). Les animistes contemporains, un peu comme nos anciens amérindiens animistes, voient la Terre comme une déesse qui punit de façon consciente, les humains par des tsunami, tremblements de terre et autres phénomènes.
Et puisque les religions non déistes sont privilégiées dans ce système, il n'y a qu'un pas à franchir pour conclure «il faut censurer toutes les solutions déistes». 

TEST PROPOSÉ : Appliquez ces fondements «il n'y a pas d'idée qui soit meilleure ou supérieure, car elles sont toutes humaines» dans une interview destinée aux chefs de partis politiques, juste pour voir si cela passe rait le test du contenu d'un programme scolaire dans une démocratie. 

Les chrétiens croient inversement que les religions et croyances démontrent une source innée chez l'homme, qui lui vient de sa nature même. Il y a un Dieu, et ce Dieu a placé en l'homme, une aspiration à s'élever et à le chercher; il a mis en l'homme la pensée de l'éternité et de la survie de l'homme dans une autre "dimension".

Mais voilà, avec les deux affirmations pas d'Absolu et les religions se valent au sens qu'aucune n'est vérité, la base de la première version d'un cours d'ECR, laquelle existaient déjà en tant qu' Enseignement culturel des religions, le modèle retenu pour la conception du nouvel ECR serait élargi à tout le cheminement scolaire du primaire et secondaire au QuébecL'approche avait en effet déjà été testée au secondaire et devait, selon la recommandation du rapport Proulx, être élargie et ajustée aux deux prémisses (pas d'Absolu, les religions se valent, au sens d'une aliénation) à tout le cursus primaire et secondaire. Lors des consultations sur invitation et des débats, autour de 1997-2000, les spécialistes du gouvernement l'ont présenté comme le modèle à suivre dans la rédaction des cours futurs élargis au plus grand nombre, de 6 à 17 ans.
OUELLET, Fernand et autres, Étude 1,1999

«Le programme d’enseignement religieux de type culturel [...] était construit autour de thèmes tels le sacré, les tabous, les mythes, les rites, etc. Il abordait également l’étude des grandes religions dans le monde. Son approche s’inspirait surtout de la phénoménologie». (3).


Et par la suite OUELLET (2002) a renforcé en prétextant qu'il ne fallait pas laisser un vide en la matière à l'école, soit (comprendre); ne pas laisser aux parents les sphères des croyances religieuses et de la morale (valeurs, éthique). L'État devait s'en mêler (s'insérer entre les parents et les enfants).
«Par ailleurs, l’approche républicaine française, qui a conduit à exclure de l’école publique non seulement l’enseignement de la religion mais également l’enseignement sur le fait religieux, risque de conduire à des dérives inquiétantes:» (4)
Même théorie sociale lorsque ces mêmes spécialistes, comme Fernand OUELLET, réfèrent à l'extérieur du Québec:
« La relégation du fait religieux hors des enceintes de la transmission rationnelle et publiquement contrôlée des connaissances favorise la pathologie du terrain au lieu de l’assainir» (DEBRAY, R. (2002). L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque. Paris : Odile Jacob/Sceren-CNDP.  p.26 cité par Ouellet, 2002, p. 54).
Ce même Fernand Ouellet et le comité de l'Étude no 1 qu'il dirigeait, estimaient en 1999 que l'exercice consistant à couper subtilement le lien de référentiel moral avec les parents pouvait prendre place au 3e cycle du primaire (âge 10 à 11 ans env.):


          «Troisième cycle du primaire [...] Cette même autonomie rend l'enfant en mesure d'assumer discrètement certains choix entre des valeurs, tout en demeurant conforme aux perceptions qu'il a des conduites attendues de sa part par les adultes et les autres enfants de son entourage»

SourceL’enseignement culturel des religionsPrincipes directeurs et conditions d’implantation, Étude no 1. Groupe de travail sur la place de la religion à l'école. [Par le] Comité sur l'éducation au phénomène religieux, Gouvernement du Québec - Ministère de l'Éducation, 1999. p. 21


Ce n'est pas le fait que l'enfant ait ladite capacité d'opérer des choix qui inquiète ici. Cela fait partie de son développement. Ce qui ne veut pas dire que le parent ne doit plus avoir d'autorité sur son enfant, par exemple si ce dernier décidait de prendre de la drogue ou de risquer sa santé et sécurité. Ce qui inquiète plutôt, c'est qu'une entité gouvernementale démontre un intérêt de se servir de cette particularité du développement, pour programmer en quelque sorte la pensée de l'enfant en fonction des choix de l'État. L'école ne serait donc plus distincte de la couleur politique! 

L'annonce d'une grande noirceur...

Ceci implique par exemple, au niveau moral, que l'État pourrait inculquer aux enfants que la relation sexuelle à 10 ans est normale et saine, ou le joint de cannabis à 13 ans, etc. Ou que le marxisme et le communisme sont des options très valables. L'approche peut suggérer l'intention de l'État d'opérer une programmation psychologique ou morale, idéologique ou spirituelle, chez l'enfant, à l'encontre de la responsabilité des parents ou tuteurs, lesquels demeurent pourtant responsables devant la loi pour leurs enfants devant ce même État. Autrement dit: payez, et nous, l'élite élue ou non, les «spécialistes», on s'occupe de leur cerveau, de leur conscience morale et de ce qu'ils voteront en tant que jeunes adultes à la fin de la cohorte.


Loi sur l'Instruction publique et cheminement spirituel de l'élève

On peut dès lors se questionner sérieusement sur le sens que donnera l'État au mandat qu'il s'est donné en plus, par l'article 36 de la Loi sur l'Instruction publique, concernant le fait de faciliter le cheminement spirituel de l'élève:
«Elle [l'école] doit, notamment, faciliter le cheminement spirituel de l'élève afin de favoriser son épanouissement». (Extrait de l'article 36 de la Loi sur l'Instruction publique).

Mais comment interpréter ce «cheminement spirituel de l'élève» prévu par la loi, maintenant que le christianisme est banni des écoles non confessionnelles au Québec?

Réponse: Tout serait tolérable sauf le christianisme. Imaginez un instant le sens à donner au "cheminement spirituel de l'élève" en fonction d'un programme qui a banni le christianisme. Ceci peut aisément s'opérer dans le contexte d'un jugement de valeur subtile (non déclaré) sur les religions et spiritualités (une sorte de liste non écrite). Cela signifie qu'une commission scolaire puisse éventuellement décider (selon la pensée répandue depuis la Révolution tranquille, une prémisse récente) que si le christianisme n'est pas bon (leur point de vue), l'hindouisme et le bouddhisme peuvent l'être. On pourrait par exemple se doter de pratiques ou techniques hindoues dans certaines plages de l'horaire, y inclus en dehors du "cours" d'ECR; exemple, les techniques du yoga (=initiation aux enseignements hindous et bouddhiques, au début d'un cours). Mais coudonc! Ça se fait déjà, ma foi!

Il faut savoir que l'ECR n'est pas un cours, mais un programme (une approche, une philosophie) qui a des connexions (ramifications) avec les autres cours.

Interrelation de l'ECR avec le contenu des trois cycles du Primaire au Québec (1ère à 6e année du Primaire)
 
Intégration du programme d'ECR (Éthique et culture religieuse), au Québec, avec les divers domaines d'apprentissage, 3 cycles du Primaire. Il est important de noter que l'ECR est plus qu'un cours, c'est un programme intégré avec des liens dans diverses matières; une philosophie de l'ingénierie des sociétés et des valeurs incluant la gestion de la pensée dans toutes les disciplines. Source de l'image: Éthique et culture religieuse, version approuvée, Primaire. MELS (2007).
Interrelation de l'ECR avec le contenu des deux cycles du Secondaire au Québec (1ère à 5e année du Secondaire)
Intégration du programme d'ECR (Éthique et culture religieuse), au Québec, avec les divers domaines d'apprentissage, niveau du Secondaire. Il est important de noter que l'ECR est au Secondaire aussi, plus qu'un cours. Il s'agit d'un véritable programme de gestion des croyances avec des liens dans diverses matières; une philosophie de l'ingénierie des sociétés et des valeurs incluant la gestion de la pensée dans diverses disciplines. Source de l'image: Éthique et culture religieuse, version approuvée, Secondaire. MELS (2007).


Donc, dans un premier temps, dans les faits, rompant avec une tradition législative et éducative selon laquelle les parents déléguaient une partie de l'enseignement de leurs croyances et valeurs à l'école avec la provision financière correspondantel'État allait bientôt suivre les recommandations de ses consultants et modifier les chartes et les lois. Mais étonnement, il l'a fait en s'auto-proclamant du même coup, Maître d'oeuvre et décideur des valeurs "communes" des futures générations. Il a choisi de ne pas se retirer de la sphère des religions et croyances (séparation religion et spiritualité versus État), mais plutôt de la contrôler, à  partir de l'entrée des enfants à l'école et tout au long de leur cheminement scolaire. C'est ce qui se fait présentement. C'est aussi pour cela que les parents perdent devant les tribunaux.

Les parents demandaient que l'école continue de transmettre des valeurs et connaissances spirituelles. Ils  parlaient de leur tradition, ayant des droits constitutionnels garantis par les chartes (avant leur modification).  C'était en ce sens qu'était prévu initialement, le cheminement spirituel de l'élève. Mais, l'État a feint d'entendre qu'on voulait qu'il devienne Maître des valeurs et spiritualités; qu'il continue de percevoir l'argent des parents à cette fin... Ou plutôt à ses fins.

Et l'on a bien pris soin de mettre la table pour éviter de perdre les éventuelles poursuites devant les tribunaux; ceci en suivant les recommandations de ces consultants en idéologies, qui avaient aussi étudié les causes semblables dans le monde, le droit international, etc. Ce n'est que plus inquiétant, d'avoir pensé ainsi. Si le gouvernement du Parti Québécois, l'initiateur de cette politique mise en pleine application par le Parti Libéral du Québec (PLQ), avait voulu préparer les bases d'un gouvernement autoritaire anti-chrétien (étape priorisée par beaucoup de totalitarismes dans l'histoire), il n'aurait pas agi autrement.

Une question s'impose : Qui conseillait et conseille nos gouvernements? La question devient cruciale.

Deuxièmement, avec le même machiavélisme de la pensée imposée d'en haut sur la démocratie, l'état québécois a pris la précaution d'exclure les parents du processus de contestation.

Aller à l'encontre d'une croyance dans une discussion ou un dialogue en classe, sans l'interdire, ne constitue plus un motif suffisant pour déclarer la non-constitutionnalité de l'exercice en classe sur la base de la discrimination. Il faut, depuis les changements des chartes et des lois touchant l'instruction (éducation) prouver que l'enfant subit un préjudice grave. Le droit de retrait théorique de la loi est en effet conditionnel à un "préjudice grave" envers l'enfant,  et non pas envers la famille ou les parents. Il n'y a pas non plus de préjudice reconnu envers le lien d'autorité / responsabilité parentale. Ce sont pourtant les parents ou tuteurs qui paient les factures et conséquences et sont redevables si quelque chose arrive à, ou par, leur enfant.

Sauf que, c'est là la subtilité, l'enfant ne sait pas reconnaître un préjudice à son égard; pas plus que ne le pouvaient les Jeunesses hitlériennes. Passer par la «rééducation de la nouvelle génération» caractérise la prise de contrôle idéologique d'un État sur la pensée en vue de l'avenir; un peu comme on le fait avec un jeune de 10 ans qui a un potentiel athlétique pour éventuellement aller aux jeux olympiques, mais du point de vue ici des idées politiques, éthiques, sociales... La cause devient donc d'autant plus difficile à prouver, du fait qu'en vertu de la loi et des tribunaux le parent est exclu du processus d'évaluation, parce qu'il n'est pas un spécialiste.

Question: depuis quand faut-il être un «spécialiste» pour avoir droit de regard sur ce qui est bon pour ses enfants?


Le problème majeur pour établir la justice devant les tribunaux : la prémisse de base des juges

Les prémisses d'une argumentation sont les idées déjà présupposées, acceptées comme vraies ou valables par une personne ou un groupe, sur lesquelles vous bâtissez les prochaines étapes d'un argumentaire; ici d'un jugement. Si vous arrivez par exemple, devant un tribunal avec des photos montrant des ecchymoses (bleus) sur diverses parties du corps d'une victime témoignant contre un présumé agresseur, vous n'avez pas à faire la preuve mathématique d'une mesure précise du niveau de la douleur, dans la construction de la preuve. Que les blessures physiques aient une cause est une prémisse déjà reçue dans l'expérience de tous. C'est intégré dans l'expérience humaine, connue de tous les juges, jurés, juristes, médias et citoyens. Il s'agit d'une prémisse vraie ou valable en plus, savoir que pour qu'il y ait plusieurs traces, il y a eu une ou des causes multiples à celles-ci, soit physiques, soit physiologiques (ex. maladie). Reste seulement à faire le lien avec l'accusé. Et cet acquis sert tout au long d'un procès. Or il n'en est pas ainsi dans les causes philosophiques, idéologiques (même politiques) et les croyances. C'est-à-dire que l'exactitude des prémisses, ici devant un tribunal, dans le domaine de la pensée et des théories sociales est loin d'être aussi simple.

Quelles sont les prémisses qui teintent le jugement des juges occidentaux dans une cause comme l'ECR?

Quelles sont les prémisses (idées déjà acceptées ou fortement dominantes) dans l'exemple de l'imposition des  idéologies de toutes sortes, qu'elles soient sociopolitiques, sur des valeurs morales, spirituelles ou religieuses d'un programme scolaire échelonné sur plusieurs années comme l'ECR (première année du primaire à cinquième année du secondaire)? Le tribunal dépend en bonne partie des "spécialistes" appelés à témoigner. Mais le plus subtil, c'est que les juges ont tendance en matière religieuse, de juger selon la prémisse dominante de leur culture et qui colore toute la suite du jugement. Dans l'expérience et conviction de ceux-ci (Amérique du Nord): il n'y a pas d'Absolu ou de Vérité. Or, c'est exactement la prémisse agnostique (un relativisme), une prise de position spirituelle et religieuse très claire, et donc une approche qui viole la constitution canadienne, si elle est imposée. Cela constitue exactement ce que véhicule la phénoménologie employée dans l'ECR dans ses comparaisons de mini-extraits de religions souvent très complexes et fluides (interprétées même différemment d'une famille à l'autre). Tout devient affaire d'interprétation et on peut aligner des dizaines de spécialistes pour appuyer chaque position ET son contraire. Les juges évaluent donc la gravité d'un prétendu préjudice, à la lumière de cette prémisse :  il n'y a pas d'Absolu, pas de Vérité.

De là, l'erreur inévitable dans ce genre de jugement de cour

Pour les juges de la Cour Suprême, les enfants apprennent le multiculturalisme. Pour les chrétiens engagés et informés, les enfants apprennent que Jésus est une construction de l'homme et de la culture (un produit de l'esprit créateur humain comme disait le Rapport Proulx), au même titre qu'un héros de bande dessinée. L'Histoire jugera ce jugement.
Subtilement (approche de la phénoménologie), en plaçant des héros de fiction dans une discussion sur les personnes-clés et les récits utilisés dans les religions (ex. les Évangiles de la Bible),  Jésus devient avec les grandes figures des autres religions, par suggestion et déduction, un candidat de choix pour être considéré comme un héros forgé par la culture (légende) ou un simple humain ayant exercé une influence. Ce procédé suggère de le placer au même niveau que des personnages de bandes dessinées (Superman) ou de cinéma (Tornade, Lara Croft). Mais le truc ne saurait être discriminatoire, du point de vue légal, parce que tous y passent via la trouvaille consistant à passer par l'angle comparatif typique de la phénoménologie des religions (Jésus au même niveau que Raël, le Gange des hindous comme le Jourdain où Jésus fût baptisé, la guérison par la prière chrétienne comme la guérison dans le chamanisme et dans l'occulte, etc. ). Source de l'image:  cahier d'exercice d'ECR de première année du secondaire (5).

Donc, avec la position dominante selon laquelle il n'y a pas de vérité / pas d'absolu, qui est rappelons-le, la position commune entre l'ECR et les juges dans leur compréhension du religieux et spirituel (croyances ou convictions), une personne qui croit en un Absolu (ex. une divinité ET une morale universelles) ne pourrait pas être lésée et victime d'un «préjudice grave» par un programme qui impose à une cohorte entière d'élèves une notion répandue; savoir qu'il n'y a  pas de vérité / pas d'absolu. Pourquoi? Sur la simple base de la conviction des juges, selon laquelle il n'y aurait pas de vérité universelle. Donc toute personne proclamant le contraire est considérée dans l'erreur au départ et donc présumée s'inquiéter à tort. Pourtant, pour qui croit qu'il y a un Absolu, un Dieu ou une vérité ou morale supérieure, cela constituerait déjà un motif suffisant pour donner gain de cause aux parents. C'est une profonde insulte pour un chrétien convaincu, de voir un cours suggérer subtilement de mettre sur un niveau comparable Jésus-Christ (et le Dieu judéo-chrétien) avec les divinités polythéistes grecques disparues ou avec les héros de bandes dessinées. Mais comme les enfants n'ont ni le discernement, ni les convictions fortes, pour être conscients de vivre un préjudice grave dont ils seraient victimes, il est très difficile de prendre l'état québécois en défaut devant un tribunal. Car selon le droit nouveau de la présente ingénierie sociale, ce sont les enfants et non les parents qui doivent subir un préjudice grave justifiant une exemption du cours ECR. D'où les exemptions systématiquement refusées, sauf pour quelques rares exceptions.

Que l'état québécois avec l'ECR impose le déni d'une Vérité universelle, donc s'ingère directement dans la gestion des religions et croyances, aurait dû constituer un motif suffisant pour que les parents gagnent leur cause... sauf que...

L'État (l'élite non élue et les élus) s'en est occupé. Pour prévenir ceci, le gouvernement du Québec sous le PQ, s'était déjà concentré sur ce point faible dans la loi et les chartes. Il a donc permis d'une part une apparence de droit de retrait du cours, avec pour seule condition acceptée, un préjudice "grave" pour l'enfant; ceci pour se conformer aux droits de l'homme au niveau international; pour pouvoir prétendre: «on n'impose pas une idéologie» (alors que c'est exactement le cas!). Depuis ces changements effectués aux chartes et aux lois avant la rentrée scolaire de 2008, un préjudice au lien de confiance / lien d'autorité parentale (et de valeurs, croyances) ne suffirait plus pour justifier un retrait du cours ECR. Mais dans les faits, le droit de retrait n'existerait pas, sur la base de ce qui vient d'être dit: la prémisse selon laquelle il n'y aurait ni vérité, ni absolu.

Mais la ruse, née dans la pensée des philosophes consultants et les juristes mandatés pour étudier les poursuites ailleurs dans le monde, permet une apparence de constitutionnalité; le droit de retrait du cours existe puisque les demandes de retrait d'élèves (étudiants) sont possibles. Mais il existe  en apparence uniquement, les demandes étant refusées systématiquement par les commissions scolaires, sauf pour une parenthèse en attente du présent jugement (et sauf peut-être pour des cas comme quelqu'un qui n'aurait pas la capacité d'étude des concepts et de discussion/ débats et qui deviendrait sujet de sarcasme par les autres élèves; ex. un déficient intellectuel, un élève un peu en retard intellectuellement, ou p. ex. un enfant qui aurait une prédisposition au délire religieux).

Le choix de départ au début de la cause, influence tout le reste

Sauf que tout n'est pas si simple; ne se joue pas uniquement sur les idées et valeurs. Car la Cour Suprême devait aussi se prononcer sur une possible errance de jugement dans les tribunaux inférieurs, ce qui n'a pas été démontré selon les juges. Mais sous cet autre aspect, la cause repose sur les choix des arguments présentés contre la commission scolaire, dans le cas qui nous intéresse. Il n'y a pas de nouveaux contenus qui sont déposés dans ce contexte. Donc s'il advenait (hypothèse) que les spécialistes de la défense aient mal cerné le cours, cela suivra un long processus. Je ne dis pas que c'est ce qui est arrivé, mais les parents ont perdu sur ce plan aussi (errance de jugement rejetée).

À mon sens, on a confondu l'environnement culturel du cour (multiculturalisme) et oublié son idéologie dominante sous-jacente; prémisse et conclusion étant pas de vérité, pas d'Absolu = une position agnostique et anticonstitutionnelle pour un cours imposé à tous.

Analogies

Pour prendre une image simple, on a une étendue d'eau navigable. Appelons-là multiculturalisme pluraliste. Et on a sur cette mer, un bateau appelé ECR (programme Éthique et culture religieuse). Le pluralisme est le contexte social imposé; la mer portant le bateau. Le cours déjà testé sous le PQ à son apogée, entre 1977 et 1984 (désigné Enseignement culturel des religions, donc ECR), ensuite recommandé par le rapport Proulx, est le bateau. Le bateau n'est pas la mer et la mer n'est pas le bateau. Le programme est en réalité agnostique pour ce qui concerne le volet des croyances (autre pour les valeurs). Que le rapport Proulx lui ait collé une étiquette de multiculturalisme n'a aucune importance sur sa vraie nature. C'est en plus un anachronisme au Québec, puisque les québécois, majoritairement, ne partagent pas la vision de Trudeau (père) et des anglophones hors-Québec et surtout : le cours était déjà en gestation entre 1977 et 1984, en pleine période de gloire du PQ indépendantiste. Mettez un uniforme de meneuse de claques sur Big Mamma et ça n'en fait pas une meneuse de claques pour autant. Dire que l'ECR est un outil pour le multiculturalisme, n'en fait pas un outil fédéral du multiculturalisme. Ce cours est le bébé du PQ. Ceci dit, plusieurs enseignants ne comprennent pas le but du cours et peuvent effectivement le détourner vers d'autres fins (multiculturalisme, influencer pour une croyance qui leur est chère, etc.). Mais si vous suivez la littérature, livres et cahiers du programme, la thèse d'un cours multiculturel est erronée. Plus vous avancez dans les années vers le 5e secondaire, plus le programme se fait agnostique et de tendance anti-chrétienne et anti-monothéiste (opposé à l'idée d'un seul Dieu, d'une vérité universelle). S'il était vraiment multiculturel, le programme accepterait le christianisme et ses affirmations, comme ayant droit de cité et de diffusion publique au même titre qu'il le fait pour les spiritualités philosophiques orientales ou New Age.
Que le rapport Proulx ait collé une étiquette de multiculturalisme au programme d'ECR n'a aucune importance sur sa vraie nature. Mettez un uniforme de meneuse de claques sur Big Mamma et cela n'en fait pas une meneuse de claques pour autant. Crédits photo: le film Big Mamma.






Bref

L'étiquette multiculturelle sur un cours testé au secondaire du temps des années de gloire du PQ (tests au niveau secondaire entre 1977-1984,  dans des écoles sélectionnées) n'en fait pas, comme par magie, une approche multiculturelle. Si c'est la lecture que plusieurs enseignants en font, ce n'est que faute de formation. Mais si l'on suit les manuels à la lettre dans l'ordre chronologique, il s'agit bien d'un entonnoir idéologique (contenu et progression). On voit que le religieux est de plus en plus questionné lors du passage aux grades supérieurs. À la fin, au secondaire, c'est la grande conclusion de la phénoménologie appliquée à l'étude des religions: ne pas s'engager, ce qui constituerait une perte d'équilibre ET demeurer un observateur prudent; exactement la position agnostique appliquée et donc anticonstitutionnelle.

Les tribunaux jugent selon le droit et l'état de la preuve, et non selon la logique. Ce ne sont pas des recherchistes, ni des journalistes d'enquête.

Vous ne ferez jamais broncher les tribunaux, avec le multiculturalisme (même si c'était une approche multiculturelle, ce que je ne crois pas), mais que le fédéral considère comme la meilleure chose depuis le pain tranché. Je vous donne un exemple, pour illustrer que devant les tribunaux, il faut penser en matière de droit, et non de morale ou philosophie. Autrement dit, les tribunaux d'une société de droit (Canada, Québec) jugent sur le légal et non sur la perception d'une valeur ou conviction philosophique. Par exemple, dans la cause opposant le Dr Henry Morgentaler au Gouvernement du Canada, l'avorteur n'est pas allé se battre en cour sur le terrain de la valeur de la vie humaine, car c'eût été un débat d'idées non encadré par une loi de l'époque. Il a contesté la constitutionnalité d'un article du Code criminel canadien. Sur une base morale, à la fin de la décennie 1980, la moitié des spécialistes auraient dit que le fœtus est un être humain distinct de la mère, l'autre moitié qu'il acquiert des droits uniquement à la naissance. La cause fût en grande partie gagnée sur la preuve que les critères des comités de médecins établis en vertu du Code criminel, n'étaient pas appliqués uniformément sur l'ensemble du territoire du Canada, en faisant donc un mécanisme discriminatoire inégal selon le lieu de la demande d'avortement d'exception. Selon cet angle, les femmes voyaient donc leurs droits lésés et un risque pour leur santé ce qui allait à l’encontre de la garantie de sécurité de la personne prévue à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, du fait qu'il n'y avait pas de constance dans les décisions des comités de médecins et que chaque décision était donc arbitraire et injuste (aucune constance d'un océan à l'autre). Certains comités avaient tendance à refuser systématiquement les avortements, d'autres à les accepter de façon très libérale sur la bonne foi de la déclaration de la "femme porteuse" du fœtus (laquelle ne peut pas dans notre contexte être qualifiée de "mère" si le fœtus n'est pas un humain!) et dans certains établissements, il n'y avait même pas de tel comité fonctionnel (ex. décision d'un médecin seul). C'est sur cette base inconstante que la Cour Suprême avait donné gain de cause au Dr Morgentaler et renvoyé le gouvernement à ses devoirs. L'article 254 du Code criminel sur le besoin d'approbation d'un comité de médecins fût cassé, comme étant non constitutionnel. Ceci fût à tort interprété comme un droit à l'avortement par les médias. En réalité, la Cour précisait que si l'État voulait protéger le fœtus, il pouvait le faire par une loi appliquée avec des critères précis et uniformes (ex. à partir de n semaines de grossesse), partout sur le territoire du Canada, sauf en cas de forces majeures (ex. viol, risques graves pour la mère, etc.) ou de danger réel et immédiat pour la mère, et non un risque hypothétique (une possible dépression future). Un tel cadre aurait été uniforme et constitutionnel (selon la constitution canadienne). Eût-ce été chrétien? Non. Légal? Oui. Une telle loi fût effectivement déposée. Par le gouvernement de Mulroney.
  • Elle passa le test de la majorité des citoyens de la fin des années '80, 
  • puis le test des votes des élus en première lecture
  • le test en deuxième lecture,
  • mais elle fût rejetée par le sénat... 
Le projet de loi fût rejeté après avoir pourtant reçu l'aval d'une majorité de Canadiens et de la majorité des élus! L'arbitraire du sénat l'a remporté sur la démocratie.

Bref, si pour l'ECR au départ on a accusé le multiculturalisme (prétentions récentes et anachroniques pour un programme testé dans certaines écoles secondaires dès la décennie 1970 sous le PQ), ou autres choses qui ne sont pas illégales ou anti-constitutionnelles en soi, il faut vivre avec pour un moment.

L'état Québécois, maître d'oeuvre dans la transmission des valeurs morales, croyances et spiritualités, sans avoir à demander l'avis des parents

Dans le cas de l'ECR, on nage en pleine transmission par l'État d'idées et de concepts et leur enseignement obligatoire (adhésion obligatoire). Les tribunaux ne sont pas l'endroit pour ce genre de subtilités. La sagesse voudrait que le gouvernement retire ce programme et qu'il laisse aux parents l'éducation morale des enfants comme cela a toujours été le cas, sauf lorsque les parents l'ont délégué à l'école AVEC LEURS IMPÔTS ET TAXES CORRESPONDANT AUSSI (ex. jusqu'à récemment, l'enseignement religieux délégué par les parents ou la société civile, OU ex. envoyer les enfants en pension selon son choix, etc.).  Le changement majeur en développement depuis le tournant du millénaire (depuis le débat sur la place de la religion à l'école), est que l'État a décidé de devenir Maître d'oeuvre dans la transmission des valeurs morales (sexualité, drogues, ...), des croyances et des spiritualités. Les choix des néo-Big Brothers ont préséance sur ceux des parents et de la famille ET il faudrait que cela soit cassé, car les conséquences peuvent aller très loin; jusqu'à l'endoctrinement politique des enfants depuis la pré-maternelle à venir, jusqu'à la sortie des cégeps à 19 ou 20 ans (diplôme conditionnel aux cours de philos réussis obligatoires pour un cours technique!).

Ce ne sont plus les parents qui délèguent l'enseignement des valeurs et croyances, mais l'État, via l'école, qui s'est emparé de la sphère idéologique et des valeurs. Pour ce faire,


  • il a fait rouvrir la Constitution canadienne pour modifier la partie visant le territoire du Québec,
  • il a changé la loi sur l'instruction publique et 
  • a rouvert la Charte des droits du Québec. 
C'était donc, dès ce moment, écrit dans le ciel que les parents perdraient presque assurément devant les tribunaux, car la structure du droit a été changée après 2000, suivant les recommandations même du comité du rapport Proulx et des études qu'il avait commandées à des sous-comités, incluant les causes potentielles devant les tribunaux et comment éviter de perdre.

Et le Collège Loyola (école confessionnelle catholique)?

À moins d'un changement, la cause qui oppose la Loyola High School et John Zucchi contre le Ministère de l'Éducation, des Loisirs et des Sports du Québec (MELS) se joue sur un niveau en bonne partie différent; non pas tant sur les idées et l'atteinte aux droits de l'élève, mais plutôt sur les droits des écoles privées confessionnelles reconnues. C'est comme si vous aviez toujours opéré un poste d'essence de manière tout à fait légale dans une zone commerciale, mais que l'on vous disait que vous ne pouvez plus vendre de carburant suite à une décision du Gouvernement. Imposer un contenu idéologique, équivaudrait à nier le droit reconnu de l'aspect CONFESSIONNEL reconnu légalement à de telles écoles. Il y avait donc de meilleures chances que le collège Loyola gagne sa cause (jusqu'à ce qu'on change les lois pour les écoles privées confessionnelles aussi). Mais les avocats du MELS tenteront de jouer sur le fait que le droit de Loyola est de maintenir un volet confessionnel (ce qu'il fait), ce qui ne peut empêcher le cours d'ECR, lequel n'est pas un enseignement religieux. [NDLR Le Collège Loyola a perdu sa cause en Cour d'appel du Québec le 4 décembre 2012].

La Cour Suprême ne dit PAS qu'il faut maintenir l'ECR

Je prendrai un exemple pour illustrer cet autre point. Au cours des dernières années, la Cour Suprême a jugé que le gouvernement du Canada avait le droit d'utiliser les surplus de la caisse d'Assurance-emploi pour payer d'autres dettes ou combler d'autres postes budgétaires du Gouvernement fédéral. C'était selon l'état "actuel" du droit (actuel, parce que le droit peut changer à tout moment). Mais la Cour n'a pas pour autant dit que c'était moral de le faire. Les tribunaux ne font pas normalement des jugements moraux, mais légaux (juridiques). Autrement dit, le gouvernement avait toujours le pouvoir de reconnaître qu'il était inconvenant d'utiliser à d'autres fins les surplus d'une caisse d'assurance à l'emploi qu'il ne fait que gérer, sans y investir (la contribution vient des employés et employeurs). Bref, nos tribunaux s'intéressent à interpréter le droit (constitution, lois, chartes, règlements, jurisprudence, ...) et non pas à arbitrer les diverses positions morales contradictoires.

Le même phénomène s'applique dans le cas de l'ECR. La Cour Suprême juge que l'état québécois peut imposer l'ECR. Mais elle ne dit pas pour autant que le cours DOIT continuer d'être dispensé.  Elle ne dit pas non plus que les moyens d'y parvenir sont louables (changer les chartes et les lois) car ce n'est pas son rôle en tant que tribunal. La Cour dit entre autres, que les parents catholiques n'ont pu établir la preuve d'un préjudice grave causé à leur enfant. Ce qui ne veut pas pour autant dire qu'il n'y en a pas. C'est que les tribunaux ne font pas d'enquêtes et d'études, il regardent la preuve qui leur est soumise; ici par les représentants des parents. Dans les faits, il est mal avisé d'imposer le programme, car pour ce faire, l'État doit se mettre à l'ingénierie sociale au niveau de la pensée; ce qu'il y a de plus intime et de plus personnel. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: gestion de 
  • la pensée de nature morale (les valeurs; ex. la sexualité à quel âge, les drogues permises et à quel âge, etc.), 
  • la pensée philosophique (acceptation ou rejet de philosophies religieuses, spiritualités, systèmes politiques), 
  • la pensée religieuse ou spirituelle et sa libre expression publique, 
  • et autres choses semblables. 

Toujours subtilement évidemment, mais il est facile d'être subtil et étapiste, quand nos agents (de l'État) ont l'esprit des enfants entre leurs mains, depuis l'âge de la garderie (CPE dont les éducatrices sont maintenant au service de l'État, crèche) jusqu'à la fin du secondaire ou vers l'âge de 16 ou  17 ans. Pas étonnant qu'on enlève le mot Dieu de toutes les chansons. Ce n'est pas beau ce qui se passe au Québec présentement. Ce n'est rien de bon pour le futur en matière de liberté de pensée ET d'expression. Dans les pays qui ont versé dans l'autoritarisme ou le totalitarisme, les libertés de choix et d'expression religieuses ont été les premières censurées (ex. Allemagne de la Deuxième Guerre, URSS, Corée du Nord, Chine, pays de l'est comme la Roumanie, etc.).

La Cour Suprême a fait une lecture "soft" et multiculturaliste de l'ECR

Pendant ce temps, la Cour Suprême a fait une lecture multiculturaliste d'un programme qui s'il peut ressembler au premier contact à une approche multiculturelle, n'a rien à voir avec cette approche fort populaire au fédéral. Pour eux, les enfants apprennent le multiculturalisme.

Mais on ne peut être d'accord avec cette lecture de l'approche de l'ECR. Le concept de l'ECR était déjà en développement et en test dans certaines écoles secondaire entre 1977 et 1984 sous un gouvernement souverainiste et anti-fédéraliste, dans le contexte d'un Québec à l'apogée du mouvement souverainiste et du parti porteur de la souveraineté, le PQ.

Approche du cours pour le volet de comparaison d'éléments choisis des religions
Le cours-type retenu par un comité du Rapport Proulx (7). On disait que le cours servirait de modèle et serait adapté et élargi en programme. Le comité dirigé par Fernand Ouellet, avait pour mandat de recommander un cours parmi une sélection pré-identifiée. Un auteur dudit programme québécois (un Monsieur Trudeau), faisait aussi partie dudit comité d'étude et de recommandation d'un cours-type. C'était durant les années de consultations ciblées, sur la place de la religion à l'école (vers 1997-2000). Comme par miracle, le cours québécois qui avait été testé au secondaire entre 1977 et 1984, répondait à toutes les attentes (oui, oui, oui partout). Les mauvaises langues auraient pu penser à une mise en candidature truquée, comme cela arrive quand on veut embaucher la belle-soeur du boss et qu'on choisit les critères en conséquence. 

Le produit dérivé de la première version testée au secondaire, ne fait ni la promotion du multiculturalisme, ni de l'ouverture aux religions. Prétendre que ceci est la promotion du multiculturalisme relève d'une bien mauvaise compréhension du programme d'ECR et de peu de discernement. Voici ce que disaient les mêmes spécialistes du comité qui ont fortement recommandé d'élargir à tous le premier programme d'ECR:
«Le problème n’est pas d’inculquer telle valeur ou ensemble de valeurs plutôt que tel autre. Il est de permettre l’émergence d’un questionnement, d’une inquiétude qui arrache l’enfant ou l’adolescent au confort d’un plein et serein accord avec soi-même et de l’acceptation passive de l’altérité d’autrui : « Lui, c’est lui, moi c’est moi» [ceci serait du multiculturalisme]. Il est donc moins de « construire une identité» que, à l’inverse, d’ébranler une identité trop massive et d’y introduire la divergence et la dissonance; il n’est pas de préparer à la coexistence et à la tolérance [multiculturalisme!], mais au contraire, de mettre en scène l’incommensurable abîme qui me sépare d’autrui et m’oblige (au sens moral du terme) à m’intéresser à lui. C’est donc une « pédagogie du conflit» à la fois entre les individus mais aussi en chacun. » (Galichet, 1998, p. 146, cité par Ouellet, 2002, p. 49, termes entre crochets [] ajoutés)
Autrement dit, faisons entrer ceux qui nous haïssent et veulent nous faire sauter, nous les rééduquerons à partir de la nouvelle génération. Les extrémismes non chrétiens, serviront à la fin suivante : un prétexte idéal pour fournir l'excuse et le motif pour enfin censurer le christianisme de toutes allégeances (catholiques, protestants, orthodoxes et autres), sous prétexte de sécurité nationale et de protection des droits des enfants. Cela équivaut à criminaliser par profilage.


 Pour les chrétiens engagés et les laïcs informés de ces choses, l'ECR n'est pas l'ouverture et la tolérance incarnées qu'on voudrait nous faire croire. 

  • Les chrétiens doivent savoir que les enfants y apprennent que le Jésus, les héros ou grandes figures de la foi chrétienne seraient une construction de l'homme et de la culture au même titre qu'un héros de bande dessinée (7)
  • et qu'il est suggéré que le christianisme disparaîtra comme les anciennes mythologies. 
  • Les laïcs doivent savoir que quand la libre expression pacifique des religions est bannie ou fortement contrôlée dans un pays, les autres droits de pensée et d'expression subissent très vite le même sort.


L'Histoire jugera ce jugement de la Cour Suprême et les autres.


À LIRE Aussi :

Dossier ÉCR (éducation)

Liens vers une série des artilcles approfondis publiés sur ce blogue au sujet du programme d'ECR (Éthique et culture religieuse):  http://yapasdpresse.blogspot.ca/p/ecr-ingenierie-ideologique-de-letat.html

Le consensus anti-chrétien dans les institutions publiques du Québec

C'est le contexte dans lequel s'est fait le débat social sensuré (consultation sur invitation ciblée) sur la place de la religion à l'école:  http://yapasdpresse.blogspot.com/2011/03/essai-sur-lanti-christianisme.html

_______________

1.  Décision de la Cour suprême du Canada dans la cause : S.L. et D.J. contre Commission scolaire Des Chênes et Procureur général du Québec

2.  PROULX, J.-P. et al, Laïcité et religions. Perspective nouvelle pour l'école québécoise. Gouvernement du Québec - Ministère de l'Éducation, 1999. (aujourd'hui Ministère de l'Éducation, du loisir et du sport - MELS).
Aussi connu sous le nom de Rapport Proulx.

3.  OUELLET, Fernand et autres, L’enseignement culturel des religions. Principes directeurs et conditions d’implantation, Étude 1. Groupe de travail sur la place de la religion à l'école. [Par le] Comité sur l'éducation au phénomène religieux, Gouvernement du Québec - Ministère de l'Éducation, 1999. p. 81

4.    OUELLET, Fernand, L’enseignement du fait religieux dans l’école publique ?, Carrefours de l’éducation 2002/2, n° 14, p. 40-58.

5.   TESSIER, Jacques et autres, Éthique et culture religieuse. Vivre Ensemble 1. Cahier de savoir et d'activités, 1re secondaire, ERPI (Éditions du Renouveau pédagogique, Inc.), p. 70.

6.  OUELLET, Fernand et autres, L’enseignement culturel des religions. Principes directeurs et conditions d’implantation, Étude 1. Groupe de travail sur la place de la religion à l'école. [Par le] Comité sur l'éducation au phénomène religieux, Gouvernement du Québec - Ministère de l'Éducation, 1999. p. 81

7.   TESSIER, p. 70.