mercredi 15 février 2012

États d'âme de Justin Trudeau... Ou sortie stratégique?

15 FÉV. 2012. Le député du PLC - Parti Libéral du Canada, Justin Trudeau, en a surpris plus d'un en faisant une déclaration de tendance souverainiste, lors d'une émission radiodiffusée, dimanche le 12 février 2012 (1). Soit il l'a complètement échappée, soit c'est peut-être une sortie stratégique, pour une éventuelle élection avec un retour significatif du Québec au sein du PLQ.  Allez donc savoir...  Mais moi je crois que Justin Trudeau sonde le terrain pour une éventuelle candidature à la chefferie du PLC, très prochainement, ou un peu plus tard à un moment stratégique.

C'est de plus en plus typique ici, la démocratie n'est bonne que lorsque la majorité des votes sont à gauche (parti au pouvoir  + opposition)

Exaspéré de la droite du PCC - Parti Conservateur du Canada, le député fédéral a semblé se repentir d'un siècle et demi de démocratie au sein de la confédération canadienne datant de 1867. Celle-là ne serait bonne que quand ce sont les porteurs des idées plus à gauche qui sont au pouvoir ou forment la majorité du pouvoir cumulé à l'opposition. C'est fou ce que la gauche a la détestation de la démocratie. La démocratie n'est bonne que lorsque le vote est à gauche. Pendant des décennies, les gens de droite et de centre-droit ont rongé leur frein et supporté avec une patience démocratique, un fédéralisme de gauche avec ses accommodements déraisonnables où le multiculturalisme imposé signifie le mépris de soi en tant que peuple. Le jeune Trudeau (40 ans en décembre 2011), fils de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, a même soulevé le spectre de ses potentielles aspirations souverainistes, rien de moins. Aurait-il fumé avec des collègues jeunes libéraux depuis le récent congrès? Il a entre autres déclaré dimanche (transcription par YapasdePRESSE):
«Je dis toujours que si, à un moment donné, je croyais que le Canada, c'était vraiment le Canada de Stephen Harper et qu'on s'en allait contre l'avortement, contre le mariage gai, qu'on retourne en arrière de 10 000 façons différentes, peut-être que je songerais à vouloir faire du Québec un pays. Oh oui. Absolument», a-t-il notamment soutenu (2).
Évidemment, il parle d'une situation où ce seraient les nouvelles valeurs reconnues par la majorité. Tout de même, l'expression «je dis toujours», ça veut dire que j'y ai pensé plus d'une fois et que j'en ai parlé avec d'autres personnes. Sauf qu'il a dû s'expliquer par la suite aux anciens de la tribu libérale. C'est un peu comme quand on fait une mauvaise blague sur le directeur de notre école secondaire, sans avoir vu le principal en question qui est derrière nous dans la rangée de casiers. Monsieur Trudeau a dû réaffirmer ses allégeances fédéralistes.

La dynastie Trudeau, utopie ou devenir?

On peut comprendre ce qui s'est passé. Quand vous vous voyez faisant partie d'une dynastie comme les Kennedy aux États-Unis, que vous êtes né dans la politique et qu'en plus dans la même famille, deux frères sont nés un 25 décembre, vous vous dîtes que vous devez avoir un destin spécial. Mais lorsque votre parti est en bas de la côte depuis et pour des lunes, le temps est long. Quand vous voyez un parti légitime (le parti par défaut au Canada) et représenté d'un océan à l'autre, se retrouver en queue de peloton, il y a de quoi s'exaspérer. Le député peut regretter ne pas avoir tenté sa chance dans la dernière course au leaderdship du PLC précédant les élections de 2011. Surtout après avoir vu des candidats pratiquement inconnus avoir été élus en grand nombre au Québec sous la bannière du NPD - Nouveau Parti démocratique.

Ça pour attirer l'attention, il l'a fait. Sauf que le RoC (Rest of Canada) risque d'adopter aussi la devise de nos armoiries: "Je me souviens", ce qui pourrait lui nuire plus qu'on ne le croit, quand on fera rejouer la clip dans une course à la chefferie libérale.

Et Monsieur Trudeau plaint les millions de Canadiens qui ne se reconnaîtraient pas dans le PCC. Il faudrait peut-être interroger les millions de Canadiens qui s'y sont suffisamment reconnus pour le reporter au pouvoir, cette fois majoritaire, en 2011.

À moins que... ce soit un calcul stratégique pour une Dynastie Trudeau

Et si c'était un calcul stratégique; sacrifier un peu dans l'ouest pour regagner dans l'est francophone? Après l'échec de deux chefs intellectuels (Stephane Dion, Michael Ignatieff) voudrait-il d'une même déclaration, sachant qu'elle lui donnerait du temps médiatique les jours suivants, se défaire d'une image un peu trop intellectuelle (un autre professeur) et montrer une image plus rustre de lui-même? Il faut comprendre que les libéraux se voient prêts pour un candidat moins intello et plus homme de terrain et de combat. Justin Trudeau mentionne justement dans la même entrevue, qu'il n'est pas aussi intellectuel que son père. Ce faisant, il fait ressortir que Trudeau fût à la fois intellectuel et leader influent. Et quand vous atteignez l'âge mûr de 40 ans en décembre 2011, vous pouvez vous dire : «Hmmm. Il serait peut-être temps de décider si je ferai ou non le grand saut pour tenter d'accéder à la chefferie... Mais je ne veux pas d'un Canada de l'Ouest, sans le Québec. Comment montrer au Québécois que je suis avec eux?»

Tout compte fait, c'est peut-être une sortie stratégique, question de sonder les appuis pour une éventuelle élection à la chefferie avec un retour significatif du Québec au sein du PLQ (bien qu'il dise ne pas se sentir prêt en raison de ses priorités parentales). Après tout, le député de Papineau n'a pas semblé improviser tant que ça, lorsqu'il a fait sa déclaration... d'autant plus qu'il a dit: «Je dis toujours que [...]». Il y aurait donc pensé un petit peu à cette affirmation Québec-empathique... me semble. Et il l'a fait tout en douceur, sur un ton de confidence, sachant fort bien qu'il était à la radio publique et qu'il allait soulever des passions chez les libéraux et chez les souverainistes. Non, il ne l'a probablement pas échappée. Il y a peut-être anguille sous roche; coup de sonde pour sa candidature dans un Canada plus équilibré est-ouest.

Le piège pour le parti?

Il y a cependant un piège pour le parti. C'est la course à la chefferie ouverte au vote de tout Canadien qu'il soit membre ou non du PLC. Autrement dit, un souverainiste ou un Québécois qui votent habituellement NPD ou Bloc par contestation, non membres d'un autre parti, pourraient voter pour les candidats dans la course libérale fédérale. Tout en étant inusitée comme approche, cette dernière pourrait changer complètement la donne, et Justin Trudeau le sait. Il en parle justement comme de quelque chose de positif en entrevue avec Franco NUOVO.  Contrairement à un chroniqueur qui a déclaré que Trudeau serait toujours un junior (jr), je crois que ce qui importe dans ce contexte c'est ce que sa sortie a suscité comme vitrine médiatique. Il ressort comme un peu rebelle, sortant du rang, a positionné ses valeurs (celles du paternel), est parfaitement bilingue, est né dans la tradition politique fédéraliste d'un premier ministre marquant dans l'histoire récente du Canada et du Québec, et s'est positionné clairement pro-Québec (style: «moi, je comprends le Québec»). Plusieurs s'en souviendront, s'il se présente à la course à la chefferie et cela sera encore plus payant si la course est véritablement ouverte à tout Canadien qui n'est pas membre d'un parti fédéral. Il perdra certes des appuis actuellement hors-Québec, mais le tout serait probablement compensé par des gains au Québec, même chez les 40 ans et moins. Mais le calcul consiste pour sa vision, à rééquilibrer le Canada: les citoyens de valeurs plus conservatrices de l'Ouest ont selon lui à être balancés par les libéraux de pensée (libéralisme moral et économique social-démocrate) du Québec.
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1.  Franco NUOVO, Société - Justin Trudeau, entrevue personnalité, Dessine-moi un dimanche, Radio-Canada.ca, dimanche 12 février 2012.
http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2012/CBF/DessinemoiUnDimanche201202120805_1.asx
la question qui débouche sur la déclaration débute vers 13min 09sec. (13:09) de l'enregistrement.

2. Joël-Denis BELLAVANCE, Justin Trudeau se bat toujours pour «l'unité du pays», La Presse canadienne, Ottawa, 14 février 2011.
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-canadienne/201202/14/01-4495930-justin-trudeau-se-bat-toujours-pour-lunite-du-pays.php