mardi 27 décembre 2011

De réveillon @mégaparty : les temps changent

LA PERTE DU MOT RÉVEILLON (au Québec) A UNE SIGNIFICATION CULTURELLE ET UN LIEN AVEC LA REVUE DE L'ANNÉE DE LA TV D'ÉTAT, BYE BYE 2008 (un "fail")

C'est arrivé au travail quelques jours avant Noël 2011. Deux femmes collègues de travail parlent du congé des Fêtes (de Noël et de Nouvel an). J'écoute distraitement, lorsque l'une s'esclaffe de rire. Elle reprend devant moi les propos de la plus jeune de nous trois: «ses voisins d'en face font un méga-party pour Noël!» Elle ajoute aux rires «c'est ça qu'on appelle un réveillon!». Je me joins aux rires, mais cela me fait réfléchir.

Ceux qui sont plus jeunes que nous de quelques années n'ont plus la même perspective de ce qu'étaient ces "méga-fêtes" familiales des veilles de Noël et du Jour de l'an, appelées un "réveillon". La maison qui, au jour de l'an, se remplissait de 25 ou 30 convives (invités) ou parfois plus ET liés par la parenté (oncles, tantes, cousins, cousines). Les bottes d'hiver pleines de neige dans la baignoire, les manteaux sur le plus grand lit, les odeurs de nourriture à volonté... et malheureusement, l'abondance de la fumée de cigarette.

La veille de Noël (24 décembre au soir) était souvent réservée à la famille immédiate; mes parents et mes sœurs aînées et leurs "chums". Enfant, je voyais la messe de 23 h, plutôt comme un supplice retardant l'ouverture des cadeaux empilés sous l'arbre de NOEL.

Les jours suivant la veille de Noël, la famille se lançait dans l'étourdissante tournée des tantes et oncles du village. On s'enivrait de la présence des êtres aimés faisant partie de la famille élargie. On mangeait un peu trop durant deux semaines, de sorte que la famille devenait "élargie" dans tous les sens du mot. Heureusement, il n'y avait pas de i-pod, i-phone et i-pad pour capter et diffuser les gaffes d'un "mon-oncle" un peu trop "rond" (enivré; rond comme si la semelle des chaussures était bombée). C'était agréable de se regrouper entre cousins et cousines du même âge. Ces soirs-là, étrangement, ce n'était pas nous qui faisions le bruit. Bizarre revirement des choses. Mais le contrôle était bon et l'esprit à la bonne-entente et à la réjouissance dans notre famille élargie. Cependant, j'ai entendu des histoires, comme des bagarres entre frères et autres choses disgracieuses (comme celle de ma première "cuite" à l'adolescence; pauvre maman et pauvre moi aussi).

La veille (réveillon = méga party) du Jour de l'an, ça dansait à en rompre les planchers au son du violon et de l'accordéon (ou des rigodons sur disques vinyle) pendant que nous les jeunes, observions ce qu'étaient devenus nos parents, oncles et tantes. C'était souvent le temps pour jouer des jeux de société pendant que les "vieux" chauffaient le plancher de leurs pieds rythmés et sans aucune Wii. C'était plutôt beau à regarder.

Cette tournée festive durait jusqu'à la Fête des rois en janvier (commémoration de la visite des mages ou rois-mages) avec une apogée au Jour de l'an. C'était le bon temps (sauf pour les quelques excès, et la fumée de cigarettes évidemment).

Aujourd'hui, dans ma tête, ce n'est plus qu'une musique de fond et des images (clips?) qui chaque année s'estompent un peu plus et deviennent plus transparentes, comme s'évanouissant. J'y repense assez souvent avec une certaine nostalgie. Tout est devenu plus petit, sauf les cadeaux, dont les coûts sont inversement proportionnels à la taille de la famille. En fait, ceux-ci se synchronisent aux impôts, aux taxes et à l'inflation. Il reste une consolation: la musique de Noël qui nous ramène un peu en enfance, pour ceux dont l'enfance fût un passage agréable.

Réveillon et méga-party familial

Mais cette remarque impromptue du "méga-party" du voisin de ma jeune collègue de travail me fait réfléchir. Avec 1,7 enfants (moins de deux) par famille au Québec, il n'y a pas que les expressions du langage qui changent; les festivités familiales aussi. Les parties de bureau tendent à remplacer ces rassemblements, mais c'est une autre histoire sans équivalent de sens familial.

La perte du mot "réveillon", quel lien avec le Bye Bye 2008? Il y en a un.

La perte du mot "réveillon" m'est alors apparue chargée de signification; d'un changement dans la culture québécoise. Puis, un lien s'est fait dans mon esprit et une image m'est revenue: celle des excès de langage du Bye Bye 2008, revue humoristique de fin d'année de la TV d'État (financée en grande partie par nos impôts et taxes). Même les "mon-oncles" n'étaient pas si vulgaires. J'ai alors un peu mieux compris ce qui s'est passé. De la même manière qu'avec "le numérique" la nouvelle génération perd le sens de ce que signifie acheter un album de musique (les bonnes et moins bonnes pièces ensemble), le contexte des réveillons (méga-parties de famille étant alors la chose courante) s'est perdu; celui des familles comptant plusieurs enfants et de la tournée des familles de la parenté entre le 25 décembre et le 6 janvier suivant. Lors du passage à la nouvelle année, ça réveillonnait jusqu'à 2 heures du matin. Avec mes trois sœurs aînées, nous étions une famille plutôt petite (genre téléroman Quelle famille!). Mais lors de nos festivités du réveillon de la veille du Jour de l'an (soirée du 31 décembre), les enfants (cousins et cousines) s'empilaient à 23 h (11:00 P.M.) devant la télévision pour se bidonner devant le phénomène alors tout récent du Bye Bye.

Le Bye Bye 2008 de Radio-Canada (SRC) a matérialisé la consommation (fin) de la déconnexion entre deux époques. On a ainsi complètement oublié que des enfants d'une nouvelle génération attendaient la revue humoristique à côté de leurs parents, comme une pâle tentative de souvenir de l'ancienne tradition. Puis, ce fût le dérapage, surtout avec le sketch d'un certain ministre fédéral avec son escorte (féminine) et la feinte d'une relation sexuelle sur la table de la cuisine, avec un juron injustifié utilisant le nom du Messie fêté à Noël. Pour défense, on a dit que les enfants n'avaient pas à être debout à cette heure tardive. Quelle excuse nulle! D'autant plus que l'émission est rediffusée le lendemain autour de 20h.

Cette année, sera probablement pour moi, le dernier test, déterminant si le Bye Bye mérite de faire encore partie d'une tradition familiale. Avec RBO, croyons-le ou non, il y avait de la subtilité. Je souhaite sincèrement donc à l'équipe du Bye Bye 2011 de la modération dans l'humour. Je souhaite qu'ils rient de la gauche autant que la droite. Et un Bye Bye familial, ce n'est pas une soirée Juste pour rire avec Mike Ward ou le Gros-cave (Jean-François Mercier) devant un public mature (ou immature ?). Une revue de l'année du type Bye Bye à la télévision publique avec nos impôts et taxes (de l'argent public), ne devrait pas être pensée pour un public de 18 ans ou plus à l'humour hard de prison fédérale, mais pour la famille, puisqu'une telle revue souligne le passage vers une nouvelle année, ce qui se passe pour plusieurs encore, avec la famille.

Bon réveillon! Et souvenez-vous: la modération (alcool et satyre) a bien meilleur goût.

Pensée : Un sage aurait dit en parlant des hommes que «L'alcool rend l'homme semblable à la bête». Un autre aurait renchéri : «Et il  rend la femme semblable à l'homme...».