Un sondage sur l'attitude des Québécois face à l'euthanasie et aux soins palliatifs a été réalisé en septembre 2010 par Environics Research. Il révèle que les résidents du Québec sont plus préoccupés qu'en 1989, face à l'éventualité de la légalisation de l'euthanasie active. Suivront : ma réflexion sur le sujet et deux extraits vidéo, tirés d'une soirée d'information animée par des médecins du Québec en août 2010.
«Une proportion étonnante de 81 % des Québécois interrogés par Environics Research expriment maintenant la crainte que, si l'euthanasie est légalisée, on ne mette fin à la vie des personnes malades, âgées ou ayant des handicaps sans leur consentement. C'est 8 % de plus qu'un sondage semblable effectué par Environics en 1989. La proportion a augmenté de 15 % parmi les résidents de Montréal» (1).
Confusion des termes
En fait, outre cette étude, j'ai pu personnellement constater que plusieurs Québécois semblent confondre euthanasie et non-acharnement thérapeutique. Dans les faits, ce que la plupart veulent c'est le non-acharnement. Ils sont contre le maintien ou prolongement artificiel de la vie dans des conditions indésirables, contre la volonté du patient.
Les gens sont souvent prêts à vivre avec un certain inconfort, s'ils savent qu'ils seront soulagés de la douleur et auront des services de soutien (soins palliatifs).
«À la question de savoir si la grande priorité du gouvernement devrait être de légaliser l'euthanasie ou d'améliorer les soins palliatifs aux mourants, 60 % ont dit que c'était d'améliorer les soins palliatifs; seulement 29 % ont dit que la légalisation de l'euthanasie devrait avoir priorité» (même référence).L'euthanasie est la provocation volontaire (ou accélération) de la mort par un acte médical; elle est la cause de la mort. La personne ne meurt pas de la maladie mais de l'acte qu'est l'euthanasie. C'est ce que les élus risquent de voter au Québec. Cette réalité ressort très peu dans l'exercice québécois de consultation actuel sur le thème de «mourir dans la dignité». C'est ce qui est exposé dans la première des deux vidéos ci-dessous.
Alors que le suicide assisté exigerait le consentement actuel de la personne, l'euthanasie peut être réalisée en se basant sur ses anciennes opinions ou prises de position au moment où le malade était en bonne ou meilleure santé, sur l'opinion des médecins, des membres de la famille, etc. Or c'est lorsque nous vivons une chose et non des mois ou des années avant, que nous savons ce que nous voulons vraiment, à moins d'être totalement inconscient. Plusieurs vous diront qu'une maladie grave a totalement changé leur vision des choses et des priorités.
Beaucoup de personnes en fin de vie sont pourtant dépossédées de leur privilège de décider pour elles-mêmes, car l'on tend à présumer (ex. familles) que si elles changent de volonté subitement ou peuvent difficilement faire connaître leurs besoins verbalement, elles ne sont pas en possession de leur capacité mentale.
Deux exemples de cas de non respect des volontés des malades
Dans ce qui suit, je vous donne deux exemples de personnes sérieusement malades, pour qui les familles n'ont pas respecté leurs volontés, profitant de leur vulnérabilité. J'ai rarement visité des personnes en présumée fin de vie, en milieu hospitalier, donc le nombre de cas rencontrés m'inquiète d'autant plus.
Cas vécu d'un homme âgé
Cas vécu d'un homme âgé
Invité à visiter un malade âgé hospitalisé loin de son village, en tant que responsable pastoral d'une communauté, j'ai pu constater que ses enfants, tous issus d'une première noce, lui avaient mis des pressions pour changer son testament au désavantage de son épouse en secondes noces. La plupart, sinon les plus influents, n'avaient jamais accepté cette dernière au sein de leur famille, entre autres, en raison des convictions religieuses de la dame et du père depuis quelques années. Lorsque j'ai demandé à l'homme si ce que sa seconde épouse disait au sujet des pressions pour modifier son testament était vrai, l'homme n'a pas nié. En apparente rémission, il est décédé peu de temps après sa sortie du Centre hospitalier régional de Rimouski, probablement d'une infection. Ses enfants avaient pris la décision de le placer dans un foyer, alors qu'il est sorti de l'hôpital sur ses pieds. Cela priverait son épouse, du même coup, de le voir régulièrement en raison de la distance.
Avant la fin de son hospitalisation, les enfants ont aussi exigé que la seconde épouse, leur donne accès à la maison pour prendre possession du contenu d'un coffre fort. La femme m'a fait part d'intimidations et de menaces venant d'un représentant des enfants, à l'effet qu'ils viendraient avec la police, si elle ne les laissait pas accéder au coffre à une date et heure (fixés unilatéralement par ceux-ci). La mention de la police pouvait les couvrir en les faisant passer pour des anges, mais toute leur attitude démontrait des intérêts fort "terrestres". L'épouse du malade s'interrogeait sur leur droit d'agir de la sorte.
Lorsque j'ai contacté la Sûreté du Québec (police de l'État québécois) pour la soulager quelque peu dans cette affaire remontant aux environs de 2003. On m'a informé que cela ne relevait pas du code criminel mais du domaine civil et que le seul recours de la femme, si elle se croyait lésée, était de recourir aux services d'un avocat. Pour ma part, je croyais que manipuler un parent malade et vulnérable pour le faire changer son testament légal et le relocaliser à bonne distance de sa seconde épouse à sa sortie de l'hôpital, relève pratiquement du même groupe d'offense, qu'un enlèvement de personne et devrait relever du Code criminel. Même chose pour les pressions exercées sur la seconde épouse, en vue de l'accès à un coffre fort appartenant au père. Chacun de leurs actes était bien calculé et pouvait recevoir deux interprétations opposées; l'intérêt du père ou leur propre intérêt. Pour moi, il est devenu manifeste qu'il y avait dans cette affaire, à la fois des intérêts financiers et la question des choix spirituels du père et de la dame, quelques années plus tôt. La policière à qui j'ai exposé la situation a semblé ébranlée par ma réflexion sur le sujet. Puis, à la fin de la conversation téléphonique, elle semblait plus préoccupée par mes intérêts personnels dans cette affaire, que des intérêts personnels de ceux qui faisaient changer le testament (les héritiers) de leur père et qui exerçaient des pressions psychologiques sur sa seconde épouse.
Cas vécu d'une jeune femme en phase terminale d'un cancer
À une autre occasion, j'ai vu une jeune femme de 24 ans, mourante du cancer, être privée des intervenants de son choix, pour des services spirituels, parce que ses parents en avait décidé ainsi. Elle avait pourtant manifesté le désir d'être visitée une première, puis une seconde fois, par un pasteur de la confession chrétienne de son choix, même si elle n'avait pas été engagée envers cette communauté religieuse avant la phase terminale de son cancer. Elle ne parlait pas, mais s'exprimait ou répondait par des hochements de la tête. Après une visite dont elle avait retiré un grand bienfait (son témoignage à son amoureux et de l'avis de celui-ci), elle fût privée d'une seconde visite convenue pour le lendemain. Ceci arrivait au Centre hospitalier de Matane, en 1984 ou 1985. Parce qu'elle était démunie et dépendante, les parents sont allés à l'encontre de son choix et de ses préférences dans tout ce qui lui restait de liberté : choisir ses visiteurs.
Respect de la volonté des malades vulnérables ? Pas tant que ça
J'ai été un témoin direct de ces deux situations, bien je n'ai visité que trois mourants ou personnes à risque de mourir sous peu. J'imagine donc que le non-respect de la volonté du malade, doit être fréquent, même si ce dernier désire réviser ses anciennes préférences, faites du temps où il était en plein contrôle sur sa vie. Avec ces deux exemples sur trois expériences de visites de personnes gravement malades ou à risque de mourir, je peux vous assurer que je ne crois plus beaucoup au respect de la volonté d'un malade devenu vulnérable et sensible aux arguments de ceux dont il dépendra tôt ou tard, s'il sort de l'institution de soins.
Le pouvoir attractif de l'argent et de la liberté de son temps
Il faut être conscient aussi, du pouvoir attractif de deux besoins : 1) celui pour les proches de retourner vaquer à leurs activités (seconde vidéo ci-dessous; témoignage d'un médecin québécois), et dans d'autres cas, 2) du pouvoir attractif de l'argent et des biens matériels du malade, pour certains de ses proches. Il peut devenir facile de penser qu'il mourra très prochainement de toute façon. Alors quelle différence cela fait-il pour le malade dans 4 semaines ou dans 4 mois... ? Il ne serait pas exceptionnel, selon mes observations, que les héritiers préfèrent "aider" le processus de la mort, plutôt que de voir le malade utiliser ses économies pour se faire soigner et accompagner par des services privés à domicile et se donner un bon 6 mois ou une année de qualité de vie de plus, avant de partir.
La personne souffrante, infantilisée et dépossédée de sa plus grande richesse : la liberté de choix
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- Le malade peut aussi être considérée en perte de ses facultés intellectuelles, s'il change d'avis, par rapport à ses anciens choix passés (ex. lorsqu'il était en bonne santé et que la mort était théorique).
- Ou encore, il est fréquent que les proches en profitent pour évacuer de l'entourage du malade, les personnes qu'eux n'aiment pas. La situation est présente dans mes deux exemples, sans égard aux préférences manifestées par le souffrant qui pouvait communiquer.
LIRE AUSSI:
Papi est mourant mais il sait compter et «mourir dans la dignité»!
http://yapasdpresse.blogspot.ca/2013/01/papi-phil-est-en-fin-de-vie-mais-il.htmlTexte suggéré (lien externe) : L’euthanasie et le suicide assisté : pourquoi pas?
http://www.cqv.qc.ca/?q=fr/l%E2%80%99euthanasie-et-le-suicide-assiste-pourquoi-pas
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1. Pour l'article sur le sondage d'Environics Research cité :
CNV. Changement surprenant de l'opinion publique sur l'euthanasie au Québec. 4 nov. 2007. Ottawa. Trouvé sur http://www.cnw.ca/fr/releases/archive/November2010/04/c9135.html