lundi 2 mars 2020

Loi 21 : Neutralité de l'État versus religions et croyances

Quand un ou une employée, établie en autorité ou non, porte un symbole religieux ou politico-religieux évident, sur la base de la soit-disant liberté de religion, en réalité, une telle manifestation «parle» constamment de sa religion ou de sa préférence politique. Nous sommes entrés dans une dimension différente de la discrimination, laquelle consiste à se reconnaître pour favoriser sa communauté.


Bien au-delà de ce qui est couvert par la loi 21 (symboles religieux pour les personnes en autorité dans la fonction publique) nous entrons dans un autre monde. Vers 2016, lors d'une sortie pour un dîner informel à mon travail, j'étais passager à bord d'un véhicule, où prenait aussi place un directeur d'équipe de travail, ainsi qu'un coordonnateur d'employés. J'ai fait une plaisanterie sous forme de question, concernant un outil dans un coffre servant à des rénovations, dans le véhicule privé, en référence à ISIS. Un collègue l'a trouvée drôle. Le directeur de section a regardé notre hôte conducteur (le "dispatcher"), et a dit, sur un ton paternaliste: «On ne parle pas de religion». On aurait dit une phrase sortie directement d'une formation. Récemment, je repensais à cet événement. Un lien est devenu évident entre
  1. le fait de porter un symbole religieux accepté au travail pour les uns
  2. lequel équivaut par le fait même, à exprimer sa religion en continu, dans la sphère du travail.

Porter des signes religieux ostentatoires, que l'on soit en autorité ou non, c'est en fait parler de sa religion ou manifester sa religion d'une manière ininterrompue


Une nouvelle variante assez insidieuse de la discrimination se dessine via le chemin du communautarisme engendré par un mauvais usage des chartes des droits pour créer du favoritisme. Une discrimination favorise les uns mais l'expression équivalente est arbitrairement interdite aux autres. Avec la loi 21 au Québec, on met probablement à tort trop l'emphase sur la relation du symbole à l'autorité, en négligeant une autre dimension tout aussi importante de la discrimination.

Une nouvelle discrimination religieuse est déjà en marche au Canada


Quand un ou une employée porte un symbole religieux ou politico-religieux évident, sur la base de la soit-disant liberté de religion, en réalité, une telle personne «parle» constamment de sa religion (ou de sa préférence politique religieuse), même sans utiliser un seul mot. Si je portais une chemise ou un pull ou un bouton de 3 cm de diamètre indiquant ma foi chrétienne via mon code vestimentaire au travail, ce serait une manière de parler constamment de ma religion sans dire un seul mot. Or, c'est justement ce
qui se passe déjà sous nos yeux avec les symboles religieux ostentatoires permis pour certaines religions, au travail dans le domaine public ou privé et à la personne qui reçoit un service public, comme en éducation ou en lien avec les soins de santé.

C'est exactement le genre d'injustice qui est de plus en plus pratiqué entre les religions et qui passe sous le radar:
  • favoriser les religions qui s'expriment plus «agressivement» au sens réel, ou au sens symbolique ostentatoire (évidence visible, s'imposer, prendre toute sa place et plus) avec but; Et
  • refouler ceux qui s'expriment davantage dans le respect.

Quelques exemples de favoritisme religieux au travail, aux études ou dans la dispensation des services de l'État


Alors que dans le contexte du 20è siècle, la menace pouvait souvent se présenter sous la forme de mépris face à la différence des «minorités», la nouvelle discrimination est en voie de devenir le favoritisme envers certaines religions et croyances ou incroyances, donnant vie au mépris sous une autre forme. Par exemple, en Occident, des scientifiques croyants non chrétiens sont par exemple, favorisés, pendant que les collègues chrétiens occupant les mêmes fonctions, perdent leur poste ou plafonnent dans leur carrière. Tout cela ne serait pas nécessaire si l'on appliquait le droit dans son état actuel.

Dans ma fonction, j'ai eu à participer au recrutement de personnel sur un comité de sélection pour des personnes pour m'assister (stagiaires, personnel temporaire). Il m'est impossible de déterminer si la personne devant moi est chrétienne et je ne cherche pas à le savoir. Mais ce serait plus difficile de ne pas être influencé avec des manifestations vestimentaires visibles de la foi. Imaginons que face à 2 personnes avec des compétences et expériences comparables, les chrétiens portaient un symbole visible; par exemple une chemise particulière pour les hommes et un coiffe particulière pour les femmes chrétiennes. Devant des aptitudes comparables, il serait très tentant de favoriser la personne qui partage la même foi que moi. Ce serait d'autant plus incitatif, pour un chrétien sur un comité de sélection, quand le poste en jeu en est un d'autorité. 

Voici donc quelques exemples d'occasions réalistes impliquant les symboles religieux ostentatoires (évidents), dans la relation d'un citoyen au travail, aux études ou dans le contexte des services de l'État:
  • Une personne civile qui n'est PAS en poste d'autorité porte un signe religieux ostentatoire lors d'une entrevue d'embauche. Le recruteur de la même religion sait que c'est une «sœur» ou un frère, dans sa religion, même sans connaître cette personne. Sur un grand nombre de recruteurs et d'embauches, cela conduira inévitablement à des injustices. Est-ce que ce sera 5%, 10%, 20% ou plus encore? Nous ne savons pas, mais sur la base de la nature humaine, c'est INÉVITABLE, si on discrimine favorablement certaines religions revendicatrices (permission du port de signes religieux ostentatoires).
  • Un conducteur automobile se fait interpeller par une patrouille policière. Le policier et le conducteur portent le même symbole religieux. Sans un seul mot à ce sujet dans les conversations enregistrées, le conducteur peut recevoir un traitement de faveur. Pour ceux qui connaissent l'histoire du Québec, c'est du même ressort que le signe secret des Chevaliers de Colomb (une fraternité catholique en déclin). Mais à une échelle beaucoup plus importante.
  • Un travailleur manuel manifeste avec évidence ses pratiques religieuses au travail, via la pratique d'un jeûne de plusieurs jours consécutifs à chaque année, décrétée par sa religion et parce qu'il demande des accommodements à cette fin. Il exprime ainsi publiquement au travail sa religion un grand nombre de jours ouvrables par année, sans faire un seul discours! Tous ses collègues savent qu'il pratique un jeûne religieux et il s'attend à ce qu'ils ne mangent pas devant lui, hors de la cantine.
  • Une personne se présente (ou fait une demande en ligne) pour obtenir un service public (ex. un passeport) avec un signe religieux ostentatoire en personne ou sur sa photo. Si celui ou celle qui donne le service et fait partie de la même religion, il peut favoriser (ex. traitement accéléré) ceux de sa foi.
  • Dans le même ordre d'idée de service public, une femme se présente à une piscine publique avec un survêtement prescrit par sa religion et passe outre les règles d'hygiène et de sécurité vestimentaire, sur la base de sa religion; règles auxquelles les autres citoyens doivent pourtant se soumettre. Ceci constitue une discrimination.  
  • Dans une commission scolaire, un cours est refusé par une communauté religieuse revendicatrice et représentée, mais est imposé sévèrement aux enfants d'autres parents croyants ou athées, sous menace d'intervention de signalement aux services sociaux.
  • Une personne portant un signe religieux est diagnostiquée avec un problème de santé sérieux nécessitant une intervention chirurgicale. Subtilement, son ordre de priorité peut changer pour qu'elle passe plus rapidement dans le système, parce qu'elle porte un signe d'identification religieuse.
  • Une étudiant universitaire porte un symbole religieux de la même croyance que son enseignant. Serait-il surprenant que sur un nombre signification de situations semblables, ce fait amène un genre de bonification des évaluations dans plusieurs cas ?
  • Une athlète olympique porte un signe religieux dans la pratique de son sport. Une des juges qui n'est pas de même nationalité est par contre de la même religion...
  • La liste pourrait être très longue.



La contrainte (Iran 1979) ou la pression (Montréal, Canada, 2019-2020)

Iran, 1979. Manifestation des femmes contre le port du voile islamique et contre la charia, après la révolution islamique faisant de l'Iran une république islamique. Pendant des jours, les manifestations avaient eu lieu dans diverses villes iraniennes. Donc, quand on vous dit que le port du voile est un choix, réfléchissez un peu plus.


Le Devoir, 2 mars 2020, rapporte cette nouvelle, sur des éducatrices en milieu scolaire, à Montréal, faisant des pressions pour le port du voile (des déclaration sous serment ont été faites):

«Pour sa part, Ferroudja Si Hadj Mohand raconte qu’une éducatrice portant le hidjab aurait interpellé une amie de sa fille de 9 ans parce qu’elle enlevait et remettait son voile islamique dans la cour de l’école de Montréal-Nord qu’elles fréquentent. L’éducatrice lui aurait dit qu’une fois mis, le voile ne devait plus être enlevé. Puis, se tournant vers la fille de Mme Hadj Mohand, elle lui aurait demandé quand elle commencerait à le porter. La jeune fille s’est sentie « gênée » et obligée de répondre « Peut-être au secondaire ». 
« Nous avons dû avoir une longue conversation [avec notre fille] pour lui expliquer qu’elle n’était pas obligée de mentir sur sa croyance pour plaire à son éducatrice, témoigne Mme Mohand dans son affidavit. Il est très difficile pour mes filles de résister aux pressions de leurs pairs à porter le voile, car elles ne veulent pas déplaire et il s’agit parfois d’un signe d’appartenance au groupe. »

Quand un directeur d'équipe vous dit : «On ne parle pas de religion»...


Donc, quand un directeur d'équipe vous corrige sur un commentaire touchant un aspect religieux en vous disant : «On ne parle pas religion» dans le contexte du travail ou d'une sortie au restaurant avec des collègues de travail, en fait,
  1. il vous ment, si la politique de son entreprise laisse certaines religions s'exprimer et revendiquer librement et ostentatoirement, mais pas les autres. Il ne fait que répéter un cliché probablement appris dans une formation, mais qui ne décrit plus la réalité culturelle et politique actuelle; ET
  2. il contribue ainsi à une injustice en refoulant l'expression des uns, via une sélection arbitraire ou planifiée, favorisant d'autres groupes; ceux dont les membres portent des symboles religieux et qui expriment ainsi leur religion, à chaque minute de chaque heure, dans le cadre du travail et des éventuelles sorties, par ce qui peut devenir une intimidation de tout instant. 
Faut-il pour autant qu'un État, comme le Canada, ou le Québec dans le Canada, pour être plus précis, s'ingère dans les religions et croyances, comme avec la Loi 21? Peut-être... 

Chose certaine, 

  1. Premièrement, nous faisons fausse route en croyant régler le problème en ciblant uniquement le principe d'autorité. Car l'autorité d'un individu issu d'une religion, qui ne porte pas de signe particulier dans son travail, sait très bien reconnaître les signes religieux ou politiques de sa communauté et peut discriminer positivement (avantager, favoriser).
  2. Deuxièmement, certains problèmes ne se développeraient pas, si l'on appliquait la Constitution canadienne et les lois dans leur intention première. Par exemple, nous n'avons pas à discriminer entre une violence criminelle religieuse et une violence criminelle laïque. Nous n'avons pas à créer de nouvelles lois ou les modifier pour favoriser une religion ou la restreindre (une nouvelle tendance est de restreindre les chrétiens et gens critiques de certaines religions bien identifiées). C'est une stupidité non nécessaire, malhabile et offensante pour les individus. Le Code criminel vise tous les Canadiens. Les codes civiles visent tous les gens d'un état.


Ceci devrait faire l'objet d'un autre texte. Mais j'irai en bref,

La gestion des religions par les États est vouée à la dérive, sinon à court terme, du moins à moyen ou long terme


Je me méfie comme de la peste, des ingérences prétendument laïques en matière de religion et croyances, car je n'ai plus confiance dans la neutralité des personnes. En effet, l'État n'est pas un arbitre infaillible, omniscient et juste par défaut; sinon il serait le Dieu judéo-chrétien. L'État, ce sont des personnes, avec des préférences et des idées préconçues, qui répondent aussi à des commandes politiques, souvent avec beaucoup de zèle ou avec manque de discernement. On applique le «one size fits all», alors que la vie n'est pas comme cela. Certaines religions sont réellement violentes. Mais on n'a pas besoin de créer une loi par religion ou à modifier les lois déjà en usage.

La gestion des religions par les États est vouée à la dérive, aux lobbies, à la corruption, sinon au clientélisme politique, et au favoritisme. Là dessus, je vois les choses davantage comme Maxime Bernier, fondateur du Parti Populaire du Canada (PPC): 
  • les mêmes lois et la même constitution pour tous; et 
  • pas de privilèges communautaristes

Je n'aimais pas le projet du Parti Québécois (PQ), celui de la Charte (un terme de la novlangue pour loi) de la Laïcité de Bernard Drainville, parce qu'il était en constante mutation, via des ballons (rumeurs) lancés nous invitant à constamment nous repositionner, et pouvait, à tout moment et sans raisons justifiées, s'en prendre aux libertés des chrétiens et d'autres croyants pacifiques. La «charte» (loi) sentait le socialisme athée ou agnostique, proche de l'État dit idéal, mais qui pourrait bien se trouver une république à parti unique dans 25 ans.

Je l'avais exprimé par ces caricatures. La charte cachée n'était pas plus désirable qu'une burka, une cible de la charte (1ère image), incluant l'anti-christianisme latent (croix inversée). 

:
Et elle était séduisante, seulement si l'on omettait tout le non-dit, qui équivaut à un mensonge politique et social; d'où (2e image), la «charte en chaleur» qui appelle son partenaire, le ministre Bernard Drainville. 



Un certain mouvement laïc, d'ailleurs avait publié sur son site web, puis retiré du matériel clairement antichrétien, appelant à la répression sociale de la foi chrétienne (ex. dans les emplois, les carrières politiques, scientifiques, etc.). Un chroniqueur, ex-politicien bien connu et membre du PQ au Québec, a fait référence à la même littérature, invitant à la lire, sans expliquer (seulement la jaquette du livre).

Pour en partie la même raison, je ne suis pas certain d'aimer le projet de loi du parti Coalition Avenir Québec (CAQ), lequel a été porté par Simon Jolin-Barrette, ministre québécois de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, et déposé en mars 2019 (actuellement contesté mais approuvée en Cour d'appel du Québec, Journal de Montréal, 12 décembre 2019). Pourquoi? C'est que
  • je ne crois pas à la neutralité de l'État (souvent hypothétique et élastique), au regard de ce que j'ai observé depuis quelques décennies en éducation et dans divers grands enjeux sociaux (ex. la formulation et le choix des questions pour orienter les conclusions d'un sondage, d'une pseudo-consultation, la ligne de parti impliquant la menace d'une rétrogradation ou stagnation, etc.);
  • la neutralité va en plus de paire avec l'incorruptibilité et je ne crois pas à celle des agents de l'État et de ses fonctionnaires, ni des élites dirigeantes non élues;
  • du moment qu'une loi de gestion des religions serait créée ou qu'une loi comme le Code criminel du Canada est modifiée en ce sens, la porte s'ouvre à toutes sortes d'abus et de répressions ou inversement, de privilèges arbitraires, au fil des gouvernements qui se succèdent; un peu comme aujourd'hui, l'ONU donne le microphone moralisateur ou la direction de comités des droits humains, à des États dictatoriaux.
Voilà pourquoi, il me semble (ma réflexion n'est pas terminée), il vaut mieux s'en tenir au droit qui réunit tout le monde sur un pied d'égalité, sous les mêmes lois, le même Code criminel canadien, la même Constitution canadienne et les mêmes codes civils, plutôt qu'au droit qui divise. Ceci dit, si personne ne portait de signe religieux dans les relations professionnelles et dans l'accès aux services de l'État et au travail, tout le monde serait égal. D'ailleurs, une majorité de croyants et croyantes non-chrétiens  refusent de se définir par un tissus ou autre signe ostentatoire, souvent plus politique et revendicateur que religieux.

Article suggéré