mardi 10 mai 2011

Jeunes et alcool au volant : doucement sur l'accélérateur de la contrainte

10 MAI 2011Le coroner Yvon Garneau recommande un couvre-feu nocturne pour réduire le nombre de décès ou blessures graves provoqués par des jeunes conducteurs nocturnes d'automobiles âgés entre 16 et 24 ans. La solution passe-t-elle vraiment par ce genre de mesures qui ratissent aussi large, sans égard au dossier personnel?
«Le coroner Garneau s’inspire de mesures prises en Ontario et dans certains États américains pour interdire la conduite de nuit aux quelque 500 000 conducteurs âgés entre 16 et 24 ans, de manière à réduire le nombre de décès sur le réseau routier. Rappelons qu’uniquement en 2010, 129 jeunes de cette tranche d’âge ont perdu la vie sur les routes» (1).
Panneau d'arrêt toutes directions, au Québec.
Souvent confondu avec Arrêt "toute
discrétion"...

Je me souviens...

Je me souviens ... avoir déjà vu ce "film". On se souviendra en effet du cas récent de la surprime à payer pour immatriculer les motocyclettes grosses cylindrées au Québec, après un constat semblable pour les accidents avec ces chevaux de fer. Après un long combat des conducteurs de motocyclettes, faisant pression sur le gouvernement à chaque retour de la saison de moto, ce dernier a fini par annoncer des modifications en 2011. 

Principe: ce n'est pas à l'ensemble des utilisateurs d'un droit ou privilège, de payer pour un pourcentage d'immatures ou imprudents.

L'automobile est pour plusieurs un moyen de transport encore nécessaire

J'ai personnellement perdu mes parents alors que j'étais d'âge mineur. À 18 ans, le petit oiseau que j'étais se retrouvait hors du nid de la famille d'accueil et devait pourvoir à ses besoins en travaillant et avec les prêts et bourses aux étudiants. J'ai eu parfois à me déplacer après minuit ou avant 5 heures du matin
pour le travail, ou la formation et par la suite pour des démarches d'emplois ou en tant que conférencier. En plus, je vivais en région où le transport en commun était très limité et vu le haut taux de chômage, j'ai souvent travaillé sur des projets de durée limitée en excavation avec changement fréquent de lieu de travail. Il m'est arrivé à plus d'une occasion d'être sur la route à 4 ou 5 heures le matin pour me rendre travailler un lundi matin dans une ville à quelques heures de route, ou pour participer à une conférence en début de matinée. Des mesures comme celles proposées par le coroner auraient pu constituer un sérieux handicap pour moi. Comment prouver que je travaillais dans telle ou telle ville? Et je n'avais pas un "paternel" pour me voyager pour les autres types de déplacement.

Un défenseur de l'interdiction de conduire cite à la défense de l'approche, le cas extrême d'un jeune conducteur dans la nuit du samedi au dimanche ou du vendredi au samedi qui n'est sûrement pas en direction du travail. Qu'en sait-il ? La réalité de 1965 n'est pas la réalité de 2011. Qui vous reçoit dans les fast foods pour le petit déj' et le café à 5 heures du matin les weekends, et même les autres jours?

Responsabiliser les individus

On devrait plutôt aller vers la règle de responsabilisation des individus. Cela pourrait s'appliquer premièrement pour les contrevenants, sans omettre certaines clauses communes. Autrement, il faudrait aussi sanctionner les sportifs dont plusieurs meurent chaque année (risques de malaises en cours de performance, noyades, chutes, etc.).

(+) Parmi ce que j'ai entendu de plus intéressant dans ce genre de situation d'ivresse (facultés affaiblies) au volant :

  • Un permis (droit) de conduire progressif augmentant avec l'expérience et en fonction du dossier personnel
  • Des contraintes ciblant surtout les fautifs. Mais les jeunes pourraient aussi contourner  les contraintes (ex. via des substances difficilement détectables, ou en prolongeant la fête jusqu'à 5 heures du matin plutôt qu'à 2 ou 3 heures, etc.)
  • Application des contraintes et restrictions surtout pour les jeunes d'âge mineur (16-18 ans). Par exemple, la limitation du nombre de passagers et certains encadrements au droit de conduire (incluant possiblement les heures). Un couvre-feu la première année de conduite sans accompagnateur serait peut-être un compromis acceptable (note ajoutée le 7 mai 2014).
  • Sensibilisation. À l'école et dès le jeune âge, sensibiliser à la sécurité routière et au code de la route (ex. dès l'âge du vélo). Sensibiliser les jeunes conducteurs au fait qu'une automobile peut devenir comme une arme chargée, et est à utiliser avec beaucoup de prudence et de manière responsable.

Ce qui me semble envisageable:
  • Un droit et un privilège, ça se mérite. Retirer des droits à ceux qui n'en font pas bon usage. Exemple : retrait du droit de conduire durant une certaine période à ceux qui sont pris en état d'inaptitude à conduire (alcool, drogues, course ou haute vitesse sur la voie publique). Cela se fait déjà, mais les jeunes ne seraient plus exempts de ce genre de contrainte, sous prétexte qu'ils sont mineurs. L'alcool et les substances illicites au volant seraient criminels pour les jeunes conducteurs aussi. Ce serait le prix à payer pour jouer dans la cour des grands...
  • Des barrages de police sans pré-avis seraient probablement plus efficaces pour joindre la vraie "clientèle" visée; soit les conducteurs avec facultés affaiblies (au-delà du critère de l'âge). Et pour les coureurs automobiles sur la voie publique, le bon vieux radar, mais de nuit ou un système de dénonciation simplifié (ligne spécifique pour les témoins d'infractions graves comme la course ou la conduite dangereuse), sans avoir à passer par le 911.
  • Privilège d'adulte = conséquences d'adultes. Si tu as le droit de conduire un véhicule automobile, tu dois être soumis aux règles d'usage.
(-) Ce que j'ai le moins aimé :
  • L'idée récurrente de l'ivressomètre avec anti-démarreur, obligatoire dans tous les véhicules neufs vendus au Canada. Ce n'est pas aux conducteurs qui ne boivent pas, ou qui ne conduisent pas après avoir bu, de payer pour un accessoire coûteux (anti-démarreur relié, frais de calibrage réguliers) dont ils n'ont pas besoin, quand un test non relié au système suffit amplement pour eux. Se restreindre au principe de l'utilisateur-payeur
  • Et comment en plus, va-t-on contrôler les drogues? Faudra-t-il une machine pour chaque type de substance du druide; l'analyseur de sang ou de salive avec anti-démarreur, le scan de la pupille? Le tableau de bord d'une automobile va bientôt ressembler à celui d'un avion F18. Avec un ivressomètre permanent lié au système de démarrage du véhicule, quelqu'un peut être sur la "coke" ou sur les "speeds" et autres substances illicites et démarrer sa voiture. C'est une solution simpliste et digne de la problématique vue sous l'angle d'un contemporain d'Al Capone. Par contre, qu'une personne soit contrainte de faire installer l'ivressomètre avec anti-démarreur après un constat d'offense (état d'ébriété au volant), cela se justifie (utilisateur-payeur ou contrevenant-payeur). Certains objectent que le port obligatoire de la ceinture de sécurité et la présence de cet équipement dans les véhicules s'applique à tous. Je répondrais que tous les conducteurs et passagers, sans exception, sont sujets aux accidents de la route. Mais ce ne sont pas tous les conducteurs qui conduisent avec des facultés affaiblies par l'alcool ou des substances illicites.
  • Mais par dessus tout, j'ai beaucoup de problèmes avec l'idée de restreindre des jeunes de 21, 22 ou 24 ans pour certaines cervelles d'oiseau. Cela n'a aucun sens. Il y a des jeunes à ces âges qui ont suffisamment de maturité pour fonder une famille ou démarrer et opérer leur propre entreprise... D'autres seront encore immatures à 35 ans. À un certain point, une fois adulte, l'âge devient un critère arbitraire.
Doucement donc, sur l'accélérateur avec la restriction ratissant trop large d'un gouver-maman de plus en plus étouffant. On devrait se concentrer sur le dossier personnel plutôt que sur l'âge, tout comme pour le crédit dans l'achat d'une maison.

LIRE AUSSI : 

Antidémarreur-alcootest pour tous? Considérez ceci avant

http://yapasdpresse.blogspot.ca/2012/03/antidemarreur-alcootest-pour-tous.html

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1. Kathryne LAMONTAGNE. COUVRE-FEU : « À prime abord, ça pose un problème » — Jean-Marie De Koninck. Journal de Québec (version web), 10 mai 2011, 21h11.
Lien consulté le 11 mai 2011.