lundi 19 novembre 2018

Racines du refus de Doug Ford pour une université francophone

Malgré l'exaspération des francophones de tout le Canada et de la ministre Mélanie Joly, le multiculturalisme dans sa forme extrême actuelle, hérité de Trudeau père et poussé inconditionnellement par son fils, engendre bel et bien de telles conséquences. Comment? En minant la constitutionnalité de la notion des peuples fondateurs du Canada.


(dernières modifications : 26 novembre 2018; grammatical seulement | 6 décembre 2018 | 10 et 12 décembre 2018).

Ontario: ministre Fedérale Mélanie Joly avec une foule de manifestants Franco-Ontariens 1er Déc. 2018 après le refus du Premier ministre de la province de l'Ontario, Doug Ford, de soutenir la création d'une université francophone. Madame Joly fait partie cabinet du Parti Libéral du Canada, dont le Premier ministre est Justin Trudeau. Source : compte Twitter @melaniejoly, 1er décembre 2018.

Doug FORD, Premier ministre de l'Ontario élu le 29 juin 2018. Crédits photo: Gouvernement de l'Ontario, au Canada.

Même des francophones Libéraux du Canada sont choqués par le refus de Doug Ford, chef du Gouvernement de l'Ontario, de soutenir financièrement la création d'une université francophone. Pourtant...


La Ministre des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, affirme haut et fort que le Premier Ministre de l'Ontario ne comprend ni l'Histoire du Canada, ni sa Constitution.

Mélanie Joly, Ministre au Parti Libéral du Canada.


Pourtant, la Constitution permet des dérogations (clauses «nonobstant»; une sorte de droit de veto d'une province sur certains enjeux comme l'éducation ou la langue, par exemple). Ceci sert à préserver des droits d'exception (une sorte de droit acquis), mais que l'on tend à utiliser de moins en moins pour les peuples fondateurs, par une forme de culpabilité subtilement imposée. Cela est arrivé, par exemple, en changeant les droits pour les minorités religieuses protestantes du Québec dès les années 1990 sous le Gouvernement du Parti Québécois et sous la conduite ministérielle de Pauline Marois en Éducation. Le parti voulait éliminer les écoles publiques confessionnelles et paver le chemin du cours imposé qu'est l'ECR à tout le primaire et secondaire (élèves de 6 à 17 ans environ). Mais il ne se préoccupait pas des minorités. Au Québec, des écoles publiques franco-protestantes et furent ainsi fermées.

Dans un même genre de «logique», le Premier ministre Conservateur de l'Ontario (Canada) refuse de subventionner la création d'une université francophone à Toronto, dans une province avec pourtant 0,6 million de francophones (env. la population de la ville de Québec). Et cela suscite la critique ici aussi, quand on sait que le Québec très majoritairement francophone de descendance française, a de son côté, trois universités anglophones (McGill, Concordia, et Bishop) dont deux à Montréal. Le Canada se vante pourtant de son bilinguisme anglais et français, mais la demande des Franco-Ontariens est tombée entre deux océans... On a beau être un Premier Ministre économe (de droite), il y a une différence énorme entre ne rien accorder versus au moins subventionner quelques disciplines universitaires… Le PM aurait pu par exemple, décider de subventionner quelques programmes comme l'enseignement du français et des langues, les arts et lettres, les communications et le journalisme, etc.)

Qu'il en soit conscient ou non, la décision du Chef conservateur de la Province de l'Ontario serait vraisemblablement motivée par une certaine lecture et culture du multiculturalisme poussé à son extrême. Le Premier Ministre ontarien ne subventionnerait pas non plus, dit-il, une université chinoise ou italienne. Dans la Province de Québec et à Québec, sa capitale, les critiques ont évidemment afflué de toute part face à sa déclaration.

Comment Doug Ford, le Premier Ministre de la province de l'Ontario, ose-t-il comparer les Chinois à un des peuples fondateurs du Canada?


Réponse :
C'est simple, via l'effacement programmé et déjà avancé de la notion de peuples fondateurs du Canada, dans le sillage du multiculturalisme postmoderne à la Trudeau. Toujours supporté par les mêmes journalistes et médias, en hypocrites (à moins que ce ne soient en inintelligents), le phénomène produit maintenant des conséquences évidentes. Tôt ou tard, les juges de la Cour Suprême seront appelés à se prononcer, et s'ils ne suivent pas la Constitution et l'Histoire, ils diront que le Canada a changé et que le Droit doit être ajusté conséquemment. Par exemple, lorsque l'idéologie pseudo-multiculturaliste s'étend aux gouvernements des provinces, des écoles chrétiennes ferment au nom des droits des non-chrétiens, tandis que des écoles musulmanes ou autres pourraient être subventionnées par nos gouvernements au nom de la culture (clientélisme électoral et idéologique de gauche). Car c'est un fait que le Premier Ministre du Canada a déclaré, après son élection de 2015, que le Canada n'a pas de culture particulière. Les Québécois fortement réactionnaires à la décision de Doug Ford doivent donc réaliser que le multiculturalisme à la Trudeau, père et fils et postmoderne, c'est exactement cela. Et c'est vrai, particulièrement dans un Canada décrit comme le premier État «post-national», dans la vision même de Trudeau fils, dévoilée peu après son élection en 2015  (1).



C'est donc aussi, par association politique, le point de vue du Gouvernement Libéral du Canada, lequel dénonce la décision du PM Ford. Il ne s'agit pas là d'une politique typiquement conservatrice de l'Ontario, car il est clair aussi que dans l'interprétation du Premier ministre Libéral du Canada, Justin Trudeau, que les nationalités installées ici depuis 400 ans n'ont pas plus de droits que celles qui y sont depuis peu. En ce sens,
  • Si l'on applique la logique Trudeau, à l'effet que les peuples fondateurs ne devraient pas avoir plus d'avantages constitutionnels (pourtant prévus dans la Constitution, notamment par les clauses nonobstant), Doug Ford opère donc dans la même logique que les Trudeau. On le voit dans sa déclaration à l'effet qu'il ne subventionnerait pas plus une université linguistique chinoise. Pour lui, la position conservatrice tient sur le fait de ne pas ouvrir une porte infermable par la suite.
  • Et une interprétation à la Trudeau, pourrait inversement conclure, qu'une université visant à satisfaire une minorité culturelle (ex. musulmane), pourrait être subventionnée par un État multiculturaliste Libéral ou par un ministère de l'Éducation d'une province. Prenez des notes, car cela pourrait bien arriver et plus vite que vous pensez.
La position de Ford est l'un des fruits du multiculturalisme traité, consciemment ou non, sans égard à l'Histoire et aux intentions de la Constitution, auquel semble-t-il, il faudra s'habituer dans un État dirigé par les Juges (2), découlant de la Charte selon Pierre Eliott Trudeau, le père de Justin. 

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1.     Après son élection comme Premier Ministre du Canada en 2015, Justin Trudeau a déclaré que sous sa gouverne, le Canada est le premier État post-national:
(La traduction en français suit la version originale)
«Terrorist groups have specifically said they are targeting Canada and Canadians. And on the subject of national security, Trudeau’s critics say he’s a lightweight and a dangerous one. Trudeau’s most radical argument is that Canada is becoming a new kind of state, defined not by its European history but by the multiplicity of its identities from all over the world. His embrace of a pan-cultural heritage makes him an avatar of his father’s vision. ‘‘There is no core identity, no mainstream in Canada,’’ he claimed. ‘‘There are shared values — openness, respect, compassion, willingness to work hard, to be there for each other, to search for equality and justice. Those qualities are what make us the first postnational state.’’ » (New York TIMES Magazine, Trudeau’s Canada, Again, DEC 8, 2015)
Français :
«Les groupes terroristes ont déclaré de manière précise qu'ils visent le Canada et les Canadiens. Et pour la sécurité nationale, les critiques de Trudeau disent qu'il est un poids-léger et constitue un danger. L'argument le plus radical de Trudeau est que le Canada devient un nouveau genre d'État, défini non par son histoire européenne, mais par la multiplicité de ses identités de partout dans le monde. Son adhésion à un héritage pan-culturel fait de lui un avatar [une figure représentative] de la vision de son père. "Il n'y a pas d'identité particulière [ou porteuse]; pas de courant dominant au Canada", avance-t-il. "Il y a des valeurs communes; l'ouverture, le respect, la compassion, la volonté de travailler dur, d’être solidaires, de rechercher l’égalité et la justice. Ces qualités sont ce qui fait de nous le premier État postnational" (New York Times, section Magazine, propos recueillis le 8 décembre 2015 par Guy Lawson et diffusés en ligne le 13 décembre 2018». (New York TIMES Magazine, Le retour du Canada selon Trudeau, 8 déc. 2015)
https://www.nytimes.com/2015/12/13/magazine/trudeaus-canada-again.html
Auteur : GUY LAWSON, DEC. 8, 2015
Date de publication en ligne selon l'adresse web: 2015/12/13
Page consultée le 19 août 2018

Propos reprise aussi par
Toronto SUN, 14 sept. 2016
The Guardian, 4 jan. 2017


2.    Bien que les juges de la Cour Suprême du Canada ne dirigent pas le pays au sens propre, il n'en demeure pas moins que les juges majoritairement libéraux (au sens idéologique) interprètent de plus en plus le Droit en fonction de leur vision des tendances et idéaux, plutôt que selon l'intention de la Constitution et des lois. Nous vivons dans un Droit nouveau, lequel tend à se placer au-dessus des lois et de la Constitution; en quelque sorte, un non-droit émergent, ou du moins, un droit des juges.