lundi 21 avril 2014

Projet de Loi 52 sur la fin de vie: seulement «un premier pas» (Véronique HIVON)

Appelons les choses pour ce qu'elles sont: «euthanasie» et «suicide assisté» font bien partie du projet de Loi 52 : Loi concernant les soins de fin de vie, mais sous le terme générique de «soins», dans la continuité de la commission de consultation sur le thème de «mourir dans la dignité»Après tant de mois au débat, je constate régulièrement que ni la population, ni les journalistes, ne font la différence entre le non-acharnement thérapeutique (1) et l'euthanasie. En effet, l'euthanasie sur demande (un suicide assisté) n'est pas la fin ou la cessation d'une intervention qui maintient en vie, mais un acte invasif et irréversible, comme l'injection d'un poison (ex. injection létale) pour provoquer la mort d'une personne qui vivrait autrement. Mais un autre fait est maintenant connu: cette loi est un premier pas, une première mouture qui évoluera (first step), pour les promoteurs du projet de Loi 52, déposé en juin 2013.  

Je dois préciser au départ que la plupart des opposants de l'euthanasie et du suicide assisté, sont aussi des opposants de l'acharnement thérapeutique. Par exemple, pourquoi faut-il s'acharner durant plusieurs minutes à réanimer à tout prix un accidenté grave? Pourquoi réanimer une personne de 70 ans, qui a subi un arrêt cardiaque naturel, malgré tous les risques de séquelles permanentes? Mais ce n'est pas le non-acharnement qu'introduit comme une nouveauté dans son projet de loi le PQ. D'où que le but de mon propos est une entrevue accordée en anglais à CBC radio à Montréal, le 29 janvier 2014, la marraine du projet de loi 52 sur la fin de vie, Véronique HIVON alors ministre responsable du dossier, répond à une question sur sa position, face à la situation en Belgique et l'élargissement de l'aide à mourir aux personnes atteintes de démence et  même aux enfants. Elle dit en toute franchise, que le projet de loi 52 est un premier pas; qu'il fallait se limiter, pour faire consensus, mais qu'il faudra évidemment dans une prochaine phase, considérer d'autres enjeux sérieux


Pour accès  immédiat à l'extrait AUDIO de l'ex-ministre Véronique HIVON 
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Déplacez le curseur vers 18:15 soit 18 min. 15 s.
http://www.cbc.ca/thecurrent/popupaudio.html?clipIds=2433494864

NOTE : L'extrait audio a été  retiré des archives de CBC mais l'image et l'adresse du lien sont conservés  ici pour attester que l'interview a bien eu lieu.


Puis les élections d'avril 2014 sont arrivées avant l'adoption de la loi en question (dernière étape). Nous vivons les derniers jours, les dernières heures, pour s'informer et agir. Nous connaissons la position gouvernementale. Mais nous connaissons peu les raisons pour lesquelles des professionnels de la santé, la majorité des médecins spécialisés en soins palliatifs (soins inaccessibles à la majorité des Québécois!), ou des éthiciens, ou des citoyens informés de tous milieux, s'opposent à la première adoption au Quebec, de l'euthanasie et du suicide assisté. Ces actes sont effectivement enchâssés dans le projet de loi déposé ayant évité les termes en usage de par le monde, préférant un vocabulaire édulcoré et politiquement correct:
  • Provoquer la mort par un acte, comme une injection létale (d'un poison) DEVIENT «Mourir dans la dignité» (thématique de la Commission)
  • «Euthanasie» et «suicide assisté» DEVIENNENT : une «aide médicale à mourir» OU un «soin de fin de vie».

«Euthanasie» ou pas «euthanasie» dans les «soins» au projet de Loi 52?


Nous apprenons dans l'entrevue que le projet de loi piloté au départ par le PQ avant l'élection du 7 avril 2014 a choisi de ne pas intégrer le mot «euthanasie» parce que le consentement du malade est requis (dans ce qui n'est qu'une phase 1 du projet de loi comme nous le verrons plus loin) et que le tout se fait dans un milieu médical encadré. On a préféré considérer l'acte comme partie du processus médical. Bref, c'est un jeu de mot, car lorsqu'on parle d'un acte qui provoque la mort rapide d'une personne qui vivrait autrement, il s'agit vraiment d'euthanasie. En Europe, c'est ainsi que l'on désigne le même acte médical.

Il me semble plutôt que l'on voulait sciemment ne pas alerter la population et que l'on y est parvenu car la plupart des gens et journalistes que l'on entend ne font pas la différence (énorme!) entre


  • le non-acharnement thérapeutique consistant en la cessation d'une intervention, par exemple, en débranchant un respirateur OU la non-réanimation d'une personne âgée en arrêt cardiaque 
  • et d'autre part, une euthanasie, comme l'utilisation d'un poison; par exemple sous forme d'injection létale


La confusion dans les termes présente plusieurs indices comme si on la voulait entretenue par la philosophie d'une élite. Parce que la cause est bonne pour ses promoteurs, alors il est permis de sous-informer ou de laisser les gens interpréter selon leurs préférences. Le but: éliminer la résistance et l'opposition.

«Suicide assisté» ou pas «suicide assisté» au contenu législatif des «soins»?

Nous apprenons encore dans l'entrevue que l'on a choisi aussi de ne pas parler de «suicide assisté», car dit-on, cela porterait à confusion avec une forme de suicide qui existe en quelques endroits, où la personne elle-même, à partir d'un produit obtenu sous prescription médicale et au moment où elle est prête, passe à l'acte. Bref, c'est un autre exercice de communications, car il est quand même question de suicide assisté, mais sous forme de délégation de l'acte. C'est un membre du corps médical qui pose l'acte et non le patient. On veut s'assurer d'un suicide propre et «réussi».

«Pente glissante» ou pas «pente glissante» avec le projet de Loi 52?


La révélation de l'entrevue : nous savons que ceux qui craignent ou prédisent un dérapage (la pente glissante) dans ce genre de projets de lois sensibles, sont habituellement taxés d'alarmistes, de religieux, ou d'ignorants. Dans le débat actuel on a été beaucoup plus poli pour ne pas réveiller la masse. On a rassuré les foules par les fameuses «balises» qui empêcheront, affirme-t-on, le dérapage et éviteront la banalisation de l'aide active à mourir. Puis quand on regarde le pays sur lequel le Québec a calqué plusieurs pans de son modèle, la Belgique, on constate qu'un peu plus d'une décennie plus tard, les balises du départ, imposées par le législateur, et qui rassuraient la population pour accepter la nouvelle loi, sont effectivement soient tombées, ou en train de tomber, sous la pression légale et sous les demandes croissantes et répétées (ex. récemment pour les déments et les enfants)
Exemples de problématiques de la loi d'euthanasie en Belgique. (10 février 2014) http://yapasdpresse.blogspot.ca/2014/02/exemples-des-problematiques-de-la-loi.html

Par exemple, 
  • Des jumeaux sourds ont obtenu l'euthanasie suite à la perte de la vue.
  • Une femme, obtient la mort, comme solution à sa dépression et, sans que sa famille soit avertie.
  • Un transsexuel demande et obtient la mort, suite à l'échec de sa chirurgie (2).
  • Et des enfants y seront euthanasiés aussi (décision de février 2014).

Le projet de Loi 52: un premier pas, selon sa marraine


Vers la fin d'une entrevue accordée à l'émission anglophone The Current, à CBC Radio de Montréal, le 29 janvier 2014,  une réponse de la responsable du dossier, Véronique HIVON, désigne le projet actuel, comme «first important step» (un premier pas; première forme de la loi), pour parvenir à un consensus. Cela remet en question tout l'aspect des balises strictes.
Q.  You mention Belgium. It did legalize euthanasia more than a decade ago. It is now considering  extending that law to children and to people with dementia. How do you see that? 
R. (Véronique HIVON, alors ministre, avocate de profession) Well, it's their own debate. In Quebec I think we are doing a very important advance with this bill. But it is restricted for people of full age and who have their full capability of conscent. But of course many people told us that people who become uncapable should be able to ask it in advance. And of course this is a very serious issue and I think it needs further consideration, but for this bill, to keep the consensus and to go forth, I think it was important to make this first important step.(3)
Pour accès à l'extrait AUDIO de l'ex-ministre Véronique HIVON
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Déplacez le curseur vers 18:15 soit 18 min. 15 s.

NOTE : L'extrait audio a été  retiré des archives de CBC mais l'image et l'adresse du lien sont conservés  ici pour attester que l'interview a bien eu lieu.
1.  Exemples de non-acharnement thérapeutique: débrancher un malade maintenu artificiellement en vie d'un respirateur et accompagner médicalement son départ. /  Ne pas réanimer une personne âgée, en arrêt cardiaque, etc.

2.  L’euthanasie – La vérité, les faits, les chiffres  - COMMUNIQUÉ (lundi 23 décembre 2013) http://yapasdpresse.blogspot.ca/2013/12/leuthanasie-la-verite-les-faits-les.htm

3.  Véronique Hivon on Medically Assisted Dying. The Current. CBC, 29 janvier 2014

Traduction:
Q.  «Vous mentionnez la Belgique. Elle est allée de l'avant avec la légalisation de l'euthanasie il y a plus d'une décennie. Elle considère maintenant [chose faite en février 2014, le mois suivant l'entrevue] étendre cette loi aux enfants et aux gens atteints de démence. Comment voyez-vous cela?» 
R.  «Bien, c'est [l'état de] leur débat à eux. Au Québec, je pense que nous faisons une grande avancée avec cette loi. Mais son application se limite aux gens ayant l'âge pour décider et ayant leur pleine capacité de consentement. Mais évidemment, plusieurs personnes nous ont dit que les gens qui deviennent inaptes devraient avoir la possibilité de faire leur demande à l'avance. Et évidemment, c'est un enjeu très important et je pense qu'il requière d'être pris en considération, mais pour ce projet de loi, pour garder un consensus et aller de l'avant, je pense qu'il était important de faire ce premier pas important
[commentaire ajouté entre crochets]

Voilà pour les balises et effectivement, la pente glissante à venir.