samedi 8 septembre 2012

L'analyste politique Jean Lapierre obtient gain de cause

8  septembre 2012. DIFFAMATION RECONNUE POUR UN ÉCRIT D'UN DIRECTEUR DES ÉMISSIONS D'AFFAIRES PUBLIQUES DE RADIO-CANADA (SRC / CBC) en septembre 2011

C'est le but de ce billet. Faire la job de réparation que la SRC (Radio-Cadenas Radio-Canada) ne fera pas. 
L'analyste politique Jean Lapierre a obtenu gain de cause partiel, sauf sur le montant obtenu en dédommagement symbolique, un an après une diffusion sur les réseaux sociaux, d'un commentaire de l'ex-directeur des émissions d'affaires publiques à Radio-Canada (SRC), Pierre Sormany. Mais qui assumera les frais? Serait-il déraisonnable d'impliquer la responsabilité des cadres supérieurs des sociétés d'état, à hauteur de 5, 10 ou 15% de la facture, dans les cas où ils sont effectivement condamnés pour diffamation? Il demeure bien des cas où ce sont les contribuables qui assument la facture (dernière modification 27 septembre 2012)

Ce dernier avait publié des déclarations, dit-il par mégarde, sur une page publique de Facebook, alléguant que Jean Lapierre avait des relations d'affaires avec le controversé personnage du secteur de la construction, Antonio Accurso (Tony Accurso), son "ami". Ce dernier est lié au financement de partis politiques et à des activités de Lobbying par moment contestées, y inclus des soupçons d'usage d'influence auprès d'un certain milieu syndical, en vue de favoritisme au niveau des contrats publics en construction. Tout le monde au Québec a par exemple entendu parler du bateau d'Accurso (un yacht luxueux) qui fait maintenant partie de l'imaginaire du québécois moyennement informé. Dans ce contexte particulier, l'écrit de M. Sormany portait une toute autre charge éthique contre la crédibilité de Lapierre.


Jean Lapierre, analyste  politique bien connu
sur les plate-formes TVA, LCN, et au FM 98,5
de Montréa.
Crédits photo : Agence QMI (canoe.ca)
Et je doute encore personnellement de la défense adoptée, du doigt qui aurait appuyé trop vite sur la fonction envoyer le commentaire dans la section publique de Facebook. Ce doigt pourrait avoir eu beaucoup de plaisir, sans prévoir toutefois le tollé qui serait levé, sur la base de la cote populaire dont jouissait le commentateur politique attaqué. Si Lapierre avait été un mal aimé du public, il serait cuit deux fois (biscuit); fin de sa carrière publique en septembre 2011, et ç'aurait été confirmé en septembre 2012. 

La Presse et Canoe.ca nous résument l'histoire selon laquelle l'analyste n'a pas obtenu la pleine compensation demandée, sur la base que M. Sormany n'avait pas agi de façon intentionnelle, croyant écrire en privé à une collègue, via Facebook (hum!).

Premièrement, un directeur des émissions d'affaires publiques (pas aux archives d'avant 1990!) d'une société d'État milliardaire qui ne sait pas faire la différence entre un commentaire public et un commentaire privé sur Facebook n'était vraiment pas à sa place à ce poste. C'est réglé sous cet aspect, M. Sormany n'occupant plus cette fonction, ayant dit-on,  pris sa retraite. Question : avec ou sans compensation particulière?

Deuxièmement, une question s'impose sur les conséquences non seulement de ce cas précis, mais de toute affaire semblable, impliquant l'éthique professionnelle des cadres supérieures de nos sociétés d'État. Comme ici pour l'ex-directeur des émissions d'affaires publiques à Radio-Canada (SRC). La question est la suivante:

Qui paiera les 22,000 dollars de frais de la condamnation contre un représentant de la SRC?

Pierre Sormany, ex-directeur des émissions
d'affaires publiques à Radio-Canada.
Crédits photo : Agence QMI (canoe.ca)
Selon des informations diffusées notamment sur Canoe.ca, suite à une décision de la Cour supérieure, c'est Pierre Sormany lui-même qui devra assumer les frais, réduits toutefois à 22,000 dollars. Il s'en tire à bon compte, si l'on considère le point suivant: 






L'effet réel sur la perception publique envers Jean Lapierre

Si le jugement a statué que l'analyste politique n'avait subi aucune atteinte à sa réputation et à son honneur, la conclusion est loin d'être aussi simple à mon sens. Personnellement, depuis cette affaire très médiatisée au Québec, j'ai souvent écouté l'homme public avec beaucoup plus de réserves et de scepticisme. Était-il vraiment encore crédible et raisonnablement libre de tout lien douteux, comme analyste et vulgarisateur politique? Cette question me revenait à chacune de ses interventions publiques. Et il apparaît que je ne sois pas le seul, car sa fonction n'est pas d'être un homme d'affaires vendant des portes et fenêtres OU des armoires de cuisine.

Paul Arcand, du milieu des médias en tout cas, a vu les choses de la même façon en 2011:

«Mon intention était de congédier Jean Lapierre si c'était vrai.» -Paul Arcand, 26 juin 2012, au Palais de justice de Montréal  (2)

Lapierre pratique en tant qu'analyste politique. Donc, ses relations professionnelles et contractuelles ont un impact majeur sur son intégrité et de là, sur sa capacité même, à livrer une analyse raisonnablement non liée par des contrats amenant une apparence de conflit d'intérêts (ex. liens entre l'argent, le politique et le syndical). S'il n'avait pas poursuivi l'ex-directeur au civil, j'aurais été porté à croire qu'il était coupable des allégations minant sa crédibilité de commentateur politique sur diverses plate-formes et dans les médias. 

Monsieur Lapierre s'est dit satisfait, selon La Presse, que sa réputation ne soit plus entachée:

Même si le tribunal ne lui accorde qu'une fraction de ce qu'il réclamait, l'animateur est satisfait. «Je suis soulagé que ce soit réglé, a-t-il déclaré. C'est une leçon qui montre qu'on ne peut pas écrire n'importe quoi sur les réseaux sociaux. Pour moi, c'était important parce que ce qui avait été dit était faux.» (3)

Encore faudrait-il que le jugement ait le même rayonnement public que les allégations. C'est rarement le cas. C'est le but de ce billet. Faire la job que la SRC (Radio-CadenasCanada) ne fera pas.


Responsabiliser les cadres supérieurs de nos sociétés d'État

Une chose demeure pour les causes semblables en diffamation (réputation et honneur) impliquant des cadres supérieurs de nos sociétés d'État. Il faudrait repenser à un moyen de partiellement impliquer financièrement les cadres supérieurs de l'État, pour que l'employeur public (nous les contribuables) n'assume pas seul la responsabilité de son employé (scénario habituel) dans ces poursuites sur des affaires de réputation et d'honneur. Serait-il déraisonnable de les impliquer au niveau de 5 ou 10 ou 15% de la facture, dans les cas où ils sont effectivement condamnés pour diffamation? Il demeure bien des cas où ce sont les contribuables qui assument la facture.

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1.  Gabrielle DUCHAINE. Victoire partielle de Jean Lapierre. La Presse.ca, 7 septembre 2012
http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/201209/07/01-4571976-victoire-partielle-de-jean-lapierre.php
lien consulté le samedi 8 septembre.

2.  Les News. «Mon intention était de congédier Jean Lapierre si c'était vrai.» -Paul Arcand. Les News, 27 juin 2012.  Lien consulté le 8 septembre 2012.
http://lesnews.ca/politique/17978-%C2%ABmon-intention-etait-de-congedier-lapierre-si-cetait-vrai-%C2%BB-paul-arcand/

3.  Gabrielle DUCHAINE. Même référence, Victoire partielle de Jean Lapierre. La Presse.ca, 7 septembre 2012