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le caricaturiste André-
Philippe Côté 2005
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Il reste quelques rares forme d'exploitation humaine à décriminaliser (la plupart le sont ou sont en voie de l'être), et c'est, en plus de l'euthanasie et des drogues, la prostitution. L'animateur Hugo Langlois, du FM 93,3 (la radio souvent qualifiée à tort de "poubelle") a reçu Mme Rose Dufour, anthropologue et intervenante sociale auprès des femmes prostituées (La Maison de Marthe).
Rose Dufour a une voix tremblante qui trahit le fait qu'elle ne cesse de repousser la retraite. C'est suite à une recherche en anthropologie sur les causes de la prostitution chez les femmes, qu'elle a ressenti une responsabilité (appel?, vocation?) pour aider les femmes aux prises avec la prostitution. Les centaines de femmes que l'intervenantes a rencontrées veulent sortir de ce milieu et n'y sont pas entrées par choix. Elles ne décrivent pas cette "activité" avec les clichés habituels de l'étudiante en droit qui paie ses "études". Dans les faits, les filles et femmes prostituées paient plutôt leur consommation de drogue et sont souvent sous l'exploitation d'un homme. Plusieurs sont entrées dans la prostitution aussi tôt qu'à l'âge de 12 ans, 13 ou 14 ans, suite à une enfance ou une adolescence volée par l'abus sexuel. Environ 40% des femmes, ou 4 sur 10 rencontrées, ont commencé à se prostituer lorsqu'elles étaient mineures, selon les données de l'anthropologue. Parfois même aussi jeunes que 12 ans.
POUR ÉCOUTER le podcast de l'entrevue en direct
L'entrevue débute à 2:00 ( 2 min. 00s) du début du podcast.
Quelques notes sur l'exposé
Le jugement porté en Ontario (Canada) qui donne raison aux proxénètes, constitue un recul de la condition féminine et une immense déception, pour celle qui a rencontré des centaines de femmes qui veulent s'en sortir. La prostitution est très différente de l'image véhiculée par l'industrie du sexe et de la porno au cours des dernières années. C'est l'illusion qui nous inonde médiatiquement; par exemple, l'image de la prostituée de luxe heureuse, qui ferait 1000$ par client et se verrait comme une entrepreneure épanouie.
Dans la vraie vie, les maisons closes protègent surtout les proxénètes. Les femmes n'entrent pas dans la prostitution par choix "professionnel", mais au contraire par un historique de problèmes qui commencent souvent dès leur enfance. Elles espèrent s'en sortir, même si le chemin est difficile et demande beaucoup d'accompagnement, y compris en raison des drogues (alcool inclus).
1) les femmes y entrent généralement par un historique d'abus dans l'enfance ou l'adolescence, par exemple, l'inceste et la pédophilie et dans certains cas aussi, y étant introduite par le modèle d'une mère prostituée ou par les pressions d'un homme; mari ou proxénète. On promet aux jeunes filles repérées dans la rue, la richesse, pour un minimum de travail (discours et cadeaux des gangs de rue). Dans la rue, elles sont recueillies et attendues par les proxénètes qui vont jouer le rôle de "sauveur" (en apparence, au début).
2) La toxicomanie constitue souvent la seconde principale porte d'entrée de la prostitution, sinon pour se prostituer; du moins pour s'en rendre capable. Il faut payer la drogue, et se droguer pour trouver la force de continuer à se prostituer.
Le problème, du côté de la demande masculine est souvent en ces années, relié à l'industrie du sexe et la pornographie.
Mais l'innovation d'autres pays, même celui des "Suédoises" d'une certaine réputation surfaite par l'industrie des films porno des années 1970, va davantage dans la direction de l'abolition de la prostitution. Les pays comme la Suède, la Norvège et l'Islande, vont dans le sens inverse des pressions des lobbys du sexe et de la porno au Québec et au Canada. Les jeunes libéraux travaillent-ils sur ce dossier aussi?
«L'innovation sociale ne va pas du côté d'augmenter la prostitution (...) un phénomène ancien, un phénomène archaïque qui est maintenant dépassé. L'innovation va du côté de l'abolition de la prostitution. Cela peut peut-être vous surprendre, mais les pays scandinaves sont rendus beaucoup plus loin que nous autres. La Suède a aboli par des lois la prostitution en 1999. La Norvège a suivi en 2008. L'Islande en 2009» (1).
Mais ce n'est pas là l'argument principal, car il se trouvera toujours quelqu'un pour argumenter en cherchant des pays qui prennent l'orientation qu'on veut bien valoriser comme société. Mais ce picolage législatif outrepasse souvent une réalité sociale beaucoup plus dure et plus envahissante.
«Si on décriminalise la prostitution, cela veut dire que votre fille et votre soeur, votre mère, votre conjointe, est susceptible de se prostituer et on la voit comme potentiellement prostituable. Il n'existe pas une sous-catégorie d'humains ou de femmes qui sont prostituables et les autres ne le sont pas. Alors c'est un enjeu social extrêmement important. Et ce n'est pas un problème de femmes. C'est un problème politique. C'est un problème social» (2).
On peut imaginer tout le harcèlement direct ou subtil qui peut en découler. L'animateur Hugo Langlois témoigne ailleurs dans la plage horaire de son émission, avoir vu dans l'un de ces pays ouverts à la prostitution, des femmes qui se vendent dans des vitrines sur la rue commerciale, comme dans nos vitrines de "pet shop" (nos animaux en animalerie).
On peut lire sur le site web :
«La Maison de Marthe définit la prostitution comme une condition de survie pour les femmes qui y basculent. La prostitution n'est pas le plus vieux métier des femmes. C'est le plus vieux mensonge du monde, la pire et la plus vieille oppression des femmes. Le plus vieux métier des femmes est celui de sage-femme qui consiste à aider ses soeurs et ses filles à accoucher. Les femmes sont des donneuses de vie».
L'entrevue traite surtout du problème sous l'angle des femmes, car l'intervenante travaille avec celles-ci. Mais évidemment, le fléau existe chez les jeunes hommes et adolescents aussi. Ce que l'on retient, c'est que le problème va bien au-delà de la protection physique de la prostituée contre les violeurs et violents. Il y va de retrouver sa véritable nature, sa vraie identité, comme en témoigne aussi la page d'accueil de La Maison de Marthe que dirige Rose Dufour. Les femmes normales ne sont pas heureuses de se prostituer. L'oeuvre en passant, est en campagne de financement (levée de fonds).
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1. Rose Dufour, Directrice de La Maison de Marthe, entrevue à l'émission Liberté d'opinion, FM 93,3 de Québec, mardi 27 mars 2012
2. Même référence. En Islande, on s'attaque aussi aux bars de danseuse en raison de la sollicitation engendrée par cette activité (marketing = créer le besoin).