vendredi 23 mars 2012

Mourir dans la dignité au Québec: dépôt du rapport de la Commission spéciale

23 MARS 2012.

Demander la mort et l'obtenir équivaut pratiquement à un suicide assisté. La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité au Québec, conclut non seulement à l'aide médicale à mourir, dans le cas de dégénérescence physique grave, mais ne ferme pas la porte pour un futur proche, selon une évolution de la loi prévisible, à l'assistance pour mettre fin à la souffrance émotive ou psychologique, ou encore à des maladies qui permettent de vivre encore plusieurs années dans  l'angoisse (la peur) de la mort ou du déclin physique lent. 


La partie du débat concernant le suicide direct assisté, pour ces personnes, reste à regarder par les spécialistes, selon eux. Divisés sur le sujet, ils se sont concentrés pour le premier projet de loi, sur la fin de vie pour parvenir à un rapport unanime. C'est un verdict de départ, de type populaire, satisfaisant tous ceux qui ont peur de la mort et de la souffrance, ce qui est normal, mais qui ignorent les dérapages réels et attestés dans d'autres pays. Mais l'on s'aperçoit vite (fait inévitable) que le terme «fin de vie» peut avoir une définition bien élastique. (dernière modification: 28 avril 2014)


Stephen Hawking, astrophysicien
de renommée mondiale (crédits photo:
la NASA, 1999) 
Comme cela a été le cas dans l'Histoire, les sociétés qui ont atteint à la vie humaine ont souvent redéfini les termes. Euthanasie et suicide assisté, sont des mots qui peuvent choquer. La Commission a préféré se concentrer sur le concept édulcoré «aide médicale à mourir» et sur «soins de fin de vie». Signez ici S.V.P.  Merci et bon voyage! Si possible, dites-nous comment c'est de l'autre côté.

(...) J'ai parcouru  la transcription de la présentation du rapport en conférence de presse.
Une scène digne du Dernier Souper. La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité De gauche à droite : M. Germain Chevarie, Mme Noëlla Champagne, Mme Véronique Hivon, M. Pierre Reid, Mme Maryse Gaudreault, Mme Francine Charbonneau, Mme Monique Richard, M. Benoit Charette et M. Amir Khadir. 


Un rapport sous l'angle de la personne qui n'a pas parcouru le chemin, lequel semble souvent pire

Les membres de la Commission spéciale se sont donc concentrés sur l'aide médicale à mourir, en fin de vie. La Commission semble avoir malheureusement posé la solution et les recommandations, sous l'angle de la personne qui ne connaît pas le chemin. On a tous entendu parler du cas type d'une femme qui n'a pas eu d'enfants et qui craint la grossesse, puis l'accouchement et qui en plus, croit qu'elle ne pourra jamais être une bonne mère. Cela me rappelle mes derniers prélèvements sanguins pour des examens de santé. L'infirmière d'une clinique privée, sérieuse, sort la chose et me dit : «Ça va faire mal, désolée!». Je regarde ailleurs et m'attends à une sensation de métal sur un os ou piqué dans un tendon. Puis, presque rien. Un pincement moindre que celui fait par un enfant. «Ce n'est que ça», me dis-je. J'avais connu pire par une autre infirmière du milieu publique.


Comme si les rides futures rendraient indignes de parler, de se montrer; le vieillissement comme une lèpre post-moderne 



C'est comme un homme de 20 ans qui croit qu'il ne pourrait jamais vivre sans cheveux, mais qui les a perdus à 30 ans et est heureux et équilibré malgré tout, avec deux enfants sur ses genoux. Le chemin jamais traversé semble souvent pire qu'il n'est en réalité

Un rapport donc, sous l'angle de l'exception; les cas extrêmes donnent le ton


Donc, dans ces débats sur les grands enjeux éthiques, l'élite se sert normalement du pire des cas pour influencer le législateur; la personne avec les tripes sorties du corps et les membres retenus par un lambeau de chair, qui supplie pour la mort; pour être endormie et quitter la douleur. Nul être sensé ne peut refuser, comme dans un film de guerre. Mais c'est l'exception. Souvenons-nous des débats pour la libéralisation de l'avortement subventionné au Canada, quelque soit le revenu et pratiqué sur simple demande. On s'était servi du «cas extrême» de la femme violée et enceinte. La solution s'applique aujourd'hui à un peu moins de 30,000 bébés en chemin, chaque année... de la poubelle, seulement pour le territoire du Québec. Inutile de vous dire qu'il n'y a pas ce nombre d'agressions sexuelles "avec grossesse" au Québec. Et une bonne partie de ces gens auraient les revenus pour assumer les coûts de l'acte dit "médical" (un soin, vraiment?).

(...)

Même les journalistes présents à la conférence presse, peinaient en effet à distinguer entre le suicide assisté (terme non utilisé directement dans le rapport), l'euthanasie et l'aide à mourir dans un contexte de soins médicaux en fin de vie. Imaginez la confusion chez la population sondée dans le contexte d'un accompagnement médical. Cette population ne se réfère pas aux dérives historiques, comme dans certains pays, mais uniquement sur une perception personnalisée; à une anticipation de la douleur.
«Cette évolution des valeurs se traduit dans les sondages d'opinion qui, depuis 20 ans, indiquent un appui constant, fortement majoritaire, à l'idée d'une aide médicale à mourir, ce qui est d'ailleurs corroboré par notre consultation en ligne qui, bien que n'ayant pas de prétention scientifique, a recueilli un nombre sans précédant de réponses, 6 600, et a révélé un appui de 74 % à une telle ouverture.» (1)
Mais le commun des mortels, expression on ne peut plus en contexte ici, n'a pas la compréhension des termes que même des professionnels de la santé et des journalistes informés sont encore à assimiler. Pour illustrer la complexité technique et les enjeux:
«Devant des sujets aussi complexes et des termes aussi techniques, nous avons d'abord exploré les différents aspects entourant notre mandat avec 32 experts provenant des disciplines de la médecine, du droit, de l'éthique, de la psychologie, de la sociologie et de la philosophie» (2).
La Commission a d'ailleurs noté que même des médecins pensaient que l'euthanasie était déjà pratiquée au Québec, vu qu'en lieu et place de soins palliatifs, les traitements (ex. morphine) semblaient effectivement accélérer la mort des patients, d'une manière proche de l'euthanasie. On a d'ailleurs souvent entendu au cours du débat social, pour influencer notre position populaire (sondages), que l'euthanasie était déjà pratiquée d'une manière non officielle. Même les médecins s'y confondent:
«Nous recommandons aussi d'achever rapidement la mise en oeuvre de la Politique sur les soins palliatifs de fin de vie du ministère de la Santé et des Services sociaux, condition sine qua non à l'amélioration de la qualité des soins en fin de vie. Cette politique demeure pertinente mais est malheureusement encore loin d'être complètement appliquée. Nous recommandons de dispenser aussi une formation plus adéquate sur les soins palliatifs à tous les intervenants du réseau de la santé. En effet, on nous a dit que la formation comporte des lacunes, et que la culture animant les soins palliatifs est méconnue de plusieurs professionnels de la santé. Nous recommandons de plus de reconnaître formellement, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le droit de toute personne dont la condition le requiert à des soins palliatifs. Cette loi doit reconnaître aussi l'obligation pour tout établissement de santé qui donne des soins à des personnes en fin de vie - pardon - de prévoir, dans son offre de services, la mise sur pied de soins palliatifsQuant au soulagement de la douleur par l'administration d'un sédatif rendant inconscient, ce qu'on appelle, dans le jargon médical, la sédation palliative, nous avons découvert que l'encadrement de cette pratique varie d'un établissement à l'autre. En effet, dans certains milieux, cette pratique est balisée rigoureusement, mais, dans d'autres, l'encadrement semble plus faible. Aussi, cette pratique de la sédation palliative, surtout la sédation continue qui se prolonge jusqu'à la mort du malade, soulève des questionnements au sein du corps médical. Pour certains, elle est une proximité de la pratique de l'euthanasie. Pour pallier à cette situation, nous recommandons qu'un guide d'exercice et de normes déontologiques soit élaboré pour encadrer rigoureusement la sédation palliative partout où elle est pratiquée» (3).
On comprend donc,
1) que d'une part, l'aide à mourir est en bien des endroits pratiquée, en lieu et place des soins palliatifs. L'avantage des soins palliatifs est de garder le patient conscient et capable de communiquer avec ses proches, tout en atténuant sa souffrance. On peut penser facilement à plus de confusion dans les petits hôpitaux régionaux avec moins de spécialistes. La méconnaissance de l'approche particulière de la culture des soins palliatifs (décision au jour le jour, garder le patient conscient, permettre un cheminement au rythme du patient, etc.) est effectivement un phénomène connu des spécialistes du domaine. Il est dû à une mauvaise utilisation de la médication palliative (ex. injection de morphine en trop fortes doses) et  soulevé au cours des derniers mois de débats, par des médecins spécialisés en soins palliatifs. C'est au point que la Commission a souligné le besoin de formation des médecins pour se familiariser avec les soins palliatifs.
2) que même des professionnels de la santé se confondent dans les pratiques.
Alors imaginez la population sondée, qui elle, à 74%, dit en réalité, ne pas vouloir souffrir ou voir souffrir, en fin de vie. Pouvait-on réellement s'attendre à des résultats différents. Ce que le patient entend dans ce genre de sondage, c'est «voulez-vous mourir sans souffrir, ou voir un proche mourir sans souffrir?» La réponse des moins informés est évidemment oui. Mais la personne sondée et non malade,
-  ne sait pas ce qu'elle pensera dans 5 ou 10 ans, lorsqu'elle aura des petits enfants.
-  se fait une idée de la tolérance à la souffrance qui peut être fausse, et qui est différente chez l'un et l'autre et même évolue au quotidien.
-  ne sait pas la différence entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir
-  ne pense pas aux dérives réelles et aux cas qui ne passent pas dans les "statistiques"  officielles, dans les pays qui pratiquent déjà l'euthanasie.

Des représentants de la Commission se sont rendus à l'étranger. Mais comme pour une visite d'entreprise, pouvait-on sincèrement s'attendre à voir ces pays soulever les cas non documentés, ou les fautes potentielles. Si vous visitez une usine alimentaire, on ne vous dira pas qu'on enquête pour identifier des syndiqués qui crachent dans la soupe. Ces voyages constituent une approche bien naïve, proche de la Croix-Rouge qui visitait des camps de travail nazis (choisis par les spécialistes de communications du parti). Tout semblait suivre la Convention de Genève (artistes au travail, nourriture suffisante, campement propre, etc.).

La position officielle proposée : 6 critères pour l'aide médicale à mourir dans les cas extrêmes
«C'est ce qui m'amène, en terminant, à présenter les critères et les balises strictes que nous recommandons et qui sont indissociables de toute ouverture à l'aide médicale à mourir. La question centrale est, bien sûr: Qui pourrait faire une demande d'aide médicale à mourir? Nous recommandons que la personne qui demande une telle aide réponde de manière concomitante aux six critères suivants: elle est résidente du Québec; elle est majeure et apte à consentir aux soins au regard de la loi; elle exprime elle-même, à la suite d'une prise de décision libre et éclairée, une demande d'aide médicale à mourir; elle est atteinte d'une maladie grave et incurable; sa situation médicale se caractérise par une déchéance avancée de ses capacités sans aucune perspective d'amélioration; elle éprouve finalement des souffrances physiques ou psychologiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables» (4). 

La position officieuse ouverte : une "fin de vie" à définition très variable et une souffrance psychologique qui pourrait ouvrir la porte au suicide assisté sur demande

S'ils se sont théoriquement concentrés sur la fin de vie, les membres de la Commission ont toutefois reconnu que la notion fin de vie peut être à définition variable. On comprend entre les lignes, les pressions et demandes pour un suicide assisté et direct pour divers types de souffrances: mentales, détresse psychologique sans douleurs physiques, maladies dégénérescentes lentes mais sans grande souffrance physique (ex. perte de coordination), etc.

(Question de la salle)
«M. Lessard (Denis): M. Leblond est atteint de sclérose en plaques, il n'est pas nécessairement en fin de vie. On peut dire, bon, il peut continuer plusieurs années, on ne le sait pas. Mais on l'autoriserait à réclamer ça de son médecin?»
(Réponse) Mme Gaudreault: «S'il est en fin de vie... Vous savez, la fin de la vie, ça a été aussi... On a eu beaucoup de débats par rapport à comment on qualifie la fin de la vie. Alors, pour certaines personnes, c'est une question de jours, pour d'autres, ça peut être une question de mois, et d'autres peut-être même pour une question d'années, lorsqu'on parle des démences et des maladies comme l'Alzheimer. On parle d'une mort sociale et, ensuite, la mort médicale. Mais, dans le cas de M. Leblond, si, avec son médecin, il établissait qu'il répondait à tous les critères de façon concomitante, c'est vraiment au médecin de juger et de son deuxième avis de médecin de juger s'il est apte à obtenir une aide médicale à mourir» (5).

Voilà, c'est dit. Impossible d'éviter la pente. Les membres de la Commission se sont heurtés à des concepts comme la «mort sociale», la dépression, l'anxiété face à une maladie évolutive... «Que celui qui a des oreilles pour entrendre, entende». On peut penser pou un horizon proche (ex. dans 10 ans) à l'euthanasie d'autistes, de schizophrènes, de personnes atteintes de l'Alzheimer, ou de divers malades mentaux sans famille. Il y a aussi le réalité observée dans certains États, des cas qui n'entreront pas dans les statistiques, parce qu'il n'y aura aucune famille pour en témoigner et ce, même si la personne ne pouvait pas signer un consentement éclairé. Cela se fait déjà en quelques endroits. Mais ce ne sont pas ces chiffres que ces pays exposent à ceux qui veulent adopter euthanasie.

Voici la lecture qu'en fait un anthropologue et auteur de la région de Québec:
«Non, si vous écoutez les nouvelles, ce n'est pas un bon-jour à vrai dire au Québec aujourd'hui. On veut ouvrir la porte à l'euthanasie. On oublie qu’avant de mettre en branle la Solution Finale et d’exterminer les Juifs, les nazis allemands ont démarré le programme moins connu appelé T4. Et les premiers éliminés par ce programme d’euthanasie furent justement les mêmes qui sont visés par le discours actuel de la compassion postmoderne, soit les handicapés physiques et mentaux, tous ceux que l'on estimait dépendants, faibles, marginaux, improductifs ou sans pouvoir. La majorité de ces morts [...] ils étaient Allemands ordinaires. Les documents administratifs nazis indiquent que ce régime accorda la «grâce de la mort» à 70 000 individus, mais d’autres estiment que 200 000 adultes et enfants mal formés, débiles ou incurables furent éliminés» (Paul Gosselin, anthropologue et auteur, St-Augustin-de-Desmaures).

Sur les effets de l'euthanasie à l'étranger, voir aussi:

Euthanasie : balises et dérives

http://yapasdpresse.blogspot.ca/search?q=euthanasie 

LIRE AUSSI, témoignage d'une personne  malade qui réclame les soins palliatifs (en France)

Crier aux médecins qui ne savent pas entrendre que nous n'en pouvons plus

(Marie-Odile Clergue, trouvé sur le site Collectif Plus digne la Vie - http://plusdignelavie.com/)

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1.  Conférence de presse de Mme Maryse Gaudreault, présidente de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et de Mme Véronique Hivon, vice-présidente de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Explications concernant les 24 recommandations contenues dans le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Jeudi, 22 mars 2012.

2.  Même référence (http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-8599.html)

3.  Même référence

4.  Même référence

5.  Même référence