samedi 21 janvier 2012

Régimes de retraites : Fallait que nous y "pension"

Il se dit et s'écrit beaucoup de choses sur les fonds de retraite des travailleurs syndiqués ces jours-ci. Des employés du Québec (province) sans fonds de pension (non-cotisants) comparent leurs revenus anticipés à la retraite, avec ceux des employés avec contribution obligatoire avec prélèvement importants à la source sur salaire. Ces derniers, eux, contribuent souvent à près de 10% de leur revenu en prévision de leur retraite (c'est 5,000$ sur 50,000$).


Fermetures de grandes entreprises privées et déficits des états et des villes sont autant d'occasion de tenter de ne pas respecter les régimes de retraites des employés alors que ceux-ci y ont largement contribué sans avoir le choix ou droit de regard direct (individuel) sur le porte-feuille de placement.

Les cotisants à un régime de pension des employés du secteur public d'un grand centre urbain donnent par exemple un prélèvement à la source, sur salaire brut, de l'ordre de 10%:
  • cotisation du travailleur de 4,000$ par année sur un revenu de 40,000; soit environ 75$ par semaine
  • ou cotisation du travailleur de 105$ par semaine pour un revenu de 55,000$, 
  • etc.
C'est une donnée certainement importante dont les médias ne tiennent pas compte, ce qui a pour effet de fausser tout le débat. Cela porte un nom: désinformation, démagogie pour les employeurs du secteur public. Et ceci, tout en continuant de contribuer au régime public selon la formule "universelle" (on paie pour tous ou la formule socialiste) comme le RRQ ou autre selon la région administrative du Canada.

Donc, la prochaine fois que vous comparez les chiffres, n'oubliez pas ce détail important. Contribuez-vous pour 10 pourcent de votre salaire brut (avant impôt) en prévision de votre retraite? Sinon, commencez par là dès votre entrée sur le marché du travail.

Secundo, lorsque vous acceptez de travailler pour une entreprise (emploi non syndiqué), informez-vous sur ses programmes et avantages sociaux.

Troisièmement, si vous n'avez pas complété des études supérieures (post-secondaires) ou une formation spécialisée (ex. électricien, soudeur, mécano, etc.), alors ne vous comparez pas à ceux qui l'ont fait. Comparez vos conditions à ceux qui n'ont ni emploi spécialisé, ni formation post-secondaire. Ou mieux encore, bonifiez vos compétences au fil des ans (ex. formation continue). Puis renégociez vos conditions de travail.

Quatrièmement, pour ce qui est des employés municipaux, certaines villes N'ONT PAS contribué aux régimes de retraite des employés durant plusieurs années. Les conditions négociées des travailleurs durant ces années, font partie d'un "package" (d'un ensemble), où ils concèdent par la force d'un côté (ex. congés de paiement de la part de l'employeur au régime de retraite) et reçoivent de l'autre (ex. bonification de la contribution de l'employeur, à plus de 50% les années où il contribue au régime de retraite). Cela s'appelle pour eux, négocier et faire des compromis de part et d'autre. Mais si l'employeur du secteur public qui a pris des années de "congé" annule les avantages compensatoires négociés, il y a là un sérieux problème d'éthique publique. Même au privé, une entreprise qui coupe sur les régimes de retraite des années antérieures (contributions déjà faites et rendements déjà connus) pour compenser des pertes, une mauvaise gestion ou en vue d'un meilleur profit, devrait être poursuivie au civil par l'État et ses administrateurs mis personnellement à l'amende pour servir d'exemple.

C'est comme si vous concluez une entente avec un entrepreneur qui fait de la rénovation résidentielle. Vous vous entendez sur un prix global pour la toiture, le parement extérieur (murs extérieurs), le drain de fondation,  l'allée (entrée) asphaltée et la construction d'un abri d'auto permanent. Vous acceptez de donner les travaux à celui-ci malgré le prix supérieur à l'offre d'un concurrent, parce que l'entrepreneur retenu bonifie son offre d'un cabanon gratuit d'une valeur marchande de 4,000$. Mais voilà qu'une fois les travaux terminés, l'entrepreneur commence à "jouer du violon" et vous dit que les conditions ont changé et qu'il réduit son offre à une niche pour Fido, d'une valeur de 250$. Il explique que son carnet de commandes a diminué, que le marché va mal, que l'inflation du coût des matériaux et de l'essence (gazoline) l'a atteint sévèrement. Que feriez-vous? Vous lui diriez de respecter son contrat.

En plus, pour séduire l'opinion publique, ces "négociateurs" omettent de communiquer ce que représente en chiffres réels, la contrition des employés, autour de 10% du salaire brut (ex. 100 dollars par semaine sur un salaire brut (avant déductions) de 52,000$ par année.

Pendant ce temps, les travailleurs SANS AUCUN régime de retraite se comparent, mais oublient de tenir compte:
  • qu'ils devraient eux aussi contribuer à hauteur d'au moins 10 pourcent de leur salaire dès l'arrivée sur le marché du travail;
  • qu'ils devraient tenir compte des avantages sociaux lorsqu'ils soumettent leur candidature à une entreprise, ou y restent durant de longues années;
  • que beaucoup de travailleurs ont amélioré leurs conditions avec les années, parce qu'ils ne sont pas restés là où les avantages étaient médiocres ou inexistants. Ils y ont acquis de l'expérience puis après ont soit renégocié, ou se sont remis à la recherche d'un emploi avec de meilleures conditions et avantages sociaux. Vous n'obtiendrez pas davantage que ce que vous croyez que vous valez. Trop de mous veulent le meilleur mais n'ont pas pris un risque. Ils ne changeraient pas de ville pour améliorer leur situation et ils pleurent dans les médias. 
  • qu'il est stupide, qu'au Québec, on se met sur le marché du travail et s'embauche encore en 2012, sans une convention écrite avec l'employeur expliquant de façon minimale nos conditions de travail et avantages sociaux, et qu'on se retrouve alors avec des conditions floues et modifiables de façon unilatérale par l'employeur (promesses "sur la gueule" non tenues). Si vous acceptez n'importe quoi, c'est ce que vous aurez. Et ce n'est pas la faute des syndicats des secteurs publics et privés.

Ceci dit, là où il faut admettre ce que les citoyens remettent en question, c'est la garantie du rendement (compensation des déficits) des régimes de pension publics, alors que les employeurs du secteur de public n'ont pas de pouvoirs directs sur l'économie de marché (ex. les rendements en bourse). Par contre, si l'on entend corriger la situation, il faudrait alors comptabiliser les années de non-paiement de l'employeur. Durant les bonnes années, l'employeur prenait congé de paiement en s'appuyant sur la clause de rendement obligatoire qui était de sa responsabilité. Il ne peut pas moralement et légalement refiler les mauvaises années aux employées (rendement réel) sans rembourser ses congés de paiement autoproclamés. L'employeur ne peut donc pas pénaliser de façon rétroactive. Là où les employés des secteurs publics pourraient encore faire aussi un pas significatif, c'est sur l'âge de la retraite.

Il est inacceptable, évidemment, que le Québec au complet compense pour déficits des fonds de pension d'une ville; Montréal, comme cela se fait.

Lecture suggérée:

Nathalie ELGRABLY-LEVY. Les vieux ont le dos large. Institut économique de Montréal.
Aussi sur Le Journal de Montréal, p. 21. Le billet traite justement des régimes de retraites des travailleurs qui souffriraient d'une approche trop socialiste, selon l'auteure et économiste.

Michel HÉBERT. Ce qui est bon pour Montréal. Journal de Québec, samedi 21 janvier 2012, p. 16