mercredi 6 octobre 2010

Instruction publique au Québec : l'alcoolique qui veut garder sa femme de force

6 OCT. 2010. Dans le cadre de la semaine de l'enseignement public au Québec, on entend encore le même argumentaire contre l'école privée. Pourtant, les parents du privé paient encore 100% de leur quotepart en impôts, taxes et taxes scolaires publiques, même s'ils n'envoient pas leurs enfants au secteur public. Cette fois, l'attaque arrive du président de la Fédération autonome pour l'enseignement (FAE). Cette coalition de syndicats réclame la fin du financement partiel du privé subventionné, alors qu'il s'agit en fait d'un retour d'une partie seulement (pas la totalité) de la contribution des parents et contribuables pour l'éducation. Faut-il rappeler que le Gouvernement du Québec cherche actuellement des partenariats public-privé qui seraient avantageux pour l'État et l'apport des écoles privées partiellement subventionnées en est un qui a fait ses preuves. En grattant un peu plus loin, on découvre en fait une idéologie socialiste et exclusiviste où le mot "universel" ne veut pas dire diversifié mais "exclusif".


(LIRE AUSSI : L'École privée favorisée ? Voyons voir...)


D'abord, faut-il encore le rappeler, l'État ne fait pas de cadeau. Il retourne une partie seulement du montant qui a déjà été et qui est payé à l'État. Il s'agit donc d'une économie d'échelle pour le Gouvernement du Québec.

Le président de la FAE  y va d'une lancée philosophique, à l'effet que la fin du financement partiel du privé amènerait
«une école accessible, gratuite et universelle et qui favoriserait l'essor de la langue française au Québec» (Josiane Desjardins, Un meilleur financement pour le public est réclamé. Journal de Québec (Agence QMI), lundi 4 octobre 2010).  
Ma réaction : c'est un mauvais calcul à la fois stratégique et mathématique. Mathématique, car 100% à payer par le Gouvernement, c'est plus cher que 60%. Stratégique, car il faut penser que la majorité des écoles privées subventionnées n'auraient pas les reins assez solides pour survivre à une coupe additionnelle et que le retour des élèves, enseignants et infrastructures (ex. édifices) au public n'injecterait pas d'argent neuf dans le réseau éducatif, les parents y contribuant déjà.

À Rimouski, dans l'Est du Québec vers la fin de la décennie 1990, l'École Claire-L'Heureux-Dubé, seule école privée secondaire qui constituait une richesse pour le milieu a été fermée suite à une précédente diminution de la contribution gouvernementale. Pourtant, le secteur public ne s'en est pas pour autant trouvé révolutionné. En fait, notre milieu n'a perçu aucun changement, parce que les enfants ainsi réintégrés au public étaient dispersés dans diverses écoles secondaires et ... n'étaient pas tous des petits Einstein, contrairement au mythe anti-partenariat public-privé. Nous y résidions en ces années et avions aussi des amis dont les enfants y étaient inscrits. Dans les faits, le succès du privé dépend plus souvent de l'effort de l'étudiant que de la douance; efforts investis, même lorsque l'élève se prépare pour un test d'admission requis par certaines écoles privées.

De son côté, après la fermeture de la seule école privée de Rimouski, le Gouvernement devait soudainement pour tous les élèves perdant leur école, payer la totalité des frais de ces étudiants sans aucun apport additionnel de ces parents du privé. Pourquoi? Parce que les parents payant déjà (comme actuellement) leur quotepart à 100% en impôts et taxes destinés au Gouvernement et en taxes scolaires destinées aux commissions scolaires, il n'y avait pas d'argent neuf injecté PAR LES PARENTS en région. Belle économie dîtes-vous? Non, mais plutôt un calcul raté pour chaque école privée qui ferme ses portes. C'est un avertissement pour aujourd'hui.

Repassons quelques-unes des améliorations espérées :
  • On veut une école accessible, nous avons cela. Par défaut, à moins de faire le choix inverse, les enfants sont dirigés vers le système public. Tout le monde peut faire instruire ses enfants par le système public au Québec. 
  • On veut une éducation gratuite, nous avons cela aussi par la même voie que ce qui vient d'être décrit. À part l'achat du matériel de l'enfant, l'école est gratuite pour qui la veut gratuite. J'en ai moi-même bénéficié, même si je devais parfois passer en mode furtif, ou bluffer, pour survivre dans la relative "violence" tolérée dans ce système. Il n'y avait pas de privé dans la ville où j'étudiais au primaire et secondaire. Donc, impossible pour la FAE d'en imputer la faute au prélèvement des "meilleurs" éléments par le privé. Et il y avait une école pour les cas plus lents ou plus "lourds" (les bons nounours et les killers).
L'école privée allège donc le fardeau du public, car au lieu d'y réinjecter 100%, le Gouvernement du Québec y retourne une part moindre du financement, que ce qu'il a reçu des parents et autres contribuables. Donc, si plusieurs écoles privées devaient fermer suite à de nouvelles coupes (comme ce fût le cas à Rimouski) parce que plusieurs parents de la classe moyenne n'auraient plus l'argent pour y inscrire leurs enfants, ce n'est pas une économie pour le budget de l'éducation qui en résulterait, mais exactement le contraire. La commission scolaire de l'endroit, quant à elle, n'avait même pas les fonds pour gérer les infrastructures additionnelles. Rimouski se retrouvait donc avec une école presque neuve (rénovée) et laissée vide. Si la commission récupérait cet édifice, elle devait se départir d'un autre (par exemple).

C'est mathématique et le risque de telles bourdes demeure bien réel, car plusieurs familles des élèves du privé au Québec, sont issues de la classe moyenne de parents qui font des choix de priorités pour envoyer leurs enfants dans le système privé.

Ainsi, selon des chiffres publiés plus tôt cette année, une majorité des familles requérant les services de l'instruction privée ne sont pas des riches. Par exemple,
1) Les deux tiers des parents recourant au privé au Québec, ont un revenu familial inférieur à 80,000 dollars par année,
2) 40% (4 sur 10) ont même un revenu familial de moins de 60,000 dollars par année!

  • On veut encore une école universelle. Mais alors qu'universel peut être un mot si riche, ils lui donnent le sens d'un néologisme, "exclusif"; lire : on veut un système unique imposé à tous par la contrainte financière ou autre, si nécessaire. Autrement dit, alors que la diversité crée habituellement la richesse culturelle d'une communauté, on y va d'une lancée idéologique totalement à l'opposé; une déclaration d'intention de politique socialiste, imposée par la force.
Quand avons-nous voté pour un État socialiste et hyper-interventionniste où tout le monde doit passer par la même porte? Jamais! 

À l'heure où l'on cherche à créer des PPP (partenariats public-privé) qui ne veulent pas lever ou qui sont loins d'être garants d'économie (le risque étant = privatisation des profits et étatisation des dépenses), nous voulons en démembrer un qui fonctionne et qui assure une économie à l'État qui ne retourne qu'environ 60 pourcent au privé contre 100% au public. Car c'est un bien fragile équilibre (comme dans l'exemple de la seule école privée de Rimouski aujourd'hui fermée). La raison? Le territoire du Québec n'est pas comme les riches villes américaines. Ne cherchez pas à comprendre la logique de leur discours, il n'y en a pas. 
  • On veut enfin l'essor de la langue française. Nul n'est contre la vertu. Mais qui a dit que la solution passe par une ponction qui tuerait pratiquement tout le système privé? Personnellement, j'aimerais mieux être un assimilé libre, plutôt qu'un natif captif. 
  • Et qui a dit qu'un bilingue perd sa culture? Lorsque je travaillais en excavation, j'ai fait la connaissance d'un immigrant qui a connu la Deuxième Guerre mondiale. Il résidait dans une rue où nous faisions la réfection complète des infrastructures municipales d'aqueduc, égouts et voirie. Il m'a raconté certaines annecdotes, mais il m'a aussi dit qu'il parlait deux langues couramment et deux autres suffisamment pour voyager. Et pourtant, seule la guerre (pas le multilinguisme) lui a fait fuire sa culture.
    De mon côté, j'ai essayé d'apprendre l'anglais, mais je n'ai jamais pu le faire autant que désiré. Ayant perdu mes parents jeune, je n'avais pas l'argent pour une immersion en milieu anglophone. À 18 ans, je me suis retrouvé à devoir subvenir à mes propres besoins et sans moyens de payer le câble TV en plein coeur d'une région unilingue francophone. J'ai pu apprécier la gratuité de l'instruction publique, mais mon bilinguisme est de niveau proche de l'intermédiaire (intermerde-iaire). Foutu néo-socialisme franco et idéologique ! Nous n'avons pas eu de cours d'anglais digne de ce titre avant le secondaire..., et encore, c'était en dispensé en français avec accent sur l'écrit.

    Et l'on décrit le système québécois comme un modèle à exporter. Ce que je vois, seulement au niveau des emplois (et chez les entrepreneurs) de 2010, c'est que ceux qui embauchent ou développent un marché, cherchent souvent des bilingues ou des multilingues (ou pour eux-mêmes ces qualités). Mais pour notre néo-socialisme, il ne faudrait surtout pas que nos enfants maîtrisent deux langues (quel sacrilège?).

    C'est en réalité étouffant

    De plus en plus de gens le disent et on en parle même dans les pauses-café et aux heures de repas en milieu de travail : on en a assez du Gouver-maman (Gouvernement paternaliste ou matriarcal) qui s'oppose au choix et impose la voie unique lorsqu'il réinvestit ce que nous lui donnons en prélèvement sur nos salaires et en taxes diverses.

    Les commissions scolaires, les fédérations de ceci et de cela font pour leur part penser à un homme alcoolique qui veut obliger sa femme à demeurer avec lui. Il ne lui vient pas à l'idée que si elle devient un peu plus distante chaque jour, c'est qu'il a quelque chose à faire de son côté. Il risque de le faire par la force, s'il le faut. Le système public n'écoute pas et  boit sans cesse plus, plus d'argent, comme notre système de santé, alors que les listes pour obtenir des services s'allongent; exactement comme les files de gens qui attendaient pour acheter un modèle unique de chaussures dans les anciennes dictatures communistes ou socialistes.

    On nous dit que nous avons un système de santé universel et gratuit, mais c'est partiellement vrai. Les files d'attentes pour les chirurgies se calculent en mois, voire en années. L'État lorgne du côté de l'euthanasie pour désengorger le système. On nous fait payer par-dessus nos impôts de base, une contribution additionnelle lors de nos déclarations annuelles d'impôt. Mais ceux qui n'ont pas accès à un médecin de famille ne reçoivent aucun crédit d'impôt pour autant. Nous n'avons pas accès à la totalité des services, malgré l'investissement croissant d'argent dans le système de santé. Et on veut produire le même monstre avec notre système d'instruction publique. En réalité, c'est idéologique et non économique. Le vice est dans la structure et c'était prévisible dès les années 1960. Mais je n'ai pas le temps ici, de dire pourquoi.

    L'augmentation de la part du privé en éducation, occupant environ 12,5 % (chiffres de 2009) de part du privé pour l'instruction des enfants, constitue l'évidence d'un malaise au public. Et cela est d'autant plus vrai en considérant que la majorité de la clientèle du privé n'est pas la classe riche, mais la classe moyenne. Mais l'alcoolique qui boit de plus en plus et qui devient de plus en plus dysfonctionnel refuse de se réformer... Il tente de garder sa femme par la violence, s'il le faut.

    Et si c'était vrai qu'il faut abolir les commissions scolaires et ce faisant, augmenter les services aux élèves et donner plus d'autonomie aux directeurs et directrices d'écoles publiques?

    Ils ont bien sûr quelques autres arguments, mais ceux-ci ont été discutés dans de précédents billets et articles auxquels je réfère:

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