mardi 30 décembre 2008

Pente glissante : gardons nos souliers

On se demande pourquoi le journaliste irakien qui a lancé ses souliers en direction du président Bush ne l'a pas fait quelques années avant la guerre d'Irak en direction du président Saddam Hussein. L'histoire ne le dit pas, mais la réponse est évidente. Journaliste ou non à cette époque, il aurait fini en compost. Faut-il voir un embryon de liberté d'expression, du simple fait que les autorités se demandent ce qu'elles vont faire de ce cas? Auparavant, la question ne se posait même pas. Ce président auto-proclamé a fait exécuter plusieurs politiciens en désaccord avec lui. En pleine assemblée et fumant le cigare, il interpellait des personnes non approuvées de son régime. Ces individus étaient alors dirigées à l'abattoir, au milieu des supplications et cris de détresse. Voilà une vérité non négligeable dont je n'ai eu connaissance que par un réseau américain diffusant le document filmé. Voilà, pour ne nommer que cette "anecdote" diffusée dans tout le monde arabe lors de son accession à la présidence de la République d'Irak.


Dans le journal Le Soleil du dimanche 21 décembre 2008, on pouvait voir le nouveau député québécois Amir Khadir, en page 1, brandissant, en imitation du premier, un soulier en guise de protestation anti-américaine. Les chaussures lancées le furent en direction d'une photographie du président américain sortant

(Le Soleil, 21 décembre 2008, p. 6), mais l'acte est tout aussi fort que la première agression. Il en est une approbation et une invitation à faire de même.


Il y a une tendance inquiétante dans la médiatisation que tentent de récupérer certains mouvements comme ce premier candidat du parti Québec Solidaire élu à l'Assemblée nationale en fin d'année 2008. Nous avons déjà vu l'esprit de ce parti, à mon sens, lors de la déconfiture de l'ADQ qui n'a réussi à faire réélire que 7 députés, incluant son chef. L'essence du message de la chef de Québec Solidaire, Madame Françoise David, elle-même non élue soit-dit en passant, était que si le principal parti d'opposition est presque disparu de la carte électorale, c'est un bon débarras! Ce que l'on retient de son commentaire le soir de l'élection du 8 décembre 2008, c'est le message suivant: Si vous ne pensez pas comme nous, vous ne méritez pas d'exister. Les 2 grands partis restants n'ont pas eu cette arrogance et ont reconnu avec empathie, la contribution de Mario Dumont, chef sortant de l'ADQ, à la politique québécoise. Ses idées fûrent d'ailleurs souvent récupérées par les autres partis.

Et on peut se demander que serait l'exercice d'une démocratie sans la juste représentation des options parfois contradictoires, lesquelles existent dans la population (plus conservatrices, plus libérales, etc.). Et surtout, que serait un Québec devenu souverain, sous le parti de Madame David? Chef de parti non élue, elle n'a même pas eu la réserve et la prudence d'une organisation fragile, qui vient à peine de faire élire son premier député. Or, si l'on manque de jugement dans les petites choses, que fera-t-on dans les grandes?

Pour en revenir à la récupération politique anti-Bush faite du célèbre lancer du soulier, par le député Solidaire, il faut y voir une attitude loin d'être banale. Faut-il se rappeler que l'entartage dans un contexte particulier (lancer ou aplatir une tarte à la face de quelqu'un en guise de provocation ou protestation) a déjà été reconnu chez nous comme une agression, et donc de fait, pratique interdite par la loi. Imaginez le lancer du soulier à la face de quelqu'un. Le lancer du soulier sur une photographie est une incitation à le faire sur un véritable élu, comme le serait tout autre acte publique dégradant envers une photographie d'une personne.

Le député Khadir va-t-il bientôt récupérer des pratiques comme, au marché (supermarché, centres commerciaux), cracher au sens littéral sur ceux qui auraient des convictions différentes de la sienne? Après tout, cela se fait déjà contre les chrétiens dans certains pays d' Afrique, du bassin méditerranéen et ailleurs. Allons-nous commencer à se faire justice soi-même contre nos élus? Allons-nous lyncher nous-mêmes sur la place publique, les présumés pédophiles ou récidivistes de l'alcool au volant? Ou encore, le parti Québec Solidaire, brûlera-t_il des drapeaux du Canada? C'est une pente très, très glissante et nous aurions tout intérêt à conserver nos souliers à nos pieds, afin de ne pas y déraper.

Mais il faut aller aussi beaucoup plus loin. Il faut voir dans l'approbation de l'agression du journaliste irakien, j'en suis convaincu, les tendances émergeantes à se faire justice soi-même ou à manifester de façon violente, dans le contexte d'un multi-culturalisme qui se confirme comme non mature. Le chef-sortant de l'ADQ, Mario Dumont, avait-il bien vu? Un élu comme Monsieur Khadir devrait montrer une maturité et un contrôle de soi exemplaires pour l'unité du Québec. Oui, oui, je dis bien l'unité du Québec, car le "sirop d'érable", ça peut bouillir aussi. Il fait exactement le contraire.

Si nous voulons éviter une généralisation de cette attitude (les attitudes engendrent des actes), nos gouvernements doivent se montrer proactifs et accélérer et faciliter l'accès à la justice et au traitement équitable et égal de nos nouveaux arrivants ET pour nos citoyens de plusieurs générations. Car l'à-plat-ventrisme de la discrimination positive (favoriser un groupe au détriment d'un autre) serait tout aussi injuste que l'autre.

Soyez assurés que si l'adaptation proactive à la nouvelle réalité ne se fait pas, ce ne seront plus seulement des souliers qui voleront, mais nous verrons la montée de tensions importantes entre différentes communautés, incluant l'immigration des conflits avec ceux qui immigrent, ou la répétition des manifestations chaotiques et violentes comme celle de Montréal Nord, le 10 août dernier, ou une multiplication d'actes auto-justiciers par des groupes frustrés, voire même des pratiques underground de lois parallèles dans des communautés de nouveaux arrivants, sans oublier la désolidarisation face aux décisions des élus.

La dernière guerre en Irak, aussi contestable soit-elle, a été décrétée et poursuivie sous deux partis canadiens élus (libéraux et conservateurs). Si la démocratie ne fonctionne plus, par quoi la remplacera-t-on? Car il y aura toujours un groupe dévaforable à une politique quelconque d'un parti élu, serait-ce le vôtre dans 20 ans, Monsieur Khadir. Nos désaccords doivent s'exprimer avec maturité et maîtrise de soi et par des voies légales. Si nous agissons autrement (endossant les symboles violents alors que nous dénonçons la violence et la guerre...) quelqu'un pourrait bien demander un jour: «Montréal brûle-t-il?».

Pensée pour les Amir Khadir du monde entier : Il y a deux façons de mentir au monde: la première est de dire volontairement un mensonge et la seconde, de taire une vérité.