samedi 16 décembre 2017

Euthanasie au Québec: «Bonne nouvelle, tu meurs lundi prochain!»

Réalité en soins de fin de vie: la majorité des médecins du Québec refusent le rôle de la faucheuse. Une réflexion suite à la lecture d'un article du journal La Presse de Montréal.

(Dernières modifications : 17 déc. 2017, 19 déc. 2017, 22 décembre 2017)



La majorité des médecins du Québec se sont précédemment déclarés pour le principe de l'euthanasie  en fin de vie (mort provoquée par le corps médical au Québec). Mais la majorité ne veulent pas en jouer le rôle de l'exécutant, selon les chiffres donnés par le journal La Presse (Montréal, 14 décembre 2017).


NOTES:
1) VOIR AUSSI une compilation de mes articles et autres contenus sur le même sujet ou liens externes, de 2010 à aujourd'hui: - Mon dossier de Y'a pas de PRESSE (YaPasDePRESSE) sur la fin de vie au Québec, en égard à diverses options comme l'euthanasie, le suicide assisté, les soins palliatifs, l'acharnement thérapeutique, ...   
2) Je ne donne pas dans le présent article tous les liens vers de multiples articles ou documents ou témoignages écrits ou vidéo sur le web pour les situations décrites brièvement. Mais pour qui veut vraiment connaître la réalité voir le lien précédent. Tout ce qui est décrit dans le présent article concerne des cas réels répertoriés par les médias, les organismes de santé et via des témoignages sur les réseaux sociaux ou les sites d'associations, concernant des demandes rencontrées par les médecins ou des situations vécues par les proches d'un malade, dans les pays où l'euthanasie active est pratiquée depuis plus longtemps qu'au Québec, par exemple via une injection létale.
3) Contrairement à ce que plusieurs promoteurs de l'euthanasie font, il ne faut pas confondre l'euthanasie active décrite dans le présent article, avec la cessation d'un maintien en vie de façon artificielle (ex. arrêt d'un respirateur). Les pays pratiquant la véritable euthanasie (ne pas la confondre avec le refus de l'acharnement thérapeutique) sont beaucoup mois nombreux que ce que les médias prétendaient ou relayaient durant le débat social au Québec.

L'article du journal La Presse du 14 décembre 2017


L'article de Caroline TOUZIN (1) du journal La Presse (Montréal, 14 décembre 2017),  Aide médicale à mourir: beaucoup de médecins refusent de l'administrer, m'amène à conclure que c'est facile pour un médecin d'être pour le principe d'abréger de quelques heures les souffrances, mais la réalité humaine est plus difficile; chaque situation de vie et de vie sociale étant unique en soi et les dernières heures de vie se changeant vite en derniers mois, voire dernières années.

«On achève bien les chevaux», nous a-t-on dit...


«On achève bien les chevaux» ou les animaux pour leur épargner la souffrance, a-t-on répété pour faire passer l'acte de loi au Québec... L'on devrait donc, disait-on, autant abréger la souffrance humaine. Sauf que c'est souvent par manque d'argent qu'on abrège plus tôt la vie d'un animal domestique ou d'un animal de compagnie. Les personnes avec des revenus supérieurs ou des ressources disponibles (ex. missions de sauver les animaux, notamment les chevaux) les accompagnent le plus longtemps possibles, pas à pas, un jour à la fois jusqu'au grand départ, allant jusqu'à payer pour des chirurgies. Sans la médecine actuelle (vaccins, antibiotiques, chirurgies, spécialités, etc.), les résidents des pays capitalistes occidentaux seraient encore au terme de leur vie autour de l'âge de 55 ans, comme au 19e siècle. Nous pourrions mourir d'une simple infection. Nous n'aurions pas ce débat.


Le dilemme des médecins du Québec face à la fin de vie et la mort syndicalisée


Cela n'est pas dit dans l'article de La Presse du 14 décembre 2017, mais les médecins font face à ce genre de cheminement personnel face à la mort de leurs patients. C'est le dilemme de plusieurs médecins du Québec, mandataires de provoquer la mort par injection,
  1. quand ils s'approchent des gens et qu'ils voient qu'ils ont le pouvoir de décider l'heure de la mort, mais pas un jour de congé de l'équipe dite «médicale», car la mort aussi est syndicalisée (tu meurs lundi !),
  2. quand ils constatent qu'une fois la loi passée dans d'autres pays, les gens veulent mourir pour diverses souffrances ne conduisant pas à la mort à court terme, mais qui la sollicitent des mois, voire des années à l'avance, pour des raisons aussi variées que la surdité, la perte de la vue, la  dépression, la perte du réseau social ou des proches, la perte d'autonomie, une maladie dégénérative ne conduisant pas à la mort à court et moyen terme, ...
  3. quand des gens sont dans l'incapacité de se prononcer sur leur condition et qu'ils ne sont pas en train de mourir mais ont un problème cérébral comme l'Alzheimer ou le coma mais qu'ils ont une famille versus ceux qui sont seuls
  4. quand le corps médical voit des personnes qui semblent particulièrement intéressées à encaisser un héritage présumé,
  5. quand ils voient des aidants épuisés et au bout de leurs ressources qui espèrent la fin de vie de proches malades non autonomes,
  6. quand au Québec, ils voient que la majorité des malades en fin de vie (4 sur 5 durant la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité) n'ont pas accès à des personnes spécialisées en soins palliatifs et qui pour plusieurs, choisiraient alors la vie,
  7. quand ils constatent que, par conséquent, des gens vont mourir plus tôt, par manque de services et non faute de capacités médicales,
  8. quand ils savent que des personnes veulent partir plus vite, parce qu'elles se sentent poussées par le système en manque de places ou de ressources, ou pour ne plus se sentir un fardeau pour les aidants,
  9. quand ils savent que des malades ne veulent pas finir leur vie seules au milieu d'une foule de «vieux» avec des intervenants inconnus qui ne donnent pas de sens à leur raison de continuer,
  10. quand ils voient ce qui se passe dans les pays qui ont adhéré à la belle théorie, il y a déjà plusieurs années et que la pratique a évolué dans le mauvais sens; comités qui deviennent plutôt des comités de révision après la mort et de gestion de plaintes, des personnes sans famille ou proches qui sont plus vites dirigées vers la sortie de ce monde, des sourds et des aveugles qui demandent à mourir et l'obtiennent en disant que leur souffrance est insupportable,  chaque nouveau cas de mort ouvrant ainsi la porte à de nouvelles justifications qui ouvrent la porte à autre chose que la médecine et les soins pour lesquels ils ont été formés,
  11. quand ils savent que ces critères élastiques n'auront pas le choix, par logique, de s'étendre à des mineurs et des enfants,
  12. quand ils appréhendent que la mort provoquée aura ou a des effets inévitables sur les budgets de recherche en médecine et en pharmacologie,
  13. quand ils savent que «mourir dans la dignité» ou être digne de vivre plus longtemps en tant que personne malade au Québec, est associé à la capacité de se tenir debout et en général, là où l'euthanasie active est appliquée dans le monde, est liée au privilège de s'entretenir soi-même, ou à la capacité de payer soi-même une place en résidence privée ou au fait d'avoir, ou non, un réseau social significatif, car les personnes non attendues sont dirigées plus vite vers la sortie de ce monde
alors, ils refusent le contrôle de l'État sur leur conscience et sur la durée de vie des malades.

Enfin, ces bonnes intentions au départ, finissent toujours par dériver. Inévitablement, des malades se sentent poussés vers la sortie et privés d’arguments, particulièrement ceux qui n'ont pas un réseau social et familial significatif. Ils vont demander la mort avec la larme au coin de l’œil, mais quelle détresse cache cette larme? Chaque nouveau cas peut potentiellement créer un précédent pour une demande future par un autre malade. Bientôt, voir très vite, des patients demandent la mort pour dépression sévère ou pour un handicap comme la perte de la vue ou de l'ouïe. Ce sont des cas réels et non hypothétiques.

La Nuit où ils furent livrés...


Photo: Comité de l'Assemblée nationale du Québec
Le tableau me rappelant le Dernier Souper, je l'intitulerais «La Nuit où ils furent livrés» (ils étant les souffrants).

Conférence de presse de Mme Maryse Gaudreault, présidente de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et de Mme Véronique Hivon, vice-présidente de la Commission. Explications concernant les 24 recommandations contenues dans le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, Jeudi, 22 mars 2012. Le tableau me rappelant le Dernier Souper, je l'intitulerais «La Nuit où ils furent livrés».


«L'oeuvre "Le dernier souper", peinte en 1498 par l'artiste peintre et Grand Maître Leonard De Vinci» (Les Grands Peintres sur grandspeintres.com). Selon les Évangiles et l'enseignement chrétiens, le Dernier souper correspond au début de la nuit où Jésus sera livré par Judas, l'un de ses disciples qui partage le pain avec lui. Dans la première épître (lettre) aux Corinthiens, on trouve cette phrase: «Car j'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné; c'est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain ...», d'où le clin d’œil dans la légende de l'image de la table de la conférence de presse du 22 mars 2012 qui précède.  



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1.  Caroline TOUZIN. Aide médicale à mourir: beaucoup de médecins refusent de l'administrer. Journal La Presse, Montréal, 14 décembre 2017
http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201712/13/01-5147076-aide-medicale-a-mourir-beaucoup-de-medecins-refusent-de-ladministrer.php  Page consultée le 16 décembre 2017.