jeudi 13 juin 2013

Euthanasie ou suicide assisté: projet de loi, projet de société au Québec

13 JUIN 2013. Comme prévu, et malgré une majorité de mémoires opposés à l'euthanasie et à son inévitable corollaire, le suicide assisté, le gouvernement du Parti Québécois (PQ) est allé de l'avant avec le dépôt de son projet de loi ouvrant la porte à ces pratiques. Un nuage de plus sur notre carte d'assurance santé publiqueL'exercice équivaut à banaliser du même coup le suicide (par le suicide assisté), et à pousser plus ou moins subtilement les plus âgés, mais aussi les jeunes malades, vers la sortie.

Il se dit n'importe quoi dans les médias. On confond, parfois malhabilement, soins d'une part, avec la décision de donner la mort par injection, mais d'autres fois intentionnellement (idéologie et propagande). Car c'est bien de cela qu'il est question. Les médecins opposés à l'euthanasie ne sont à majorité, pas davantage pour l'acharnement thérapeutique. Ce qui est très dangereux, avec le présent exercice du projet de loi, ce n'est pas de soulager le malade en le laissant partir, mais d'ouvrir une porte légale pour pouvoir provoquer sa mort, même si la mort naturelle devait survenir des mois, voire des années plus tard. 

Suicide assisté

La question du suicide assisté se fait incontournable. C'est la définition même d'une personne qui demande de l'aide pour mettre fin à ses jours.

Le sens de «fin de vie» sera, vous le verrez avec le temps, très élastique, trop, pour qui a suivi le débat et a déjà vue ce genre de «consultation» publique. C'est ce qui se voit ailleurs.

Le truc

Comment réussir à faire passer des projets semblables
  • On recense les cas les plus atroces, mais en ouvrant la porte à une chaîne de morts, de sorte que l'exception soit remplacée par des non-exceptions après 10 ans.
  • Ne pas fixer de délai dans les lois (comme pas de délai légal pour les avortements) laisse place à une progression de la pratique.
  • Enrober de vœux pieux et de "balises" n'empêchent pas qu'elles soit modifiées jusqu'à tomber (devenir indéfendables, chaque cas limite ouvre la porte à comparaison et crée un précédent)
Dans les faits, si l'on observe ce qui se passe ailleurs, les balises ont disparu ou tombent une à une, dans les quelques pays où l'euthanasie est déjà pratiquée (relâchement progressif puisqu'un nouveau cas particulier ouvre la porte à un autre et ainsi de suite). Ces cas ne sont soulignés que par les médecins opposés à l'euthanasie ou au suicide assisté. On assiste en 2013 dans ces pays, à des demandes de mort pour des raisons diverses, et de plus en plus prises en évaluation: 
  • pour la perte de la vue et de l'ouïe (et autres handicaps liés au vieillissement)
  • pour une dépression (souffrance émotive ou morale)
  • pour les maladies dégénératives, parfois des décennies avant la fin (vouloir en finir, anxiété), par exemple pour des maladies comme la sclérose en plaques
  • pour la maladie mentale qui isole une personne. Au Québec, avant le dépôt du rapport de consultation sur la question tordue de «mourir dans la dignité» au printemps 2012, les membres de la commission ont même débattu sur la notion de «mort sociale»,  pouvant entrer dans le concept de fin de vie (ex. maladie d'Alzheimer de longues années avant la mort dans certains cas). Ce ne sont pas tous les commissaires qui ont signé le rapport de 2012.
De plus, dans les pays pratiquant l'euthanasie, les personnes qui n'ont pas de liens sociaux (famille, proches) sont plus sujettes à être euthanasiées de manière plus rapide.

Et avec une pyramide des âges qui révèle une surreprésentation croissante des personnes âgées, les aînés qui demandent des soins réguliers se sentiront subtilement poussés à partir pour ne pas constituer un fardeau pour les autres. Ces aînés ou parfois ces malades plus jeunes, auront contribué au régime de santé (assurance de santé publique) TOUTE LEUR VIE adulte (régime implanté actuel implanté au Québec dans les années '60), mais sentiront qu'ils deviennent un poids social. La différence entre l'homme et l'animal s'amenuise. Sans oublier le cas des enfants malades (Belgique), pour qui se pose déjà le même questionnement: soins palliatifs ou mort assistée (ex. mort par injection létale et fin de vie ou abandon de soins à 10 ans)? Et la recherche?

L'élite apprend vite, mais la majorité oublie plus vite

Pour fins d'exemple, je vous demande de faire preuve d'un peu d'ouverture et de considérer ce qui s'est passé dans un autre cas historique, indépendamment de votre position sur le sujet.

Certains apprennent vite: ceux qui introduisent consciemment un nouvel agenda social. Mais inversement, la majorité oublie vite. Pour apprendre sur la façon de faire passer ce genre de politique, revenons au même procédé, suivi dans le débat sur l'avortement au Canada, scellé à la fin de la décennie 1980.

La population consultée était majoritairement opposée à l'avortement provoqué, à moins de raisons suffisamment sérieuses. On avait bien sûr servi les arguments des avortements par broches à tricoter avec complications et infections, du viol avec grossesse, de la maladie de la mère. Bref, comprendre: il n'y avait pas de monde civilisé avant Henry Morgentaler. Comme si la grossesse était un accident de la nature. C'est un peu comme si l'on avait parlé de l'atrocité des suicides ratés pour justifier le suicide assisté, ou encre parlé des problèmes dentaires pour dire qu'avant les dentistes, il n'y avaient point d'humains et de vie sur la planète. C'est un regard très occidental sur ce qui fait ou doit faire le bonheur. Tout ne s'est pas fait en quelques mois.
  • Il y a eu premièrement la défaite du gouvernement du Canada devant le médecin avorteur qui a réussi à faire invalider un article du Code criminel canadien. 
  • L'année suivante, le gouvernement de Brian Mulroney est allé de l'avant avec un projet de loi pour encadrer l'avortement, entre autre pour tenter d'introduire un délai limite pour la date de l'avortement après un certain nombre de semaines suivant le début de la grossesse.
  • C'est le sénat canadien (que tous veulent abolir), qui en troisième lecture, avait subitement clos le débat, par un vote serré, en renversant le projet de loi fédéral. Ce projet de loi était déjà approuvé en première et deuxième lecture et supporté par la majorité de la population, mais pas par Radio-Canada, ou par ICI. Ce second projet de loi visait, après un premier revers, à au moins encadrer l'avortement, avec un délai limite au-delà duquel l'acte n'aurait pas été pratiqué, sauf pour raison majeure. 
Donc, la majorité a perdu.

CEPENDANT : Une génération après la fin des années '80, les cas extrêmes à faire pleurer Luka Rocco Magnotta (né Eric Clinton Newman), le dépeceur de Montréal, ces cas extrêmes donc, représentent une très faible minorité dans les faits. Et les avortements d'accommodation lesquels constituent la grande majorité des cas, sont maintenant considérés comme un droit fondamental. 

On est loin  en nombre, des cas atroces, alors que le débat d'opinion fût pourtant gagné en ce sens (les affreuses exceptions). L'avortement subventionné pour les non-mères et les non-pères (1) de quelque revenu que ce soit (sans égard au revenu du couple), est devenu un moyen de contrôle des naissances, pour compenser un manque de planification ou un "accident". Dans les faits, la grossesse non désirée est le seul accident grave qui donne la vie!

Tout cela est parti au départ (pour l'avortement) des cas extrêmes pour une pratique qui s'élargit à tous (avortement sur demande ou même sans la demande; les médecins l'offrent lors des échographies) et en une seule génération.


L'étrange équation des droits

Donc, par une étrange équation, ce qui est autorisé ou toléré, même dans le cas de vide juridique, devient vite considéré comme un droit fondamental.

Vous dire l'avenir

C'est un peu la même chose avec la mort assistée qui sera débattue suite à ce dépôt d'un projet de loi et acceptée, comme toutes les autres consultations pré-arrangées par les spécialistes non élus de puis 25 à 30 ans environ. On pose une question biaisée («...mourir dans la dignité»?), sans définir les termes, jusqu'à obtention de la réponse désirée. Et on se trouve ou nomme des parrains pour porter le dossier. Ces parrains et marraines se prennent pour des Mère Teresa qui font avancer les droits de l'homme, mais pour donner la mort. 

Tout cela, parti au départ des cas extrêmes pour une pratique qui s'élargira. Les «ponctionnaires» de l'État vont s'en charger. Il faudra bien trouver l'argent (abréger la vie et les soins) pour des causes importantes comme fournir les drogues gratuite injectées sous supervision et donner des salaires à ceux qui refusent de travailler, même s'ils en ont la capacité.

Des mots et des maux, ou quand il est considéré «indigne» de s'affaiblir en vieillissant.

C'est un âge sombre, que celui où pour convaincre, l'on doit tromper par les mots. Dans la consultation, il ne fallait pas parler de mort provoquée, mais de «mourir dans la dignité» ou de soins pour donner la mort: «aide médicale à mourir», donc des soins provoquant directement la mort. L'illusion des bienfaits de l'euthansie et du suicide assisté, ne doit pourtant pas être confondue avec soins de fin de vie, non plus qu'avec soins palliatifs. Bref, quand on veut vraiment être humain en tant que médecins qui agissent en collégialité dans un centre de soins, on n'a pas besoin d'une loi qui ouvre la porte trop grand. Car l'humanité et la compassion précèdent les lois, et non l'inverse. C'est au contraire ce que fera cet exercice, comme cela s'est fait dans quelques pays, ouvrir la porte trop grand. Par la suite, les balises vont tomber une à une (sur la base des cas qui servent de modèle aux décisions suivantes) comme ailleurs, parce que chaque nouveau cas crée un précédent pour les suivants (2). Cela équivaut à banaliser du même coup le suicide, et à pousser subtilement (ou pas du tout!) les plus âgés ou les jeunes les plus malades, vers la sortie. Plusieurs ont compris le message.

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1.  C'est un fait que l'on ne saurait parler de mère et de père quand il y a avortement provoqué volontairement (IVG).

2.  Le genre d'argument pour rendre la mort plus accessible: «Dans cette autre institution, on a aidé telle personne à partir, et moi je souffre autant, pourquoi pas moi? Je n'ai plus de vie!» Chaque cas interprété de façon plus libérale ouvre la porte aux nouvelles demandes d'élargissement de l'accès à la mort sur demande;

  • pour handicaps comme la surdité et la perte de la vue
  • pour la souffrance de la dépression et des maladies mentales
  • Demande de suicide avec l'argument des suicides manqués -l'équivalent des broches à tricot et des infections, pour justifier l'avortement maintenant accessible à tous-
  • etc. 
Avec le temps, les balises sont devenues  indéfendables et les personnes inaptes à prendre une décision (ex. coma) qui sont sans liens sociaux (famille, proches, amis) quittent plus vite que les autres. Ce n'est pas de la fiction, c'est un fait.