lundi 21 janvier 2013

Euthanasier un animal, soigner de mort un humain: la philosophie postmoderne

Un vétérinaire pique un animal, c'est de l'euthanasie. Un médecin injecte à un humain une solution létale en vue de provoquer sa mort directe, c'est un «soin médical» ou une «aide médicale». Il faudrait se rendre compte que l'on se fait collectivement endormir. C'est de la désinformation et la porte va vite être forcée pour élargir la mort à plus de gens, dans une plus grande diversité de souffrances. (revu et augmenté 2013-01-23).

Déjà, là où l'aide à mourir est ouvertement pratiquée par le corps médical «soignant», le nombre de demandes augmente rapidement. La main qui soigne une journée, est celle qui marchande la mort le lendemain.
Crédit image: Luc Tesson

En feuilletant d'anciens articles reçus lors de ma formation en théologie, cherchant autre chose, je suis tombé, comme par hasard, sur un extrait d'une revue datant de la fin des années 1980. L'expression «mourir dans la dignité» (thème de notre commission québécoise) était déjà utilisé par un organisme faisant activement et ouvertement, à l'époque, la promotion de l'euthanasie et du suicide assisté en France; terme utilisé dans le nom de notre commission québécoise lors des consultations québécoises de 2011-2012: la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité.

Voici un extrait tiré de la revue Autrement, no 87, février 1987:
«La Fayette, dans le 10e arrondissement de Paris, les bénévoles de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité ont installé leurs locaux»
[...]
«Le 17 novembre 1979, les lecteurs du Monde découvrent un article intitulé « Un droit ». L'auteur Michel Landa, y parle du droit à une mort digne, à l'euthanasie, au suicide. Bientôt, une dizaine de personnes se joignent à lui pour créer une association : en avril 1980, l'ADMD est née.
[...]
Michel Landa est mort d'un cancer en, à cinquante-trois ans, en août 1981»

On ne saurait trop souligner ici que depuis le combat de celui qu'on disait historien et écrivain, la médecine et la médication ont connu de grands progrès pour le soulagement de la douleur. Ces démarches finissent trop souvent par la demande d'étendre à tous l'exception.

«L'Association pour le droit de mourir dans la dignité» (ADMD) a donc vu le jour en 1980. Cette expression de «mourir dans la dignité» récupérée par notre commission québécoise, était utilisée par son principal fondateur, il y a plus de 30 ans en France, pour réclamer ce qu'il prétendait être un droit en direct référence à l'euthanasie et au suicide assisté. IL NE S'AGISSAIT à ce moment-là , NULLEMENT POUR LUI  D'UN TERME NEUTRE pour le libre choix de chacun, mais plutôt pour le choix de mourir. «Je veux mourir vivante» disait la formule d'Odette Thibault, une malade reliée à l'organisme de lobbying (2). Alors on comprend mieux les esprits, derrière la commission au Québec.

Il y a donc toute une construction idéologique derrière le choix des mots en vue de conduire le peuple où l'on veut le mener. Avez-vous remarqué qu'il ne s'agit pas de la mort dans la liberté, mais dans la dignité. L'expression fait référence à quelqu'un qui meurt avant d'être diminué par la maladie. Par simple déduction, les autres meurent indignement. En ce temps-là, d'ailleurs, on utilisait les vrais mots: euthanasie et suicide, et non pas «aide médicale». Ainsi, à l'inverse des anciens arracheurs de dents qui ont cessé de contourner la vérité (ex. eux qui disaient: «ça va chatouiller un petit peu...»), le discours idéologique de ces philosophes, qui ont des entrées privilégiées sur nos commissions sur toutes les grandes questions sociales du Québec, évolue dans le sens inverse. Il devient de plus en plus trompeur, pour contrer la résistance des réformes très contestées, ou passer en mode indétectable (mode furtif). D'ailleurs, après une commission où les risques de dérives et l'incapacité de fournir des balises solides ont été fréquemment soulignés, les commissaires ont demandé de nouveaux avis de «spécialistes». Quand on sait ce que l'on veut entendre, on s'organise pour se le faire dire...

Je peux vous dire ceci: il m'est arrivé seulement à deux ou trois reprises de visiter des personnes en fin de vie ou vulnérables à l'hôpital, qui n'étaient pas liées à moi ou à mon épouse. Mais j'ai vu les malades se faire bafouer dans leur droits (le contraire des prétentions de ces commissions; soit pressions sur le malade, plutôt que liberté):
  • une jeune femme mourante du cancer dans la vingtaine s'est vu refusée par sa famille, la visite d'un pasteur qu'elle avait elle-même réclamée (et que j'accompagnais comme bénévole). Une première visite de l'initiative de son amoureux en accord avec elle, lui avait procuré beaucoup de bien et de réconfort et elle avait manifesté le désir de nous recevoir à nouveau.
  • un homme âgé alité, en séjour à l'hôpital et que j'ai visité à la demande de son épouse en secondes noces, a été contraint par ses enfants, de changer son testament, en faveur de sa seconde épouse, parce qu'il préférait conserver la paix avec eux et craignait de leur résister alors qu'il était vulnérable. Il me l'a confirmé de sa bouche, quand j'ai vérifié les prétentions de cette dernière qui me demandait conseil. La police (SQ) m'a informé que ce genre de pressions relève selon eux du Code civil du Québec et non du droit criminel... Je crois que c'est un refus de notre police d'État de reconnaître le problème.
Soit j'ai été très malchanceux (2 cas sur 3), soit il y a de fréquents problèmes de liberté de choix, quand le malade devient vulnérable (réduction de la mobilité). Je penche plutôt pour la deuxième explication.

Comment mesurer la souffrance, et quelle sorte de souffrance? 

Des patients demandent maintenant la mort parce qu'ils ont perdu la vue ou l'ouïe. D'autres parce qu'ils sont en dépression. Bientôt, devra-t-on se demandera si on doit abréger la vie des enfants grandement malades. Malaise envers les rallye télé (téléthons), comme celui d' Opération Enfant Soleil.

Pente glissante, Ou plutôt... portes forcées?

Même avec un encadrement législatif de cette mort directe, que nos politiciens appellent «balises», il suffira bientôt qu'une personne conteste en cour l'éventuelle future loi, pour elle-même ou pour un proche, et réclame le droit de mourir et qu'elle gagne devant les tribunaux, pour que soit de fait élargi à tous, la mort pour un grand nombre de formes de souffrance non prévues dans la loi initiale. Cela inclura bientôt la «mort sociale» (ex. personnes avec maladies mentales, dépression profonde, etc.). Cette notion de «mort sociale» avait d'ailleurs déjà été discutée entre les commissaires et députés, dans le contexte de la commission tenue au Québec en 2012 (étonnement le sujet avait même été débattu entre les membres de la commission). Ceci a été dit par la présidente, lors du dépôt du rapport de la commission:

« Mme Gaudreault: «S'il est en fin de vie... Vous savez, la fin de la vie, ça a été aussi... On a eu beaucoup de débats par rapport à comment on qualifie la fin de la vie. Alors, pour certaines personnes, c'est une question de jours, pour d'autres, ça peut être une question de mois, et d'autres peut-être même pour une question d'années, lorsqu'on parle des démences et des maladies comme l'Alzheimer. On parle d'une mort sociale et, ensuite, la mort médicale ». (3)

Le sens des mots est forcé

C'est l'heure de se demander qui est derrière ce changement du sens des mots, dans tous les débats sociaux des dernières années au Québec.

On doit  se questionner par exemple, quand 
  • euthanasie devient «aide médicale» à mourir,
  • maladie devient «mort sociale» justifiant la mort par injection létale OU le suicide assisté pré-autorisé.
  • souffrir et avoir besoin d'aide devient indignité de vivre
Cela avait débuté avec la notion de mort indigne, soit lorsque les gens souffrent, d'où la notion de «mourir dans la dignité» pour ceux qui prennent la seringue et mourir indignement pour les autres. Ce n'est pas mon point de vue; c'est ce que l'on veut nous imposer, socialement, collectivement.

_______________
1.  Dominique BURG.  Les acharnés de la dignité. Autrement, no 87, février 1987, p. 158. 

2.  Même référence.

3.  Conférence de presse de Mme Maryse Gaudreault, présidente de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et de Mme Véronique Hivon, vice-présidente de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Explications concernant les 24 recommandations contenues dans le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Jeudi, 22 mars 2012.