samedi 3 décembre 2011

Criminalité au Québec: un psy dénonce

Éric Bergeron, psychologue aux Services correctionnels du Canada et expert à la Cour criminelle du Québec, a livré une opinion fort intéressante au journal la Presse. Voici un extrait du texte Essentielle, la répression :

«Les intervenants au dossier - universitaires, ministres, avocats -, n'ont jamais pour la plupart œuvré directement dans l'intervention. Ils discutent de tels sujets sur le seul plan théorique, ignorant la plupart du temps tout de la réalité du terrain et de la difficulté de l'intervention . Or, les recherches démontrent l'impact très réduit de nos programmes d'intervention.

«Ces acteurs font souvent ressortir la baisse du taux de criminalité. Mais cette baisse s'explique en grande partie par le vieillissement de la population et des modifications culturelles (...) Cette courbe descendante est observée dans toutes les sociétés modernes et n'est pas attribuable au supposé succès de nos programmes d'intervention.

«Tout intervenant de terrain, habitué au sous-financement chronique des procureurs de la Couronne, est bien au courant que la majorité des accusations portées contre les individus représentent toujours un marchandage à la baisse. On s'assure du plaidoyer de culpabilité et on réduit ainsi la charge de travail, déformant complètement la réalité  (des meurtres au deuxième degré deviennent des homicides involontaires, etc.) (1).
Mon commentaire éditorial

Autrement, dit, la baisse de criminalité peut résulter en bonne partie selon l'expert:

  • du vieillissement de la population (baisses de criminalité observables dans toutes les sociétés modernes, indépendamment des programmes d'interventions)
  • de modifications culturelles
  • des réductions de peines (ex. meurtres au deuxième degré réduits en homicides involontaires faute de ressources des procureurs de la Couronne)

Évidemment, lorsqu'une accusation est diminuée (la moitié d'une condamnation vaut mieux que pas de condamnation), il va de soi que la criminalité diminue; le crime passe de grave à presqu'un banal accident de parcours. Le manque de ressources humaines et financières à la Couronne ont donc pour résultat ce genre de compromis. Lorsque des Guy Turcotte (un père qui a tué ses deux enfants au couteau), deviennent des "victimes" non responsables qui pourraient réintégrer leur travail dans quelques mois, évidemment que le taux de criminalité diminue.

Au Québec, on redéfinit dans la pratique le crime, à cause du sous-financement, pour réduire la criminalité. C'est hyper-habile et statistiquement payant pour le pouvoir politique. Il vaut la peine de lire le texte intégral sur Cyberpresse.ca (Bravo à La Presse, d'avoir accepté de publier cette opinion).

Autre extrait:
«On se retrouve, comme intervenant, avec des criminels endurcis à 30 ans, qui viennent de recevoir leur première peine significative, qui sont sans formation aucune ni éducation, avec pour tâche de leur vendre un travail à 10$ l'heure au supermarché du coin» (2).
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1.  Éric BERGERON. Essentielle, la répression.  Cyberpresse.ca,  30 novembre 2011.
Lien consulté le 3 décembre 2011.

2.  Même référence.