mardi 3 mai 2011

Élections fédérales 2011 : le jugement du peuple est tombé

Crédits photo : Élections Canada
Le jugement du peuple est tombé. Le pays du Canada a décidé d'accorder aux Conservateurs de Stephen Harper son gouvernement majoritaire, ce qui favorisera une certaine stabilité économique et un contrôle assez serré des dépenses. Et le Bloc Québécois, se voit contraint à quatre petits cubes. Nous vivons certainement un changement significatif.

Au-delà des chiffres

Le Québec, tout en réaffirmant sa dissidence et sa différence, a décidé de mettre fin à
- l'anachronisme d'un parti indépendantiste à Ottawa et
- à ce qui était devenu la suffisance et la présomption du Bloc Québécois, qui ne tablait que sur la haine du conservatisme et des "méchants" anglophones de l'ouest. 

Voter Libéral peut-être; mais voter "intellectuel", non


Les Libéraux, d'une part, n'ont probablement pas encore expié le scandale des commandites ancré dans l'imaginaire de beaucoup de gens. On a probablement fait mentir l'adage qui dit que la mémoire populaire (mémoire du peuple) se limite à 6 mois. Cela est vrai, peut-être, pour un certain nombre de fautes ponctuelles, mais pas pour une fraude qui était devenue systémique (intégrée au politique). Et au Québec, il ne serait pas surprenant que l'impopularité du parti Libéral du Québec ait même nuit à son homonyme fédéral, le parti Libéral du Canada. C'est que beaucoup d'électeurs ne font pas dans la nuance; leur priorité n'étant pas là. Mais plus encore, ici, les gens n'aiment pas trop l'idée de porter des gentlemans intellectuels au pouvoir (Dion en 2008, Ignatieff en 2011, comme Landry sur la scène provinciale à son heure). Ils les aiment à l'université ou à rédiger de beaux livres que la plupart ne lisent pas, par ailleurs.

Le NPD, "nouveau de l'école", devra se prouver devant ses nouveaux "amis" du Québec

Le Bloc littéralement désagrégé et les Conservateurs boudés; le NPD, comme un nouveau qui arrive à l'école en plein milieu de l'année scolaire, devra se prouver devant ses nouveaux "amis" québécois. Avec une désagrégation du Bloc au pic à glace, pour n'en conserver que quatre petits cubes, et un NPD poussé trop vite, presque malgré lui, en haut du tremplin des grands, le "nouveau" devra plonger (au risque de faire un "flat") s'il veut se prouver et il sera sous observation; littéralement scruté par l'électorat qui le teste. Il semble que le Québec vote effectivement avec ses tripes (ses émotions) et non avec sa tête. Car il est clair que certains candidats NPD élus au Québec n'ont fait que prêter leur nom et n'ont jamais pensé être portés au pouvoir. D'autres n'ont carrément pas d'expérience; que dire, pas de vécu. Cela créera quelques malaises au NPD dans les temps qui viennent. Et le Bloc a encore beaucoup d'amis dans les médias du Québec... Fait notable, la plupart des électeurs québécois du NPD ne connaissaient RIEN de sa plate-forme électorale, ni le nom de leur aspirant-député. Plusieurs n'ont découvert le nom du candidat NPD que sur leurs bulletins de vote. Ils votaient en réalité Layton, ou pour une alternative au Bloc et aux Conservateurs, mais tout de même socio-démocrate (à gauche comme le Bloc).

Un lendemain de fête trop arrosée pour le NPD

Curieusement, c'est le parti de Layton qui aura au Québec le mal de bloc après une soirée trop arrosée. Il faudra plus qu'une poignée de députés d'expérience pour sauver la garderie (centre de puériculture). L'appui québécois au NPD risque de demeurer très volatile aux prochaines élections et pourrait revenir à ses "fournisseurs" habituels. Leur situation avec un chef populaire comme Layton au Québec, ressemble étrangement à celle d'un certain Dumont et son parti l'ADQ, lesquels après avoir frôlé le pouvoir sur la scène provinciale, se sont fait éjecter aux retour des élections du Québec qui ont suivi assez rapidement merci. C'était dans le contexte d'opposition officielle du gouvernement Charest, minoritaire. Sauf que dans l'actuelle situation au fédéral, les Conservateurs sont majoritaires et le NPD aura donc tu temps. Les Conservateurs ne voudront pas risquer de perdre le pouvoir, uniquement pour faire plonger le NPD inexpérimenté et prendre le volant du véhicule-Québec; une sorte de "coccinelle" imprévisible (Choupet; Un amour de coccinelle). Le NPD bénéficie donc théoriquement de quatre années de grâce, contre quelques mois seulement qu'avait eu l'ADQ pour tenter de faire ses classes comme opposition officielle sur la scène provinciale, face à un politicien aguerri au flair certain.

Sondages et mouvement de masse

Outre l'attitude de suffisance du Bloc, il est clair que les sondages ont joué un rôle en faveur de la montée soudaine du NPD à mi-campagne et à la nette défaveur de l'autre gauche (la gauche culturelle souverainiste). Comme l'a écrit un chroniqueur il y a quelques jours (je n'ai pas eu le temps de vérifier qui), les Québécois ont viré de bord comme un ban de poissons. Ils ont pressenti, avec les sondages, un début de changement possible avec le chef du NPD, Jack Layton, et ils se sont comportés comme un ban de poissons, qui ressent d'instinct, un virage collectif synchronisé, SANS SE SCINDER en deux clans, et trouvant fuite dans la méga-vague néo-démocrate (NPD). Je crois saisir ou discerner sans aucun mépris, que c'est une attitude protectrice et défensive, pour un peuple minoritaire qui se sent menacé, sans toujours savoir exactement par qui ou quoi, mais par des ombres imaginaires ou réelles. Quand la masse a réalisé que le NPD devenait une alternative gauchiste au Bloc, une gauche social-démocrate non indépendantiste, donc plus englobante ou unificatrice, ils ont cessé de croire et de boire les seules paroles du gourou Duceppe, à l'effet que la forme cubique serait la seule géométrie politique valable; prétendue seule alternative aux conservatisme. Et ils ont rejeté en bloc, le Bloc. À prendre comme un jugement du peuple, tout comme la perte des comtés conservateurs de la grande région de Québec (rive nord).

Un rejet du Bloc, plus que générationnel

Ce rejet impitoyable du bloc "bleu-pâle", se veut un message très clair, presque (mais pas) du même niveau que l'élection du parti Québécois sur la scène du Québec en 1976. C'est comme si un nouveau parti était né au Québec; mais en fait, on devrait plutôt parler d'une nouvelle adoption. Un chef avait l'air haineux, CONTRE les anglophones, contre les autres idées, contre l'entrepreneurship libre (pour l'étatisme), contre les valeurs chrétiennes, ....  L'autre chef avait l'air aimant et paternel, POUR un Québec en quête d'un père significatif; une sorte de René Lévesque, mais au fédéral. La chaleur de l'orangé a fait fondre la froideur bleu-pâle du Bloc. Et une femme aux cheveux blancs a même supplanté le chef aussi aux cheveux de sagesse, dans son propre comté tenu pour acquis. Le revirement est donc bien plus que générationnel. Qui aurait cru que Duceppe ne serait pas élu dans sa propre forteresse.

Un gouvernement Conservateur majoritaire, mais pas invité au BBQ du Québec

Le gouvernement majoritaire Conservateur se réjouit. Il pourra réaliser plusieurs de ses politiques sans avoir à constamment négocier avec ses talons hauts et son décolleté. Mais le Québec ne l'a pas invité à son BBQ sur la terrasse. Encore moins dans le spa. J'en reparlerai plus tard (mes perceptions pour la région de Québec, rive nord). Mais je dirai simplement ceci: le virage massif du Québec vers le NPD, laisse amèrement déçus, un grand nombre de bloquistes indépendantistes convaincus, toujours réseautés et bien intégrés aux médias. Tout est en place pour faciliter une opposition non élue, à la fois contre les partis Conservateur (PCC) et NPD. Ce dernier héritier à la peau orangée, jugé "illégitime" selon la tribu des bleu-pâles, combattra probablement lui aussi  assez souvent sur deux fronts (devant justifier ses prises de position), ce qui constituera une particularité peu commune pour un parti d'opposition. NPD = Nouveau parti démocratique ou... Nouveau parti démonisé? Ça reste à voir.

Et les plus radicaux...

Un Québec isolé du Canada, mais dans un parti fédéraliste, créera beaucoup de mécontentement chez les souverainistes purs et durs, mais pire encore chez les ultra-gauchistes parmi ceux-là. Le climat sera très propice aux extrémismes qui rejettent le jugement du peuple en faveur de ce qui a davantage les airs pour eux, de l' "agent orange" (allusion au produit chimique utilisé pour défolier les forets et révéler les positions ennemies durant la guerre du Viêtnam). Habituellement et historiquement (incluant l'Europe), les éléments de la gauche plus radicale passent par d'autres moyens pour accomplir ce qu'ils ne peuvent atteindre par les urnes et le suffrage électoral. Déjà, une manifestation anti-conservatrice a eu lieu spontanément dans les rues le soir du 2 mai. Croyez-vous que ce sont des partisans NPD? Évidemment non, car au même moment, ces derniers avaient le cœur à la fête et s'étourdissaient. Car le démembrement du Bloc était le prix de leur victoire. Il leur fallait boire la vie du Cube, pour naître à eux-mêmes. Mais attendez-vous de voir systématiquement attaqué notre mode de scrutin démocratique. Et s'ils perdent après une hypothétique réforme du système électoral, le problème sera ailleurs (les immigrants? les écoles privées? les chrétiens? etc.).

Meilleur que les séries de la LNH et un "poids" vert au parlement

Il est rare que les élections au Canada soient plus passionnantes que les séries de hockey de la LNH. Ce fût le cas le 2 mai 2011. Et il y a un ex-joueur de la LNH qui doit se réjouir, Laraque le vice-président du Parti Vert, un baraqué qui mange de la verdure au sens littéral (les taureaux en mangent aussi). Le pari vert a été réalisé avec l'élection de Madame May dans l'ouest (Colombie Britannique). Il y a désormais un "poids" vert au parlement. Les "pétroleurs" n'ont qu'à bien se tenir. Et il est probable que ce parti soit appelé à une certaine croissance dans le futur.

Agir en vrais démocrates

Mais mardi, c'est le retour à la réalité. La suite risque d'être fort intéressante, mais il nous faudra certainement et inévitablement veiller au respect du choix populaire. Sinon, nous ne sommes pas des démocrates à part entière. Dans toute démocratie, il y a toujours des régionalismes ou des particularités sectorielles (classes d'emploi ou d'activité économique, etc.). Et dans toute gauche radicale (une partie de l'électorat bloquiste), sommeille une certaine exécration du choix populaire (régionalisme ou sectoriel), lorsqu'il ne s'aligne pas sur son élite. L'Europe y a goûté au vingtième siècle. Si le peuple ne sait pas voter, on lui enseigne dès l'enfance, quitte à utiliser un cours obligatoire du genre ECR (ÉCR).