vendredi 17 décembre 2010

Des femmes enceintes continueront de subir des pressions pour avorter : décision du Parlement canadien

Roxanne Fernando, a inspiré
le nom du projet de loi C-510
ou loi Roxanne
Le Gouvernement canadien a tranché en rejetant le projet de loi C-510. C'est par un vote de 178 contre, et 97 en faveur, que le projet de loi privé aussi connu comme la loi Roxanne, a été battu à la Chambre des communes au Canada. Ce projet de loi visait à restreindre les pressions exercées sur certaines femmes enceintes pour les contraindre à avorter. Cela touchait donc un aspect méconnu, de la violence en milieu familial, mais pas que...

Le projet de loi C-510 ou projet de loi Roxanne était ainsi nommé à la mémoire de Roxanne Fernando, sauvagement frappée à 20 reprises avec une clé à molette (un wrench) par son petit ami aidé de deux "copains". Elle fut déposée dans le coffre arrière d'une voiture. Mais lorsque les jeunes hommes entendirent ses gémissements, ils la transportèrent de là vers un autre endroit pour achever leur "besogne" meurtrière avec un bâton de hockey, avant de disposer de son corps dans un banc de neige. Selon toute vraisemblance, c'était pour la raison suivante : avoir refusé d'avorter, alors qu'elle était âgé de 24 ans. Elle a été battue à mort, puis abandonnée, en février 2007.


Évidemment, hors de cet extrême, il existe de nombreux cas quand même sérieux où des femmes soit-disant libres, subissent des pressions importantes de leur milieu  pour avorter contre leur gré. Et à la réponse du ministre canadien de la Justice, pour qui la violence est déjà couverte par le Code criminel, on peut répondre que c'était la même chose sous le gouvernement Libéral, pour la violence ciblant les homosexuels, et pourtant, le Canada en a fait un cas spécifique. Vous voyez, tout est une question de voir, ou choisir de ne pas voir.

La logique de la loi Roxanne était pourtant simple : elle aurait permis aux femmes victimes de pressions sérieuses par une ou des personnes, de dénoncer ces dernières et éviter que cette coercition tende à dégénérer en violence comme dans le cas de Roxanne.

Une société ne peut pas d'un côté affirmer haut et fort, le droit des femmes de choisir d'avorter, et de l'autre, renier sciemment le fait facilement vérifiable, que plusieurs femmes subissent pour diverses raisons, des pressions psychologiques, économiques, culturelles et sociales, pour avorter contre leur volonté.

Un conservatisme économique

Ce qui étonne, c'est que le Premier ministre (conservateur), Stephen Harper, ait lui-même voté contre le projet de loi soumis par son député Rod Bruinooge. C'est une preuve de plus que le conservatisme canadien en 2010 est majoritairement un conservatisme économique.

En effet, le projet de loi rejeté visait non pas à criminaliser l'avortement, mais les pressions indues à inciter une femme enceinte à l'avortement.

Parti Libéral et Bloc Québécois

Selon la Presse canadienne (PC), Le chef du parti Libéral, Michael Ignatief était absent au moment du vote, tandis que le le député et chef du Bloc Québécois, Gilles Duceppe, ne semble pas vivre, à mon avis, dans le même monde que nous. Il aurait prétendu selon l'agence PC, que les femmes ne subissent pas de pressions extérieures pour avorter (je tombe en bas de ma chaise!). 
«Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a estimé que le projet de loi n'avait aucun sens, puisque les femmes ne sont pas forcées à avorter par d'autres personnes, mais plutôt par de tristes circonstances, comme la pauvreté» (1).

...Et il oublie d'autres "tristes circonstances" comme l'amour des biens matériels (la richesse). À croire qu'il demeure à Disneyland, où Blanche-Neige ne vit rien de dérangeant avec les 7 nains. C'est une logique non seulement aucunement fondée sur des faits (quelques interviews de femmes, particulièrement de certains groupes-cibles suffiraient à prouver ce genre de pression ), mais aussi une réflexion digne d'un étudiant en début de première année de Cégep. Il existe des témoignages contraires visant le milieu familial ou même médical, connus de plusieurs ou partagés en privé. Par exemple, de jeunes femmes en début de carrière ou aux études subissent des pressions de leur entourage, voire même de très fortes suggestions provenant même du milieu de la santé, pour opter pour l'avortement. À cet égard, une petite caméra cachée déboucherait sur un excellent reportage démontrant une certaine insistance dans le milieu médical. Mais il faudrait une démarche journalistique véritablement neutre pour l'exercice... Et être prêt à diffuser les résultats, même s'ils vont à l'encontre des idées reçues au Québec et au Canada, selon lesquelles cela n'existerait pas.

Une défaite de la liberté de choisir librement de donner naissance

Ce rejet, même parmi les Conservateurs, est à mon sens, une défaite réelle et symbolique de la liberté de choisir librement de donner naissance et du droit à une information juste et complète sur l'avortement médical et ses conséquences physiques et psychologiques possibles. Et tout ceci est victoire pour des opposants qui se réclament pourtant de la liberté de choisir sans contraintes extérieures... Trouvez l'erreur!

Pour la logique et la consistance, on repassera

Autre affirmation qui force à s'interroger sur la logique des résultats du vote;  celle du leader parlementaire du Parti libéral : 
«Selon le leader parlementaire du Parti libéral, David McGuinty, il y a déjà tout ce qu'il faut pour ce genre de situation dans le Code criminel et il a qualifié le projet de loi de "superflu" » (2).
Même questionnement pour cette affirmation comparable, du ministre du Patrimoine (conservateur) :
«Ces protections existent déjà dans le Code criminel. C’est l’avis du ministre de la Justice et je suis d’accord avec lui» (3).

(...) Cette conclusion à l'effet que la femme serait déjà protégée, est aussi gratuite que le serait le fait de dire qu'une femme peut poursuivre au criminel un petit copain qui l'aurait convaincu de façon trop persuasive (ex. pressions psychologique), à recourir à des implants mammaires ou se faire refaire le nez,  s'il arrivait que la chirurgie tourne mal. Dans la vraie vie, il serait presqu'impossible pour cette femme, de prouver qu'elle n'a pas agi de son propre chef, à moins de faire la preuve qu'elle n'était pas en pleine possession de ses moyens (ex. dépression sévère, médication altérant son jugement, menaces, etc.). C'est la même situation, sans encadrement légal spécifique, pour la femme qui chercherait à se protéger d'une pression indue, pour interrompre sa grossesse.

C'est un fait facilement démontrable, par simple enquête statistique (questionnaire à des femmes qui ont connu une grossesse, menée à terme, ou non, que des femmes enceintes en bonne santé, subissent des pressions psycho-sociales pour interrompre leur grossesse. Et de là à la violence verbale (psychologique) et physique, il n'y a qu'un pas.

Pour approfondir la réflexion sur l'avortement au Canada

Je vous suggère d'écouter ou de réécouter, entre autres, le débat suivant, où l'étudiante universitaire et jeune mère, Marilyn Paris, témoignait en fin d'entrevue le 21 mai 2010, que sa belle-soeur ayant donné naissance le jour précédant l'entrevue, s'est fait offrir à environ 4 reprises d'avorter, par son médecin, durant le suivi de grossesse (la partie concernée par les pressions pour avorter, écouter la courte portion entre 17min06 et 17min21 ). J'ai moi-même entendu ce genre de témoignage à quelques reprises dans mes engagements sociaux, ciblant le milieu médical, au cours de la dernière décennie.
http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/CBF/ChristianeCharette201005210905_2.asx
(la partie du document audio, concernée par les pressions pour avorter : entre 17min06sec. et 17min21sec.)

Pour un peu d'historique sur l'avortement au Canada et un exemple de pressions pour l'avortement:

Marilyn Paris jetée aux lionnes de Christiane Charette


http://yapasdpresse.blogspot.com/2010/05/marilyn-paris-jetee-aux-lionnes-de.html
(la partie du document audio, concernée par les pressions pour avorter : entre 17min06sec. et 17min21sec.)
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1.  La Presse Canadienne, Le projet de loi sur l'avortement a été rejeté aux Communes, mercredi 15 décembre 2010.
Publié sur le site internet de la station de radio FM 98,5 (site consulté le 16 décembre 2010)

2.  La Presse Canadienne, du même article, mercredi 15 décembre 2010.

3.  Brian Lilley, Politique fédérale : Ottawa dit non à un projet de loi contre l'avortement, Agence QMI, 15 décembre 2010.
http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2010/12/20101215-203659.html
Note : Ce n'était pas un projet de loi contre l'avortement, mais contre la persuasion abusive exercée contre la volonté d'une femme enceinte, visant à la pousser vers l'avortement.