jeudi 19 février 2009

Violence et intimidation à l'école; cas vécus et réflexion

La violence et l'intimidation à l'école peuvent prendre plusieurs formes. Et les résultats engendrés peuvent être sérieux comme ce cas, ces jours-ci, du suicide d'un jeune ridiculisé en raison de sa petite taille. Verbale et sous-entendue ou physique, la violence fait toujours mal ; détresse psychologique, démotivation, décrochage, réponse par la violence, etc.

Cas vécu dont une mère de nos contacts personnels nous a fait part

Un jeune fille à l'école secondaire était stigmatisée en partie parce que ses parents avaient une foi différente de la majorité (protestants dans une région catholique). Mais le mépris avait cours aussi parce que la jeune fille avait des intérêts différents. À la puberté, elle aimait encore la nature et les animaux et ne craignait pas de prendre un insecte, un reptile ou même un crapaud dans ses mains. C'était à l'âge où plusieurs jeunes filles mettent d'autres trucs dans leur bouche, dans des fêtes initiatiques dans des sous-sols de résidences, par exemple.

Celle-ci en vînt à vivre une détresse psychologique et était au bord du décrochage scolaire ou pire... Comme c'est souvent le cas, les actes ou paroles de mépris avaient cours non seulement sur les lieux de l'école, mais au retour dans l'autobus scolaire. En effet, dans ces situations, il y a souvent le parcours vers la maison, et en dehors des heures de classe, d'autres actions, dans certains cas, le phénomène récent de la cyber-intimidation via l'internet.

Après un long moment et la perte de motivation de la jeune fille pour l'école et la vie en général, la mère consulta et ensuite exposa franchement le problème à la direction de l'école. Heureusement, elle trouva une oreille attentive. Le groupe d'élève reçut un coup de semonce: ce qu'ils faisaient était du harcèlement et était au sens de la loi un acte criminel. Ceux qui persévéreraient dans cette voie, seraient poursuivis au criminel. Voilà. Tant pis pour les parents indifférents. La situation changea de manière radicale.

Il fallut une intervention directe de la direction. Mais la jeune fille retrouva-t-elle toute sa dignité? Toujours est-il qu'elle a terminé son secondaire, mais en dehors du réseau des polyvalentes. Et lorsque je la vois de temps à autre, elle me semble heureuse. Et elle aime toujours les reptiles et travaille en attendant de débuter ses études post-secondaires sous peu.

Observations dans notre situation familiale

Voici quelques situations que nous avons pu observer en tant que parents d'un garçon qui était au primaire avant un déménagement.

- Il y avait un net manque de surveillance dans la cour d'école. Les rares professeurs surveillants parlaient entre eux (c'était la pause pour eux aussi).

- Aucune distinction n'était faite entre agresseur et agressé. Notre garçon connu dans notre coin de quartier pour être un pacifique, revenait souvent à la maison avec des fiches d'avertissement. Dans nos rues, il jouait autant avec les filles qu'avec les gars et nous ne recevions jamais de plaintes des autres parents.

- Mon fils trouva un stratagème: il rassemblait au besoin une poigné d'amis de sa classe et allait parler à un éventuel individu intimidant plus âgé. J'étais mal à l'aise avec cela, car cela ressemblait à de la graine de gang (pacifique tout de même). Mais que pouvions-nous faire face à cette espèce d'attitude de non-enquête sur les événements survenant dans les cours d'écoles? L'école ou la Commission scolaire avait cette politique; on ne recherchait pas de coupable, à moins d'une évidence incontestable. On punissait indifféremment l'agresseur et l'agressé. Et comme mon fils ne se défendait pas en cachette, il écopait.

- Souvent, il n'y avait pas de discernement pour séparer les actes anodins (tiraillage normal entre enfants) et véritable agression.

- J'étais rendu au point où je disais à mon épouse, que si j'avais un caméscope, je prendrais des périodes de congé pour me stationner près de la clôture et filmer la cour d'école, particulièrement l'entourrage de mon fils pour voir qui provoquait qui. Heureusement pour cette école, j'avais d'autres priorités au budget. Sinon, une copie d'extraits du film aurait atterri sur le bureau d'un policier ou chez les medias, si nécessaire.

- Les enseignantes faisant fonction de surveillantes pour les jeux n'identifiaient pas les comportements dangereux au jeu. Très fréquemment, durant la saison du soccer dans la cour d'école, mon fils revenait à la maison avec des échymoses (des bleus) aux jambes, aussi gros qu'une pièce de 2 dollars et même plus. C'était toujours le même élève qui frappait le ballon de toutes ses forces même lorsqu'un autre élève se trouvait à deux pas de lui. Souvent même, il frappait la jambe d'un solide coup de pied, et l'action passait pour un banal accident. J'ai compris à ce moment que le personnel n'était même pas capable d'identifier un comportement de jeu à risque ou l'enfant qui blesse intentionnellement. Je ne portai pas plainte par peur que cela ne se retourne contre mon enfant et par crainte qu'on interdise le soccer à tous. Par contre, on donnait des fiches de discipline lorsque des garçons se poussaient en jouant sur la neige et que dans la montée d'orgueil, l'un jetait l'autre par terre sur la neige.

- Il n'y avait pas de surveillance aux abords de l'école, dans la rue où sur les trottoirs en dehors du terrain. Une fois, je surpris un jeune à l'attitude fort agressive empoignant et menaçant un autre qui semblait vouloir éviter la bagarre. C'était à 2 mètres de la clôture entourrant l'école. L'autre élève semblait plus pacifique et sur la défensive, mais il ne s'en laissait pas imposer. Je circulais souvent sur cette rue, sur le chemin du travail ou de la maison. J'immobilisai mon véhicule à cette traverse de piéton de l'école concernée, et regardai celui qui était agressif avec insistance, pour lui faire sentir ma présence. Il vit mon véhicule arrêté et modéra ses menaces.

- Un jour, à la sortie d'une autre école, j'effectuais un levé d'arpentage avec un instrument au niveau sur un trépied. Un jeune garçon se jeta presque sous le trépied pour attirer mon attention et chercher protection de ma part, contre un élève au comportement douteux.

- Dans la cour d'école de mon fils, un élève au comportement violent et fui par les autres, se trouvait souvent dans une zone neutre de la cour, sans être intercepté par les surveillantes de la cour d'école. Il avait une forte taille pour son âge et se tenait souvent près de la section des élèves de la maternelle. De leur position habituelle près d'une des portes, les enseignantes ne pouvaient pas le voir dans ce secteur et il le savait.

- C'est lui qui à l'âge de 8 ans, dans notre voisinage, avait initié un jeune de 6 ans à la fellation. Le problème commençait donc évidemment à la maison. Heureusement le fait commis envers un amis de notre fils nous avait été rapporté et nous avons pu aviser la mère de l'enfant ainsi que la direction de l'école. Et heureusement, nous avons aussi été avisés par une mère de notre voisinage que ce jeune, costaud pour son âge qui jouait avec notre fils depuis quelques semaines, avait un comportement douteux et avait même cassé une ou des dents à un enfant.

Dès que possible, nous avons inscrit notre enfant à des cours d'auto-défense. Il apprendrait dans ce monde "évolué" à n'utiliser que la force nécessaire en cas de véritable agression. Mais je pensais souvent à ce jeune que nous avons dénoncé. Ne serait-il pas tenté de se venger de notre dénonciation lorsqu'il aurait 16 ans? Tout cela nous passe dans la tête. Ne pourrait-il pas à ce moment, nous voir comme la cause de toutes ses douleurs et commettre quelques chose de très grave pour se venger?

Puis, nous avons déménagé dans un plus grand centre urbain pour mon travail, et nous avons choisi une école en fonction des valeurs véhiculées. Désormais, nous ne recevions presque jamais de fiches pour des comportements déplorables (5e et 6e année du primaire) et nous collaborions avec l'école, le cas échéant.

Inutile de dire, que non seulement mon nouvel emploi, mais tout autant cette attitude de non investigation et de fiches à répétition sans égard à la responsabilité (agresseur vs agressé) ont été un facteur important dans la décision de prendre le risque de quitter notre milieu de vie.

Réflexion

Laissez aux garçons le droit d'être des garçons. Lâchez-les avec les cours d'éthique et culture religieuse et faites-les bouger et dépenser de l'énergie dans un environnement contrôlé. L'école publique aurait intérêt à revoir ses petites théories. Faites augmenter le nombre d'enseignants mâles au primaire. Eux, ils savent c'est quoi un garçon et discerner entre violence et petit "tiraillage" qui demande un simple avertissement sans fiche de délinquant. Notre expérience a prouvé que notre fils était normal et non un violent. Son défaut : être un garçon qui n'avait généralement pas peur, qui oubliait de se cacher lorsqu'il se défendait. Les cas de violence véritable étaient extrêmement rares et sa présence à la nouvelle école l'a confirmé.

Cette attitude de non-enquête et non-identification de l'agresseur cause certainement du tort. La vraie vie n'est pas comme cela. Même chose pour le manque à discerner la violence véritable d'un côté, et de l'autre, le jeu qui tourne à la blessure au genou ou au coude (blessure ne résultant pas d'un acte planifié).

Dans ce contexte à la Jean-Jacques Rousseau, la graine de bandit continuera de grandir et le pacifique a de forte chance de développer lui aussi un comportement violent, en guise de défense. Certains jeunes risquent même de sur-réagir, à force d'être excédés. Il y a quelques années, dans l'est du Québec, un jeune du secondaire a tué accidentellement un autre d'un solide coup de poing, pour une simple casquette arrachée de sa tête. De son côté, sans s'en rendre compte, mon fils avait déjà compris en 4e année du primaire, le principe de la force dans l'association; pacifique à ce moment-là. Mais que serait-il arrivé dans la même situation à l'adolescence? Est-ce le modèle que nous voulons comme société?

Sommes-nous rendus au point où il faudrait des caméras de surveillance dans les cours d'école et à leurs abords (je crois que oui) ?

Faudrait-il des surveillants distincts et formés pour les périodes d'entrée et de sortie des élèves (ou encore des agents de sécurité à certaines heures)? Et puisque la violence et l'intimidation risquent surtout de se déplacer (rues avoisinantes, autobus, internet), et que la répression ou l'intervention sur la propriété des écoles seulement ne suffisent donc pas, ne faut-il pas voir l'école, comme un lieu d'intervention privilégié pour la prévention et l'éducation des comportements, mais avec un milieu de vie hors de l'école plus coopératif et impliqué?

Pensée : Enlevez l'avenir de notre système d'éducation des mains des théoriciens de 25 ans de formation académique qui se servent de la société comme d'un laboRAToire.