samedi 3 mars 2012

Antidémarreur-alcootest pour tous? Considérez ceci avant

Extrait d'un dessin d'enfant
3 MARS 2012. C'est reparti, certains médias (ex. TVA sur son Facebook) suggèrent qu'on devrait imposer systématiquement l'installation d'un antidémarreur éthylique (contrôle de la consommation d'alcool) dans tous les véhicules. En France, l'éthylotest obligatoire dans chaque véhicule instauré en 2012 n'est pas relié au système de démarrage (ce qui serait beaucoup plus coûteux). Pourrait-on simplement commencer par la présence dans chaque véhicule, d'un kit obligatoire de test qu'on vendrait en pharmacie ou aux points de vente d'alcool et qui n'aurait même pas besoin d'être électronique? 

En plus d'être très coûteux (certainement au-delà de 1000$), l'antidémarreur électronique relié au système de démarrage a besoin de calibrages réguliers. Il exige aussi la maturité nécessaire à une compréhension globale de la problématique du taux d'alcool (un cerveau fonctionnel au moment de s'en servir). Par exemple, vous pouvez être à 0,07 au moment du test, mais votre taux peut dépasser le 0,08, à peine 30 minutes plus tard parce qu'il était encore en courbe croissante. Ou encore vous avez pris seulement un verre, mais vous avez pris d'autres substances psychotropes (ex. drogues légales ou illégales). L'antidémarreur n'exclut pas le jugement ET au contraire, demande une compréhension plus globale qu'un simple test de 30 secondes. Malheureusement, les personnes en faveur pensent que ce n'est que cela, une petite formalité de 30 secondes. Or la fausse sécurité (je ne dépasse pas le 0,08), est probablement plus dangereuse que le doute (je ne prendrai pas de risque; appelons un taxi).

Le système ne vous empêchera pas de constituer un danger pour vous-mêmes, pour les autres ou pour hériter quand-même d'un dossier criminel avec tous les coûts et contraintes rattachés.

EN RÉSUMÉ
Voici une liste de tout ce qui ne peut PAS être contrôlé par un antidémarreur éthylique (contrôle du taux d'alcoolémie dans le sang):

Toutes ces causes sont toutes sérieuses pour les risques d'accident. L'antidémarreur éthylique (pour l'alcool) ne détecte PAS:
  • Les drogues (ex. méthamphétamines ou speeds, cannabis, etc.
  • La somnolence (fatigue)
  • Le manque d'attention (ex. 4 ou 5 jeunes de 16 à 18 ans dans un véhicule).
  • Le manque d'expérience ou l'incompétence du conducteur, ou l'immaturité sans égard à l'âge; des conducteurs peuvent avoir 30 ou 40 ans sans êtres matures (j'en vois chaque jour lors de mes trajets dans la région de Québec qui n'ont visiblement jamais suivi un cours de conduite préventive). 
  • Ne détecte pas les les textos-conducteurs («té où?» Réponse: «autoroute 40, jarrive dans», "BANG !" et on apprend la suite du texto par les nouvelles de la collision mortelle).
  • Ni les téléphones portables (cellulaires) sans système "mains libres" ni composition par la voix.
  • Les conducteurs qui font un usage dangereux du système de navigation automobile de type GPS, par exemple en entrant une adresse ou un code postal alors qu'ils roulent sur une chaussée ou s'engagent sur une bretelle d'accès à l'autoroute. J'ai failli emboutir un véhicule qui s'est carrément immobilisé dans une bretelle alors qu'il n'y avait ni trafic, ni obstacle.
  • Ni les gens en mauvaise santé mentale ou en crise émotive ou détresse psychologique et tendances suicidaires.
  • Ni les conducteurs avec un permis de conduire non valide (suspendus).
  • Ni les drogues légales, mélangées ou non à d'autres substances comme l'alcool, ou les effets combinés de divers médicaments.
  • Ni les aînés en perte d'autonomie.
  • Ni les pneus trop usés. Suggestion aux policiers et aux partisans de l'antidémarreur éthylique : marchez dans un grand stationnement du Québec en hiver et en passant, regardez les pneus des autos, vous aurez beaucoup d'occasions de vous "amuser" (tristement), même avec des véhicules de luxe dont les pneus sont trop usés pour la route. Beaucoup de pneus "d'hiver" ont à peine 5 mm de profondeur des sillons.
  • Ni les excès de vitesse, ni les changements de voie sans signalement de son intention (clignotants), 
  • Ni les conducteurs, même jeunes, qui ont oublié ou perdu leurs lunettes ou qui n'ont pas eu un examen de la vue depuis 10 ans.
  • Ni ceux qui sont préoccupés, et qui ne voient plus la route.
  • Ni ceux qui négligent l'entretien de leur véhicule (ex. les freins défectueux, les pneus non conformes ou trop usés tel que nommé précédemment, etc.).
  • Ni les obstacles sur la route la nuit
  • Ni les connaissances sur le taux d'alcool. Par exemple, le taux d'alcoolémie peut être encore en croissance au moment du test. Le conducteur peut donc être potentiellement dangereux ou quand même intercepté sur la route, et risquer un dossier criminel. Contrairement à ce qui est véhiculé dans les médias, c'est donc plus qu'une simple procédure de 30 secondes. Cela n'exclut pas le calcul des consommations et le facteur temps; donc le gros bon sens.
  • Sans oublier que des conducteurs fautifs de la clientèle visée (jeunes) pourraient trouver un ami pour souffler à leur place lors d'une virée nocturne.
     
Pensons-y sérieusement, parce que s'il faut contrôler, ne serait-ce que tout ce qui a de fortes probabilités de causer des accidents avec blessures graves ou décès, l'équipement électronique de sécurité et ses "sensors", coûteront quoi, 25,000$?

Réponse à l'argument «D'autres pays l'ont fait»
  • Ce genre d'argumentaire fondé sur les pays l'ayant adopté, sélectionne certains pays "modèles" de manière plutôt arbitraire en fonction de la conclusion désirée, mais non les autres pays, même s'ils sont plus nombreux à ne pas le faire et tout aussi crédibles. C'est le libre-service législatif; un peu ici, un peu là. Le problème avec ce "picolage" en matière de droits, c'est justement l'aspect sélectif du pays, en fonction de ce qu'on veut imposer ou inversement libéraliser. Par exemple, TVA sur son Facebook le 3 mars 2012, dit que le système implanté en France serait avec antidémarreur alors que ce ne serait pas le cas selon ce que j'ai lu sur le sujet, mais plutôt un kit de test obligatoire dans chaque véhicule et même PAS nécessairement électronique (France)! Appliquons-le, ce principe du copier-coller les autres pays, à une autre question sociale. Plusieurs pays d'Europe ont le service militaire obligatoire. Alors, sur la même base, donc, je suggérerais qu'on implante le service militaire obligatoire au Québec. Évidemment, j'ironise... En Suisse, un citoyen est soldat à la naissance et peut être conscrit au besoin lorsqu'il aura l'âge. Alors implantons-le au Québec. Je ne pense pas que vous seriez d'accord, sur la simple base que ça se fait ailleurs, dans un pays crédible.
  • Mais surtout, les éléments de droit dans un pays, font partie d'un tout, dont nous ignorons souvent des particularités importantes et l'inter-connectivité de divers facteurs, comme le cadre législatif élargi. Par exemple, la présence ou non d'un système no-fault dans le pays? L'obligation ou non des cours de conduite et leur contenu, durée, etc.  La sévérité des peines pour les contrevenants. Les types de mesures coercitives. L'âge minimal des conducteurs en fonction du nombre de passagers. L'existence ou non d'un couvre-feu pour jeunes conducteurs. Le climat du pays et les conditions routières saisonnières. Les coûts et clauses des assurances et des soins de santé couverts ou non. Par exemple, plusieurs conducteurs actuellement sur nos routes ont obtenu leur permis de conduire durant de nombreuses années récentes où les cours n'étaient plus obligatoires de 1997 à 2009. J'en vois les effets chaque jour quand on porte atteinte à ma sécurité sur la route. Je vois aussi des jeunes qui conduisent avec un capuchon sur la tête et qui ne savent sûrement pas ce qu'est un angle mort.
  • L'installation d'un appareil obligatoire et coûteux pour tous, sans égard au dossier et habitudes personnelles, constitue une déresponsabilisation individuelle de plus dans une société déjà sur-maternée comme le Québec.
  • Les coûts de cet équipement ne tiennent pas compte des frais d'installation, de son entretien, sa calibration périodique, les éventuelles réparations ou son remplacement, etc. 
  • Au Québec, il y a beaucoup de consommation de drogues (psychotropes) de façon récréative chez les conducteurs (souvent jeunes), sans compter les "drogues" ou substances légales à des fins médicales et qui peuvent altérer le jugement ou les réflexes. Faudra-t-il, tant qu'à y être, un second antidémarreur avec prise de sang, test de pupille et le reste? Un détecteur d'odeur de cannabis dans l'habitacle du véhicule? 
  • Les conducteurs problématiques qui souvent combinent déjà l'alcool à d'autres substances, préféreront éventuellement (et logiquement) prendre d'autres substances pour pouvoir utiliser leur véhicule et restreindre le nombre de consommation d'alcool, s'ils prévoient faire la fête. Le drame de ce type de clientèle téméraire (usage de drogues) arrivera simplement par une autre porte. Un récidiviste avec antidémarreur pourra simplement changer de type de consommation et réussir à démarrer son véhicule durant les années de probation et souhaitera ne pas se faire intercepter par la police. Les barrages routiers sans avis et sérieux demeurent une avenue à privilégier.
Le no-fault sous attaque

Au risque de tout perdre le no-fault au complet, un grand facteur de déresponsabilisation individuelle, peut-être finalement, devrait-on revoir la question du no-fault dans des cas particuliers pour les conducteurs négligents. Par exemple, pour les cas de négligence évidente comme conduite avec excès important d'alcool, ou avec un permis suspendu, et autres pratiques illégales de même nature, comme le délit de fuite ou le refus d'obtempérer nécessitant poursuite automobile (style Cours après moi, shérif - Smokey and the Bandit; un long métrage info-pub?), course entre véhicules sur la chaussée publique, etc. Les conducteurs fautifs ne seraient plus couverts par l'immunité pourvue par l'assurance publique de la SAAQ (no-fault civil) dans pareils cas de négligence grave, ou lorsqu'ils commettent un crime avec un véhicule.

Bande annonce du film Cours après moi, shérif - Smokey and the Bandit (1977)
Suggestion : retrait du no-fault pour le conducteur dans les cas d'utilisation négligente et dangereuse d'un véhicule.