jeudi 20 octobre 2011

Construction publique et corruption : commission remplacera omission

Bonne nouvelle: il y aura une omission commission d'enquête sur la construction (ou collusion dans la construction routière) au Québec. Mauvaise nouvelle : les Québécois sont divisés sur sa réelle efficacité, après l'obstruction longue et systématique du parti Libéral pour l'éviter. Mais probablement aussi, est-ce là une conséquence de l'après commission Bastarache de 2010, dont on se rappelle 
-   le "CSI" (investigation) sur les stylos de diverses encres et couleurs employés par Me Marc Bellemare dans ses notes personnelles, les jours et semaines suivant sa démission comme ministre de la Justice du Québec, 
-  et la méthodologie de sélection des candidats à la magistrature du Québec, avec ses post-its (pense-bêtes) libéraux apposés sur les dossiers des aspirants à une carrière de juge de conviction libérale.
Bref, l'ex-ministre de la Justice y fût considéré davantage comme un suspect fauteur de trouble, que comme un témoin important qui avait peut-être quelques chose à dire.

Encore une fois, je déteste me positionner en doutes, face aux dirigeants, lesquels je le sais,  pour la plupart d'entre eux et elles, sacrifient beaucoup pour nous servir et en retirer peu de gratification et beaucoup trop de critiques en retour. Mais, dans le même ordre d'idée que le programme d'ÉCR (Éthique et culture religieuse) imposé du primaire au secondaire aux enfants du Québec, j'obéis à la contrainte faite à nos enfants, qui est de développer un esprit critique. Car ce que l'on fait pour les idées spirituelles ou pour les valeurs transmises à nos enfants, ont doit le faire aussi pour les idéologies et valeurs éthiques et politiques, évidemment.

La bonne nouvelle arrive peut-être trop tard

Selon certains observateurs, notamment J-Jacques Samson (1) du Journal de Québec, la bonne nouvelle arrive peut-être trop tard pour susciter la confiance. Mais il y a effectivement une bonne nouvelle dans l'annonce d'aujourd'hui : il y aura une commission d'enquête dont la forme précise n'est pas encore bien connue du public. La mauvaise nouvelle : il semble trop tard pour inspirer confiance du côté des payeurs de taxes et impôts qui commencent à se montrer très impatients sur la façon selon laquelle l'argent chèrement gagné dont on les prive sur leurs revenus est dilapidé, notamment en arrosant le côté interlope au passage (les criminalisés) et le côté sombre de "la Force". Le désordre social est à deux pas et cela ne servirait personne, sauf les agitateurs extrémistes (ex. néo-communistes, etc.).

Dans les faits, l'orientation probable voulant que les témoins ne soient pas obligés de témoigner contre leur gré, laisse déjà entrevoir une autre commission limitée dans son mandat, comme la récente commission Bastarache.

Quelques inquiétudes à chasser : Imagine

Faisons un effort pour chasser nos inquiétudes qui peuvent se résumer en quelques points (parmi d'autres).

  • Imaginons une commission à plus d'un juge, choisis indépendamment du politique.
On se souviendra que la nomination du Juge Bastarache, sûrement une bonne personne et compétente en plus, avait quand même créé un malaise. Un juge Libéral présidant une commission pour investiguer les pratiques libérales en matière de nomination des magistrats au Québec avait de quoi laisser perplexe sur la réelle objectivité de ce dernier.
Le juge Bastarache, un Libéral qui a présidé une commission enquêtant sur les présumées pratiques... Libérales, dans la nomination des juges au Québec. Ses accointances avec le parti Libéral qui l'a nommé sont inscrites ici sur un post-it (pense-bête) avec des encres de couleurs différentes pour faire un clin d’œil à certaines révélations de la précédente commission. C'est que d'une part, les dossiers de candidature des aspirants-juges libéraux (aspirant à une carrière dans la magistrature québécoise) se voyaient accoler un post-it inscrit "Libéral". Et il y eut la saga de l'investigation et tentative de datation des encres des notes de l'ex-ministre de Justice du Québec, Me Marc Bellemare, notes manuscrites prises sur plusieurs jours suivant sa démission, étaient de luminescence et couleurs différentes, inscrites sur un support cartonné, aussi investigué par un spécialiste... Cela ne mena à rien de concluant et fût tourné en dérision. On conclut qu'il avait effectivement utilisé plus d'un stylo sur un fond cartonné. L'auteur de ce billet utilise personnellement  plus d'un stylo en une seule journée!

































  • Oublions aussi que le long temps de réflexion du premier ministre, ces dernières semaines où il a déclaré "entendre" ce que disaient les gens (depuis plus de 2 ans), lui a laissé le temps de déterminer la formule la moins risquée pour le parti et d'identifier un ou des candidats juges pour ladite commissions.
  • Essayons d'oublier que le juge Bastarache s'était montré impatient et suspicieux envers l'ancien ministre de la Justice du Québec, Me Marc Bellemare, celui qui affirmait avoir eu des pressions indues pour nommer certains juges, et inversement, plus conciliant envers les proches du parti Libéral du Québec.
  • Ne pensons même plus au fait que Me Suzanne Côté, la procureur représentante du Gouvernement du Québec, dans les prétentions de l'ex-ministre de la Justice du Québec, semblait agir davantage pour remettre en question les témoignages de Me Bellemare, celui qui affirmait avoir eu des pressions indues pour nommer certains juges, plutôt que de vouloir faire la vérité au nom de tous les citoyens du Québec. Plusieurs ont eu l'impression (ou la conviction) qu'elle était mandataire du parti Libéral et non pas du Gouvernement du Québec. Mal briefée, peut-être...
  • Osons croire que les investigations de la commission sur le point de glisser avec douleur, hors de la matrice libérale, ne se porteront pas uniquement sur les pratiques douteuses ou liens entre quelques maires de la vieille école et des représentants de l'industrie (entrepreneurs, consultants en génie civil). Soyons presqu'assurés, que les députés et ministres qui se sont mouillés et qui ont bénéficié des largesses du retour de l'ascenceur (ou doit-on dire un monte-charge pour l'argent?), seront amenés sous les projecteurs de la justice.
  • Osons espérer que plus de deux ans d'obstruction contre une commission d'enquête n'auront pas laissé le temps aux gens corrompus de faire le ménage de leurs dossiers.
  • Osons croire que les prochaines élections n'arriveront pas avant des résultats tangibles et des accusations concrètes.
  • Il est logique de penser aussi, que la commission se penchera sur la façon de faire qui tend à ouvrir la porte aux pratiques douteuses et ira de recommandations sur les modifications à apporter dans l'attribution de contrats publics en construction routière. Rapport de Jacques Duchesneau de l'unité anti-collusion, aidant.
  • Mais les autres secteurs potentiellement infectés, oublions cela (ex. Hydro-Québec; ex. les contrats en informatique au Gouvernement du Québec, etc.). Il ne faudrait quand même pas faire un excès de positivisme.
Entre commission et omission, il est facile de se méprendre

Mais l'idée que les témoins puissent ne pas être contraints de témoigner devant la commission, ni publiquement, ni à huis clos, semble déjà donner le ton et le dénouement de la commission. Qu'on y ait même songé ne dit rien qui vaille. L'exercice sera un buffet froid avec quelques sandwichs coupés en angle. Il y aura quelques trempettes, avec un apéro, rien de plus qu'une petite entrée avec des sourires et de belles distractions pour que les regards se portent à des endroits ciblés, mais les convives (les médias, le public) seront retournés chez eux; laissés sur leur faim. Durant ce temps, on sera probablement rendu à la prochaine élection et il y aura quelques mises en accusation au moment stratégique, mais le pouvoir politique supérieur au Gouvernement du Québec sera épargné, sauf exception. C'est ce que pensent une bonne partie, probablement la moitié, des contribuables québécois.

Pensée :  «Je me souviens», est le devise du Québec. Espérons que c'est ce que nous entendrons lors des témoignages devant la commission.

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1.  J. Jacques SAMSON. La patente à gosses. Journal de Québec, Mercredi 19 octobre 2011.
Pour les lecteurs étrangers, "la patente à gosses" désigne un assemblage avec les moyens du bord et dont on doute de l'efficacité ou de la durabilité. Au mieux, c'est quelque chose qui surprend par son air bizarre. Mais l'expression est plutôt aujourd'hui comprise comme un assemblage très sommaire ou une invention bizarre qui fait rire ou qui ne fera pas un grand succès. L'expression fait de moins en moins partie du langage populaire.