vendredi 16 septembre 2011

Construction publique et corruption : les Libéraux défendent l'indéfendable

16 sept. 2011

Le Gouvernement Libéral du Québec persiste et signe malgré les nouvelles révélations concernant un système de corruption impliquant le politique, des fonctionnaires et des consultants : il n'y aura pas d'enquête publique sur l'industrie de la construction. 


Ou est-ce "indus-truie de la corruption"? L'heure est grave pour l'État québécois. Dans un scandale de son temps, l'ex-premier ministre Robert Bourassa aujourd'hui décédé, avait déclaré : «Je ne défendrai pas l'indéfendable!» L'actuel gouvernement au bord de sa fin devrait en prendre exemple.
(16 septembre 2009, 23h33)

Le Rapport de l'Unité anticollusion a échappé à l'hermétisme (secret sectaire)

L'heure est grave en effet suite aux nouvelles confirmations de ce qui était soupçonné : un système organisé et bien huilé utilisant la collusion (détournement des règles du marché des appels d'offres et contrats publics) servirait au blanchiment de l'argent criminel et impliquerait le pouvoir politique ainsi que des fonctionnaires et des professionnels hauts gradés parmi les consultants en génie civil.

C'est ce que conclut le Rapport de l'Unité anticollusion, lequel a échappé à l'hermétisme (secret sectaire) habituel, auquel ce gouvernement nous a habitués. Bien que le rapport se soit concentré sur la construction routière sous responsabilité du Ministère des Transports du Québec, il y est précisé, qu'il n'est pas exclu que le problème soit beaucoup plus large. On peut donc penser immédiatement au municipal et aux autres secteurs d'activités comme l'attribution des contrats en informatique, etc.

Voici ce qui nous semble plus que de simples "allusions" ou suppositions dans le rapport, alors que la position de défense actuelle du Parti Libéral du Québec fait état d'affirmations jugées générales, vagues et imprécises:

«Il n'est pas simple d'enquêter sur un monde qui repose sur des ententes secrètes et jouxte celui du crime organisé. Phénomène parfois menaçant, la collusion est difficile à déceler et a fortiori à estimer. Tout indique cependant qu'après avoir pris de l'ampleur ces dernières années dans l'industrie de la construction, elle aurait connu une relative accalmie avec l'arrivée de l'Escouade Marteau à l'automne 2009, puis de l'Unité anticollusion au printemps 2010. Cette entrée en jeu semble avoir créé un fort climat de nervosité et de prudence parmi les firmes de génie-conseil et surtout chez les entrepreneurs qui, se sentant sous surveillance, auraient eu tendance à modérer le prix de leurs soumissions. À ce jour, les enquêteurs de l'Unité ont malgré tout identifié treize dossiers, pouvant comporter des éléments criminels, qu'ils ont transférés à l'Opération Marteau.» (extrait du Rapport de l'Unité anticollusion)

L'heure est d'autant plus grave que :


Premièrement, l'attitude du Gouvernement actuel mine ce qui reste de capital de sympathie et de confiance envers le Politique. L'attitude défensive du parti atteint donc jusqu'à la démocratie et peut-être la légitimité du gouvernement actuel. Ce qui arrive n'est pas bon, car des influences (ex. anarchistes, ultra-indépendantistes, etc.) pourraient profiter de l'instabilité actuelle pour entraver davantage le fonctionnement de l'État, à la fois socialement, économiquement et politiquement, comme tenta de le faire le FLQ dans un contexte semblable.

Ce gouvernement devrait se souvenir de cette parole prononcée par Robert Bourassa (aujourd'hui décédé), ancien premier ministre Libéral du Québec dans un scandale de son temps :
 «Je ne défendrai pas l'indéfendable» (Robert Bourassa).

Ce à quoi s'obstinent pourtant le premier ministre du Québec et le ministre de la Sécurité publique. Comble de l'amateurisme, le premier ministre du Québec confesse qu'il n'a pas lu le rapport, plusieurs heures après sa diffusion qui a échappé à l'hermétisme habituel. Le rapport a pourtant à peine plus de 70 pages et pourrait être lu en buvant un café et son réchaud, par n'importe quel étudiant de Sciences humaines. Pourtant, le PM le commente et le rejette du revers de la main.

Quelle occasion historique manquée, de sauver le Parti Libéral du Québec et du même coup, restaurer la confiance du peuple dans le pouvoir politique et la Justice!

Deuxièmement, il n'y a pas d'option véritable, en échange de ce gouvernement, en dehors
1) d'un parti souverainiste et très à gauche économiquement (hyper-interventionniste et pro-endettement de l'État)
2) d'un parti non né, qui allierait les troupes pro-François Legault et celles de Gérard Deltell (ADQ, parti en reconstruction).

Il doit sûrement exister une procédure légale pour empêcher ce gouvernement de poursuivre une procédure de démolition de la démocratie québécoise. Je ne peux pas croire qu'il n'existe pas un mécanisme d'urgence, une sorte de mesure exceptionnelle, pouvant forcer une vaste commission d'enquête digne de la Commission d'enquête sur le crime organisé (la CECO) au milieu de la décennie 1970. Celle-ci avait permis de "dératiser" une bonne partie des activités de l'État.  Il est temps de faire revenir les dératiseurs.


Commission d'enquête sur le crime organisé (CECO) vers 1975. Cette commission permit de confirmer des liens d'infiltration de la mafia avec le Politique. Elle mena à plusieurs arrestations. Le mouvement extémiste FLQ profita avant cet exercice, de l'effervescence suscitée par la corruption existante pour déstabiliser l'État par des rassemblements populaires, des bombes et des enlèvements dont celui de Pierre Laporte, ministre du Travail et de la main d'oeuvre, retrouvé mort dans le coffre d'une voiture. Ces évènements étaient au coeur de la Crise d'octobre 1970, quelques années avant la tenue de la CECO.
La lutte contre le crime, c'est comme celle contre les mauvaises herbes et la vermine. Cesser la lutte et la prévention, c'est accepter de perdre le combat.

Troisièmement, l'on est en droit de se demander ce qui empêche ce gouvernement de prendre position en faveur d'une commission d'enquête publique et approfondie, ratissant plus large que les projets routiers et s'attaquant à tous les appels d'offres publics (gouvernemental et municipal). Malgré plusieurs heures de réflexion suite à la divulgation publique imprévue du rapport confirmant la grande fraude bien implantée, ils ont raté la plus belle occasion de rattraper la balle au bond et de créer au moins une impression de vouloir laver blanc; plus blanc que le blanchiment de l'argent du crime via la construction.

Pourtant, les fuites sortent de partout. Les gens au fait des magouilles, témoins ou impliqués, ont de moins en moins peur de parler, car un régime ici au Québec, ne peut pas encore tuer son propre peuple. Mais en sera-t-il ainsi dans dix ou vingt ans si rien n'est fait? Dans ce contexte, le refus d'une commission d'enquête avec des dents, est une bien mauvaise stratégie pour le parti Libéral du Québec.

Pourquoi ce gouvernement ne veut-il pas que la lumière soit faite?

Soit le premier ministre sait que s'il décrète la tenue d'une véritable commission d'enquête, c'en est fait du Parti Libéral du Québec pour les dix ou douze prochaines années, comme il en est pour le Parti Libéral du Canada depuis la Commission d'enquête Gomery, sur le scandale des commandites.

Soit encore, le gouvernement a quelque chose à se reprocher jusque dans les plus hautes sphères et certains de ses membres ou amis proches sont directement ou indirectement impliqué dans un marché underground de blanchiment d'argent criminel et de corruption impliquant la collusion (ententes de détournement des règles) avec le système. Cela, selon le rapport, serait en lien systémique avec le financement du parti et donc son grand pouvoir. Cela nous ramène à l'esprit "la Machine" Libérale, dont il a été question à maintes reprises dans l'enquête déclenchée par les déclarations publiques de Me Marc Bellemare, ex-ministre de la Justice sous ce gouvernement Libéral. Cette hypothèse n'implique pas que le gouvernement serait directement impliqué dans l'organisation du blanchiment de l'argent criminel, mais au moins qu'il s'en accommoderait, puisque la collusion (changer les règles du libre marché) créerait un input pour la caisse du parti Libéral.

Nous espérons que la première hypothèse soit la bonne, la peur de la fin du Parti Libéral du Québec pour dix ans. Mais si c'était les deux; la peur et l'implication directe du parti dans une collusion détournant les règles d'attribution des contrats publics ou pire encore, une implication directe avec certains éléments criminels?

Quand un Eliot Ness se lèvera-t-il? Quand des lieutenants du parti confronteront-ils le Boss? Jusqu'ici, presque tous s'écrasent et suivent la ligne de parti. Et jusqu'ici les enquêtes de l'Opération Marteau ont davantage ressemblé à cet ancien petit marteau jouet en caoutchouc creux qui faisait «Choui-iche!»,«Choui-iche!» lorsqu'on serrait la poignée ou cognait des clous imaginaires avec. C'est qu'ils font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont.

Dans ce genre d'enquête, il me semble qu'on offre quelques cas-types en pâture aux médias et au public, lesquelles servent à l'expiation publique. Mais le plus grand nombre des coupables, reste souvent caché dans la Mer des "Liasses", après avoir calmé la foule assemblée au portail de fer avec des torches et des cordes. Difficile de croire que ce soit le plan de défense numéro un de la "Machine Libérale". Au moins, une commission peut punir un gouvernement. Les accusations sont graves, selon les indices convergents des dernières années: l'État pourrait être infiltré par la mafia et le crime organisé, depuis les appels d'offres publiques, jusqu'à la nomination des juges et des hauts-fonctionnaires.

Un parti qui n'aurait rien à cacher, il me semble, aurait déjà déclenché une grande opération-nettoyage, ET beaucoup plus large que la construction routière au Ministère des Transports. La thématique serait l'attribution des contrats divers (construction, informatique, services, etc.) dans le marché des appels d'offres publiques du Québec (gouvernemental, municipal, sociétés d'état, etc.). Stratégiquement, il vaudrait mieux sacrifier quelques ministres, députés et fonctionnaires, si c'est pour sauver un parti politique majeur dans l'histoire du Québec. Et qui sait, quelques scandales impliquant le précédent parti au pouvoir, le Parti Québécois, pourraient permettre aux Libéraux de sauver la face et fermer la bouche à ce dernier. Mais peut-être qu'il vaut mieux que ce parti soit emporté par le réchauffement politique. Soit Monsieur Charest est bien mal conseillé; soit il n'écoute plus les bons conseils et donne le pas.
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Construction - sondage : Les Québécois exigent une commission (Journal de Montréal, 16 septembre 2011)

Rapport de l'Unité anticollusion, Document partagé en format PDF