vendredi 13 mars 2009

Légalisation des drogues?

Périodiquement, nous entendons des réflexions visant à légaliser ce que l'on ne peut pas contrôler. Celles-ci viennent de la part des politiciens ou de groupes de pression et maintenant de stations de radio. Verrons-nous le jour où les jeunes n'iront plus en centre de protection de la jeunesse pour possession et consommation de drogues, mais pour vols de plants de cannabis dans un ancien champ de maïs?

NOTE : Cet article existe sous une forme entièrement refondue les 11 et 12 mai 2010 et le 5 août 2013; voir le lien : Retour du lobby du cannabis : nationaliser les drogues? (5 août 2013)
http://yapasdpresse.blogspot.com/2010/05/mais-ou-cannabis-le-lobby-du-cannabis.html )

Le titre aurait pu être tout aussi bien La Dérive du continent... ou de l'incontinent.



L'argument pour no 1 pour la légalisation : Les gens qui veulent se procurer des drogues le font même si leur consommation est illégale.

À moins que je ne me trompe, c'est la même chose avec un individu qui veut se trouver une arme de poing (révolver). Il lui suffira d'aller dans le "bon" quartier et le "bon" bar. Des journalistes l'ont testé dans un passé très récent diffusé dans un reportage. On peut aussi, si on le veut, se procurer des appareils électroniques volés dans vos quartiers. Devrait-on pour autant décriminaliser la vente de vos appareils (lecteurs vidéo blue ray et écrans plats), libres des taxes et sans licence d'entreprise?

Deuxième argument majeur pour la légalisation : les coûts financiers de la justice reliés à la prohibition (enquêtes, police, tribunaux, application des peines) seraient récupérés selon eux.

La preuve est loin d'être faite. Pensez seulement à la hausse possible des accidents de la route ou aux éventuels problèmes de santé mentale, etc.

Et l'argent est rarement une mesure valable de la justice et de l'équité. Ce serait plutôt le contraire.

Le phénomène de banalisation de l'usage des drogues est du même ordre que celui de l'acceptation sociale du suicide. À partir du moment où une société dit que le suicide est une solution courageuse et acceptable, voire respectable, ce dernier augmente dans sa population (un fait statistiquement reconnu). C'est une forme de renforcement positif de l'acte autrefois prohibé, si l'on veut.

Mais la vraie réponse à ce deuxième argument en faveur de la légalisation des drogues se trouve dans la compréhension de la véritable motivation de la criminalité

Mais surtout, il y a dans l'argument du coût de la justice, en faveur de la décriminalisation, un manque flagrant de compréhension de la motivation qui pousse à la criminalité ou à la fraude, et cela est maintenu chez les médias comme dans la population en général.

Le vrai fraudeur ou le vrai criminel ne se dira pas le matin de la légalisation d'une chose: «OK. Je cours me trouver un job de 8h à 17h, 5 jours par semaine».

Voici plutôt comment il pense: «Comment puis-je faire de l'argent rapidement et avec le moindre effort»? Il agit ainsi soit pour améliorer son niveau de vie (supplément à son revenu légal), soit pour payer une dette, ou pour répondre aux besoins engendrés par une dépendance, pour appartenir à un groupe où il sent qu'il est quelqu'un et qu'il a du pouvoir, etc. S'il peut faire son année (salaire) en deux mois d'effort réel, il atteint son but qui est: Le plus d'argent facile, le plus vite possible. Voilà sa déclaration de mission. Et il y a plus que l'argent dans certains cas. Pour certains, il y a un mode de vie et une psychologie particulière; une communauté parallèle dans la communauté.

L'un peut répondre que la nature tend à combler le vide. Autrement dit, en l'absence d'un marché légal pour les drogues, la nature humaine le comblera par un marché illégal.

Et si on inversait l'argument comme suit: si l'illégalité est abolie et si avec la légalisation, disparait le moyen facile de faire des gains d'argent, il faut trouver autre chose. Donc, les apparentes économies reliées à la justice et à l'application des lois, seront bientôt utilisées pour combattre de nouveaux secteurs criminels qui se développeront inévitablement (ex. la copie, bonne ou mauvaise).

Réfléchissons un peu

Si donc, par exemple, nous légalisions les drogues et les rendions accessibles en pharmacie, le milieu criminel chercherait un nouveau moyen pour faire de l'argent facile. Autrement dit, cette économie souterraine muterait comme un virus.

Par exemple, les cigarettes et le tabac sont en vente libre. Or, on trouve pourtant un moyen de contourner la contrainte. Dans ce cas, c'est facile, car il y a une faille juridique dans notre système. On s'approvisionne de territoires exempts de taxes, territoires enclavés dans certaines régions près de certains grands centres urbains.

Même chose si nous légalisions le cannabis, même dans une version plus soft (moins de THC) comme celui du marché des années 1960. Premièrement, il y aurait le maintien de la vente illégale de la version plus concentrée en THC, pour un prix sans taxe. Et nous continuerions de voir l'apparition de trucs plus sales encore, vendus au marché noir. Les chimistes (et pseudo-chimistes) continueraient, comme c'est déjà le cas, de produire de nouvelles molécules, sans égard au bonheur à long terme des jeunes et moins jeunes, ni à leur santé et bien-être. De là d'ailleurs, la création des drogues créant une dépendance dès la première consommation. C'est comme cela que la criminalité fonctionne.

Les risques pour la santé; loins d'être négligeables

Dans un contexte de libre marché et de banalisation de la consommation de substances chimiques, il sera très facile pour un jeune de se voir proposée une panoplie de produits et petites "pilules" et de baisser la garde. Mais qu'y aura-t-il effectivement dans la camelote proposée? Une drogue créant une dépendance immédiate? Une substance pour réduire les inhibitions (enlever la retenue de) la personne et la forcer à faire des choses contre son gré (ex. acte sexuel; ex. achat impulsif)?

Il est maintenant en plus confirmé par des recherches que la consommation de cannabis peut faire augmenter le nombre des psychoses chez les jeunes.

Je me souviens de cet étudiant qui avait consommé des drogues douces et qui apprit une mauvaise nouvelle inquiétante pour son avenir à court terme. Quelques jours plus tard, un soir de consommation de drogues dites "douces", il pensa sérieusement au suicide. Mais son arme de chasse de gros calibre n'était pas dans la chambre qu'il louait. Le lendemain matin, il fut surpris de repenser avec crainte au fait que l'impulsion suicidaire de la veille n'était aucunement justifiée. Le nouveau problème serait surmonté comme ceux d'auparavant.

Comment il comprit ce phénomène? La drogue consommée avait agi vraisemblablement comme un amplificateur d'émotions. Habituellement, les émotions étaient positives, mais le revers de la médaille était que les émotions négatives étaient logiquement tout autant "amplifiables" elles aussi. Ainsi, en cas de problèmes comme la perte d'un emploi, une rupture amoureuse et autres du genre, il est facile d'imaginer l'impact d'une banalisation de la consommation, couplée à celle de la valorisation du suicide comme solution acceptable à un problème.

La mort dans une belle chambre aux draps propres; la "douce" piquerie d'État

Mourir dans une piquerie d'État aux seringues aseptisées et dans des draps qui sentent l'assouplissant de maman, c'est mourir quand même.

La solution aux drogues n'est pas aussi facile que l'est de cacher celui qui meurt lentement mais sûrement au printemps ou à l'été de sa vie. Un problème qu'on ne voit pas demeure un problème. Il ne faut pas l'oublier lorsqu'on cite certaines expériences d'autres villes ou pays, qui fournissent les seringues stérilisées et des locaux aux personnes qui s'injectent des drogues. Tant mieux si cela les empêche de transmettre davantage certaines MTS potentiellement mortelles comme le VIH-SIDA, mais la personne concernée est en train de mourir. Cela, il ne faut jamais l'oublier.

Légaliser les substances toxiques ne contribue pas à une meilleure qualité de vie d'une communauté. Et même s'il s'écroulait un pan entier du marché noir, il ne faudrait quelques mois ou années aux fraudeurs et criminels pour migrer vers d'autres pratiques ou encore, trouver les failles du système en créant un nouveau besoin (créer une nouvelle dépendance).

Maïs ou cannabis ? Hausse prévisible des prix des produits de la terre

Qu'est-il arrivé quand on a commencé à utiliser du maïs pour produire du combustible (éthanol)? Qu'est-il arrivé avec plusieurs terres agricoles en Colombie, quand les propriétaires ont fait un simple calcul, avec comme valeurs d'entrée revenu de légumes ou revenu de coca ?

Dans un contexte où il risque d'être plus payant de produire des cultures servant aux drogues et que cela sera vraisemblablement plus payant que le maïs, que les légumineuses ou les légumes, il faut très peu d'imagination pour anticiper la suite. Que feriez-vous, vous, en tant qu'agriculteur, si la même terre pouvait vous amener 2, 4 ou 10 fois plus de revenus à l'hectare?

La tentation de migrer vers ce genre de production serait difficile à éviter. Ceci engendrerait, de toute évidence, la hausse des prix de produits de la terre jusque là accessibles à la majorité.

Comment un jeune paie-t-il sa consommation régulière?

Dans une discussion sur le sujet avec un père de famille, celui-ci me servait le même genre d'arguments que ceux énumérés.

Je lui demandai alors: «Et comment le jeune va-t-il payer sa consommation hebdomadaire? Comment va-t-il payer son 50 dollars par semaine? Il risque fort de verser dans l'illégalité, comme le vol, pour payer sa consommation». Son visage changea radicalement, et il pâlit, au point de me mettre mal à l'aise.

Soyez assuré que le coût en sera beaucoup plus élevé que celui de la cigarette, d'autant plus que la consommation de drogues est souvent croisée avec une autre consommation (ex. cigarettes, alcool,...). Certains jeunes se priveront de bien manger pour pouvoir se payer leur consommation hebdomadaire ou quotidienne.

D'autres seront évidemment tentés de se servir eux-mêmes. Verra-t-on ainsi le jour où les jeunes n'iront plus en prison ou en centre de protection de la jeunesse pour possession et consommation de drogues, mais pour vols de plants de cannabis dans un champ cultivé?

L'argument du bon peuple responsable

Un des arguments des plus intéressants en faveur de la légalisation des drogues est celui du bon citoyen responsable. Il faut cesser, dit-on, d'interdire et laisser les gens décider de ce qu'ils font avec leur vie et leur santé. Cela ne regarde qu'eux.

La faiblesse de cet argument se prouve dès que surviennent les problèmes liés à une vie sans aucune contrainte légale externe ou "libre". Dans la réalité, il nous faut bientôt protéger les gens contre eux-mêmes (garde à vue à l'hôpital pour prévenir un suicide), leur fournir des seringues et condoms gratuits, des drogues transitoires gratuites lors des cures de désintoxication gratuites, des médicaments gratuits pour les maladies graves liées à l'injection des drogues jumelée aux comportements sexuels à risque, des soins gratuits pour les cancers de la gorge ou pour se relever d'un accident de la route avec facultés affaiblies par la drogue et l'alcool, soins ou compensation pour les victimes innocentes de ces accidents, et ainsi de suite.

Il est faux de prétendre que le Québec assumerait sa liberté. Dans les faits, plusieurs réclament le droit de vivre sur le fil du rasoir si tel est leur choix, mais à condition que l'État défraie le coût des conséquences possibles ou réelles de leurs choix personnels. On devrait selon eux payer collectivement pour les conséquences d'une vie à haut risque.

Plutôt étrange, pour le bon peuple responsable et mature.

Et, jusqu'à quel point un jeune de 13, 14 ou même 16 ans peut-il vraiment évaluer les conséquences des drogues légales ou illégales sur son cerveau, son système nerveux, ses émotions et son caractère, sa motivation, etc. pour les décennies à venir? À cet âge, on se croit invulnérable et immortel, je m'en souviens très bien.

Une liberté sans conséquence est une liberté sans maturité. Avez-vous remarqué que les coureurs automobile ou les professionnels de sports à risque ont des assurances vie et accident distinctes du commun des mortels. Ils assument leurs choix. L'assurance de la SAAQ ne couvre pas les os de Jacques Villeneuve s'il est sur une piste de course, ni de ceux qui veulent faire homologuer un record de vitesse en luge de rue.

Les limites de l'argumentation du légaliser-tout

Il n'est tout simplement pas vrai que la version légale d'une activité empêche sa version illégale (underground). Comprenez-moi bien. JE NE VEUX PAS DIRE ICI QU'IL FAILLE TOUT INTERDIRE, MAIS QUE L'EXISTENCE D'UN MARCHÉ LÉGAL N'EMPÊCHE HABITUELLEMENT PAS LE MARCHÉ PARALLÈLE. Je le démontrerai ici.

Prenons par exemple la pornographie, pourtant en vente libre dans plusieurs kiosques ou comptoirs de publications, selon des règles qui ont été resserées avec les années. Comment certains individus contournent-ils cela, sinon en fournissant quelques doses de gratuit (créant la dépendance ou le "besoin") via l'internet et en exploitant les volets non légaux de la chose. Ils vendent aux jeunes d'âge mineur. Certains exploitent des jeunes par la pédophilie et d'autres abus, voir même des agressions filmées et revendus online. La légalisation de la pornographie n'a pas éliminé le marché plus néfaste encore.

Cher "continent" (ou cher incontinent), jusqu'où ira la dérive du continent... ou de l'incontinent? Légaliserons-nous la pédophilie parce qu'elle devient incontrôlable? Abaisserons-nous l'âge du consentement sexuel à 13 ans parce que de telles relations gratuites ou rémunérées entre adultes et mineurs arrivent pour ceux qui les veulent de toute façon?

En fait, la philosophie séduisante du "légaliser-tout" atteint vite ses limites. Par exemple, imaginez que vous autorisiez la vente libre de toutes les armes à feu, incluant les armes de poing, les semi-automatiques et automatiques, les rendant accessibles à plus bas prix, via un permis, pour contrer le marché noir. Que récolteriez-vous alors? Une société où l'accès à une arme pour commettre un délit ou un suicide, même pour un adolescent, serait l'affaire de quelques minutes.

Autre exemple, les produits pharmaceutiques sont en vente libre et cela est évidemment correct. Mais la fraude est-elle éliminée pour autant? Comment la vente libre et légale est-elle contournée? En vendant librement de la copie illégale et du faux, ou du mi-vrai, mi-faux à mi-prix. Et puisqu'on parle de copie, on peut citer nimporte quel article en vente libre, du petit appareil électronique ou accessoire électrique (souvent non conformes ou non sécuritaires) à la chaussure et aux vêtements, en passant par les articles de sport et ainsi de suite.

On pourrait encore parler de la pratique de la chasse réglementée versus le braconnage. La chasse légale n'empêche pas l'autre. Même chose pour les loteries frauduleuses (ex. casinos virtuels) que les loteries gouvernementales n'ont pas empêchées. Même que dans ce cas, les loteries légales entretiennent des problèmes qui se rapprochent étrangement de ceux qu'elles prétendent éviter.

De la même manière, la criminalité, la fraude et leurs variantes industrielles ne trouvent pas leur échec dans le fait de légaliser tout ce qui ne peut pas être contrôlé ( légaliser la copie illégale ? la pédophilie? les armes semi-automatiques ou armes de poing dans chaque famille? ).

Le monde criminel ne suit pas la logique du bon peuple responsable

Le monde criminel fonctionne selon un mode centré sur le soi et le profit très rapide (l'argent facile). Il s'agit d'une dysfonction dont l'ordre de mission n'est pas le bien-être des individus et des communautés, mais leur aliénation et l'exploitation frauduleuse, tantôt de besoins véritables, tantôt de dépendances nourries ou créées avec but de les exploiter.

La vente libre d'alcool et son relatif contrôle semble être bien plus l'exception que la règle. Et encore, on en tait bien des méfaits. On ne parle pas assez souvent du nombre d'accidents de la route avec facultés affaiblies d'un conducteur.

Pensée : La vraie liberté n'est pas de choisir sa dépendance, c'est d'être libre, ou de marcher dans cette direction.

(NOTE: les commentaires en faveur de la légalisation seront effacés. La question est trop sérieuse et il ne s'agit pas ici d'un forum. Merci pour votre compréhension)